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Suite aux funérailles du pape, le Conclave se réunit pour élire son successeur. L’excitation est grande, à tous les étages de la fusée de faux-semblants nihilistes : tout en bas, du côté des réacteurs, le peuple qui ressemble davantage à une foule de supporters de football de divers pays qu’à de pieux fidèles ; en-dessus, au premier étage, des journalistes, pantins médiocres aussi paradeurs qu’incultes ; plus haut encore, au deuxième étage, l’homme d’importance qu’est le Chef communication du Vatican, sorte d’Hermès dégénéré, Polonais rempli de vide et de ruses bas de gamme pour cacher la vérité ; et, finalement, tout en haut, dans le cockpit, les cardinaux, électeurs et papables qui, loin de tenir les commandes de l’engin spatial, apparaissent comme une bande de gentils vieillards cacochymes et médicamentés. Les habits et gestuelles sont grandioses, les individus terriblement creux.
Lors du Conclave, les cardinaux ne sont pas tant crispés par l’enjeu du scrutin pour l’avenir de l’Eglise catholique que par ce qui va advenir de leurs propres personnes : inquiets, anxieux, au point d’en devenir quasi cabotins, leur plus grande crainte est à vrai dire… de se faire élire pape par leurs compères.
Mascarade : à chaque étage de la fusée, on s’agite. Et pourtant, depuis longtemps, la fusée ne va plus nulle part. Loin d’être porté et guidé par quelque chose qui nous dépasse, on est très centré sur sa petite personne, très soucieux de son avenir, son confort, son calme ; loin de toute foi, loin des grandes visions, convictions ou engagements, on se complaît dans son train-train quotidien : qu’importe le niveau auquel on se trouve dans la fusée, on fait semblant, on joue, on triche. Et on a peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur d’être mal vu dans ce qui apparaît comme un immense jeu de dupes.
Quand le cardinal Melville (Michel Piccoli) se voit élu, il se trouve affreusement mal pris, emprunté, hébété. Juste avant d’apparaître au balcon devant la foule de fidèles et les caméras du monde entier, il finit par craquer, comme un enfant ; ou, mieux, comme l’enfant qu’il est encore mais qui est écrasé par les innombrables règles du jeu. Le cockpit de la fusée est aux abois, l’inquiétude extrême ; là aussi, en même temps vis-à-vis de la situation générale et face au risque de voir une nouvelle élection organisée et par suite de se retrouver finalement pape à la place du pape…
Tous les moyens sont bons pour sauver les apparences et sa peau, y compris l’engagement d’un psychanalyste, forcément athée (Nanni Moretti), pour soigner le pauvre Melville. Mais lui, le nouveau pape, la vie le pousse vers une autre comédie, dont il a, au fond, rêvé depuis sa plus tendre enfance.
Sur fond de nihilisme, Nanni Moretti nous ouvre à la seule possibilité d’existence salubre dans les structures sclérosées et dénuées de sens de notre monde : le jeu, sportif, artistique, ou simplement de la vie, à votre guise.
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Bande-annonce :
Un « jeu de la vie » auquel le contexte du film – une Italie faite de fond en comble de trous, dysfonctionnements, déséquilibres et autres échafaudages brinquebalants mais où une certaine fluidité, couleur, chaleur, légèreté et non-rigidité continue à la maintenir et parfois même à la faire danser, telle que sait si bien la mettre en scène Nanni Moretti – apporte une touche charmante et même attirante.
A aller voir absolument!