Winter Vacation

20 août 2010 | Commentaires (0) | Cinéma, Vidéo

WINTER VACATION EST LE DERNIER FILM du cinéaste Chinois Li Hongqi, Léopard d’or au tout récent Festival de Locarno 2010.

Récompense surprise pour une étonnante œuvre cinématographique, en même temps d’une grande beauté plastique et d’une profondeur impressionnante. L’histoire n’importe guère : une bande d’adolescents désœuvrés, dans leur Chine à eux, prolétaire, inquiétante, durant les vacances.

Nous sommes en plein nihilisme : le but fait défaut, la réponse au pourquoi fait défaut, les valeurs suprêmes se dévalorisent, comme dit l’autre. Que ce soit en Chine ou chez nous, qu’importe : le nihilisme est mondialisé. Il ne s’agit que de variations du même vide, du même néant.

Plongés qu’est le monde dans l’absence de sens, le cinéma qui marche est aujourd’hui le cinéma d’action : les films d’action. Il faut qu’il se passe des choses, plein de choses, que l’histoire tienne debout, et surtout qu’on ne s’ennuie jamais. Fuite en avant, pas qu’au cinéma d’ailleurs. Fuite devant soi-même, les autres et le monde.

Vous allez au cinéma ? Vous vous en prenez plein la figure : des images, des effets, des sons, des peurs, des fantasmes, etc. Pour finir par oublier le néant qui vous constitue et vous entoure. Divertissement.

Winter Vacation fait tout le contraire : il s’agit d’un film méditatif, sans action véritable, d’une lenteur incroyable. Le film dépeint un monde et des gens a priori sans intérêt. Dans des situations tout à fait banales, a priori chiantes comme la lune. Mais qui a dit que la lune était chiante ? Sur fond de banalité s’ouvrent des perspectives, des mondes.

Au lieu de dire non au nihilisme, au lieu de le critiquer, de s’en détourner, Li Hongqi le regarde en face, droit dans les yeux, jusqu’au plus profond de lui-même. Aussi longtemps qu’il faut pour qu’il se passe quelque chose. Et alors, des choses, il s’en passe, des extraordinaires. Pas tout de suite, bien sûr, mais d’autant plus fort. Place à l’expérience, place à la vie, place au rire.

Petit extrait :

Un peu comme chez Beckett, l’absurde (l’absence de sens, le nihilisme) est affirmé à tel point qu’il fait naître le rire. Non pas le rire critique, moqueur, facile, mais ce rire indicible, léger, profond, divin, qui prouve qu’il y a de quoi faire et de quoi vivre, même dans le vide, même dans la misère. Jubilation. Même dans le vide, même dans la misère.

On a parlé dans les médias d’une critique politique de la Chine contemporaine. Lecture stupide : Winter Vacation est une œuvre d’art qui, comme toute les vraies œuvres d’art se fiche éperdument de la politique, de la sociologie, de la philosophie, tout comme des journalistes, des critiques de cinéma et de tout genre, mais ne s’occupe que d’une seule chose : s’efforcer, tant bien que mal, de dire la vie. Comme elle va – et vient. En sa nature tragi-comique, phusique.

Reste à espérer que le film trouve un distributeur – et que vous alliez tous trouver un moment pour le voir !

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