Nietzsche

NOMBREUSES ONT ÉTÉ LES ANNÉES DE MA VIE passées en compagnie de Nietzsche : Friedrich Nietzsche, philosophe allemand de la fin du XIXe siècle. Alors que, jeune et idéaliste, je peinais à trouver mon fil dans le labyrinthe de la vie, je suis tombé, à l’université, sur toute une série d’auteurs qui ont su me guider : une famille qui mène vers les forces artistiques dévoilées par… Nietzsche. Donc je me suis mis à lire et à vivre Nietzsche. A fond. Pour accoucher finalement de deux monstres académiques, un petit et un gros : un mémoire de licence et… une thèse de doctorat. Non sans découvrir mon Ariane et son fil. Fil tragi-comique qui me permet de jouer – avec tout le sérieux exigé – jusqu’avec le Minotaure lui-même !

Philosophe stimulant et difficile

Nietzsche est en même temps un des philosophes les plus stimulants et les plus difficiles de la tradition. Son œuvre compte plus de 8000 pages prolifiques, éclatées dans des dizaines de milliers d’aphorismes, de poèmes et de fragments contenant a priori les affirmations les plus contradictoires. De plus, Nietzsche ne cesse de discuter (et de se disputer) avec les philosophes et auteurs du passé. Aussi intéressants soient ses écrits, il est difficile de s’y frayer un chemin.

Enjeu de Nietzsche : réalimenter les forces de vie

Bonne nouvelle : en retournant Nietzsche dans tous les sens, il s’avère beaucoup moins difficile qu’on croit. Et surtout nullement contradictoire. A le lire vraiment – et pas seulement quelques passages, ici et là –, et à le lire avec ses tripes – et pas seulement avec sa petite tête –, on a tôt fait de remarquer que le noyau de la pensée de Nietzsche nous est très proche. Ce qu’il fait, ce n’est finalement rien d’autre que réalimenter les forces de vie qui nous traversent et qui sont depuis l’aube de notre tradition prisonnières de nos catégories de pensée. Ce qu’il fait à toutes les pages, c’est libérer les esprits et les corps du rationalisme et de la morale qui a tendance à les dessécher en leur surabondance propre.

Intuition de Nietzsche : Dionysos, dieu de la phusis

La vie en sa surabondance, le spécialiste de la Grèce ancienne qu’est Nietzsche la trouve dans la figure mythique, divine, de Dionysos, dieu de la tragédie, dieu artiste de la vie et de la mort, dieu de la phusis. Dieu dont l’importance a déjà été négligée en Grèce. Et ce justement au moment où, à l’époque de Platon, l’homme a commencé à faire de plus en plus confiance à la pensée rationnelle. Quand on a commencé à croire qu’on allait, par elle, trouver une explication logique à toute chose. Et qu’on allait même, par elle, pouvoir transformer le monde et le rendre conforme à notre volonté humaine de stabilité et de constance. Humaine, trop humaine, dira Nietzsche. Sous l’égide de la raison et de la morale, la vie en sa surabondance est canalisée, mise en boîte, la boîte fermée à clé, la clé jetée aux oubliettes.

Corriger le tir rationnel et moral

Toute l’œuvre de Nietzsche vise à corriger le tir rationnel-moral de notre tradition. A retrouver la clé de l’existence. Toutes nos catégories de pensées ne sont qu’humaines, trop humaines, pur produit de la petite volonté craintive des hommes. Et non de la grande cohérence de la vie dans son ensemble, dont les hommes ne sont qu’une toute petite partie insignifiante. Selon Nietzsche, les hommes se survalorisent, se trompent sur eux-mêmes et sur le monde. Forts de leur rationalité – de la science, de la technique et des progrès auxquels elle ouvre –, ils ne cessent de se tromper sur leur place au sein du monde. Arrogance.

Survalorisation, tromperie, arrogance et oubli de grand danger. Non pas pour la vie, mais pour les hommes et leur avenir. Déséquilibrée, la vie ne peut faire autrement que venir rétablir l’équilibre. La seule chose qui compte pour elle, c’est l’harmonie, le jeu et l’union équilibrés des contraires. Estropiée, divisée, elle est contrainte de se révolter.

Nietzsche présente tantôt le monde comme un grand malade, qui n’arrête pas de se retourner pour trouver une meilleure position, se libérer de sa souffrance, due à son excès de richesse, à son trop-plein. Si on l’en empêche, il se libère autrement. Tous les moyens sont bons. En réponse à son besoin d’équilibre. Le fait que des hommes doivent souffrir, périr – serait-ce par millions, par milliards – n’importe guère. Tout comme la manière qu’ils ont de le faire. L’homme n’a pas à déséquilibrer les forces de vie.

Nietzsche révolutionnaire

Comme le dit Nietzsche lui-même dès son premier texte, sa tâche est de révolutionner la pensée de l’homme occidental : rouvrir à la phusis dionysiaque et par suite libérer la vie dans son ensemble. Si Platon a établi la pensée rationnelle et ouvert la porte sur notre vision anthropocentrique et progressiste du monde, Nietzsche se situe à l’autre bout de la tradition, avec pour enjeu de venir renverser la vapeur.

Nos travaux sur Nietzsche sont présentés ci-dessous : 

Dithyrambes de Dionysos

Parole de Zarathoustra

La révolution de Nietzsche. Avec Dionysos et nous