Le premier Dithyrambe de Dionysos dévoile la vraie nature du philosophe traditionnel. Loin d’être, comme il le croit, un amant de la vérité, il n’est qu’un bouffon, un poète voltigeant sur de mensongers ponts de mots, sur des arcs-en-ciel de mensonges entre de faux ciels…
C’est le soir. Le soleil décline. Les ombres croissent. La vérité, la lumière sombre dans la nuit. Tout comme le philosophe et ses claires idées. Les choses apparaissent dans une autre vérité, une autre lumière : lumière ambiguë, énigmatique, riche, inquiétante. La rosée promet de nouvelles possibilités d’existence.
Rien que bouffon ! Rien que poète !
Lorsque la clarté de l’air se trouve retirée,
quand déjà les perles de la consolante rosée
descendent vers la terre,
invisible, et non entendue
— car elle porte de tendres chaussons
cette consolatrice, la rosée, comme tous les doux consolateurs —
t’en souvient-il alors, t’en souvient-il, cœur brûlant,
comme, jadis, tu avais soif,
de célestes larmes et de ruissellement de rosée
brûlé et las, tu avais soif,
tandis que sur des sentiers d’herbe jaunie
des regards méchants du soleil vespéral
couraient autour de toi à travers les arbres noirs,
des regards aveuglants de braise solaire, au narquois plaisir.
« Amant de la vérité — toi ? ainsi raillaient-ils —
non ! Rien qu’un poète !
un animal, rusé, prédateur, se glissant furtivement,
contraint de mentir,
contraint de mentir consciemment et volontairement,
avide de proie,
caché sous des cocons bariolés,
pour soi-même le cocon,
pour soi-même la proie,
cela — amant de la vérité ?…
Rien que bouffon ! Rien que poète !
Ne parlant qu’en mille couleurs,
émettant des cocons de bouffons des paroles bariolées,
voltigeant sur des mensongers ponts de mots,
sur des arcs-en-ciel de mensonges
entre de faux ciels
vaguant, se glissant furtivement ça et là —
Rien que bouffon ! Rien que poète !…
Cela — amant de la vérité ?…
Non pas calme, raide, lisse, froid,
devenu image,
colonne d’un dieu,
non pas dressé devant des temples,
gardien de la porte d’un dieu :
non ! hostile à de telles statues de vertu,
dans chaque contrée sauvage davantage chez soi que dans des temples,
plein de pétulance de félin
bondissant à travers chaque fenêtre
vite ! dans chaque hasard,
reniflant vers chaque forêt vierge,
courant dans des forêts vierges
parmi des fauves au pelage bariolé
sain comme le péché, beau et bariolé,
les babines avides,
béatement railleur, béatement infernal, béatement avide de sang,
courant, en cherchant sa proie, se glissant furtivement, mentant…
Ou bien, pareil à l’aigle, qui longuement,
longuement regarde fixement dans des abîmes,
dans ses abîmes…
— oh comme ils s’enfoncent ici,
vers le bas, vers le dedans,
tournoyant dans des profondeurs toujours plus profondes ! —
Puis,
soudain,
d’un vol direct,
tirant d’un trait
tombe sur des agneaux,
soudain en bas, affamé,
avide d’agneaux,
en en voulant à toutes les âmes d’agneau,
en en voulant méchamment à tout ce qui regarde
vertueusement, moutonneusement, laineusement-frisé,
bêtement, avec un bon vouloir de lait d’agneaux…
Ainsi
à la manière de l’aigle, à la manière de la panthère
sont les désirs du poète,
sont tes désirs sous milles cocons,
toi bouffon ! toi poète !…
Toi qui contemplais l’homme
tant comme Dieu que comme mouton —,
déchirer le Dieu dans l’homme
comme le mouton dans l’homme
et rire en déchirant —
Cela, cela est ta béatitude,
une béatitude de panthère et d’aigle,
une béatitude de poète et de bouffon ! »…
Lorsque la clarté de l’air se trouve retirée,
quand déjà la faucille de la lune
verte entre des rougeoiements de pourpre
et jalousement se glisse,
— hostile au jour,
faucillant secrètement à chaque pas
à même des lits de roses
jusqu’à ce qu’ils déclinent,
pâles, sombrant vers la nuit :
ainsi sombrais-je moi-même jadis
hors de ma folie de vérité,
hors de mes désirs de jour,
las du jour, malade de la lumière,
— sombrais vers l’abîme, vers le soir, vers l’ombre,
d’Une vérité
brûlé et assoiffé
— t’en souvient-il encore, t’en souvient-il, cœur brûlant,
comme tu avais soif ? —
que je sois banni
de toute vérité !
Rien que bouffon ! Rien que poète !…
Nur Narr! Nur Dichter!
Bei abgehellter Luft,
wenn schon des Thau’s Tröstung
zur Erde niederquillt,
unsichtbar, auch ungehört
– denn zartes Schuhwerk trägt
der Tröster Thau gleich allen Trostmilden –
gedenkst du da, gedenkst du, heisses Herz,
wie einst du durstetest,
nach himmlischen Thränen und Thaugeträufel
versengt und müde durstetest,
dieweil auf gelben Graspfaden
boshaft abendliche Sonnenblicke
durch schwarze Bäume um dich liefen
blendende Sonnen-Gluthblicke, schadenfrohe.
« Der Wahrheit Freier – du? so höhnten sie
nein! nur ein Dichter!
ein Thier, ein listiges, raubendes, schleichendes,
das lügen muss,
das wissentlich, willentlich lügen muss,
nach Beute lüstern,
bunt verlarvt,
sich selbst zur Larve,
sich selbst zur Beute
das – der Wahrheit Freier? …
Nur Narr! Nur Dichter!
Nur Buntes redend,
aus Narrenlarven bunt herausredend,
herumsteigend auf lügnerischen Wortbrücken,
auf Lügen-Regenbogen
zwischen falschen Himmeln
herumschweifend, herumschleichend –
nur Narr! nur Dichter! …
Das – der Wahrheit Freier? …
Nicht still, starr, glatt, kalt,
zum Bilde worden,
zur Gottes-Säule,
nicht auf gestellt vor Tempeln,
eines Gottes Thürwart:
nein! feindselig solchen Tugend-Standbildern,
in jeder Wildniss heimischer als in Tempeln,
voll Katzen-Muthwillens
durch jedes Fenster springend
husch! in jeden Zufall,
jedem Urwalde zuschnüffelnd,
dass du in Urwäldern
unter buntzottigen Raubthieren
sündlich gesund und schön und bunt liefest,
mit lüsternen Lefzen,
selig-höhnisch, selig-höllisch, selig-blutgierig,
raubend, schleichend, lügend liefest…
Oder dem Adler gleich, der lange,
lange starr in Abgründe blickt,
in seine Abgründe …
– oh wie sie sich hier hinab,
hinunter, hinein,
in immer tiefere Tiefen ringeln! –
Dann,
plötzlich,
geraden Flugs
gezückten Zugs
auf Lämmer stossen,
jach hinab, heisshungrig,
nach Lämmern lüstern,
gram allen Lamms-Seelen,
grimmig gram Allem, was blickt
tugendhaft, schafmässig, krauswollig,
dumm, mit Lammsmilch-Wohlwollen …
Also
adlerhaft, pantherhaft
sind des Dichters Sehnsüchte,
sind deine Sehnsüchte unter tausend Larven
du Narr! du Dichter!…
Der du den Menschen schautest
so Gott als Schaf -,
den Gott zerreissen im Menschen
wie das Schaf im Menschen
und zerreissend lachen –
das, das ist deine Seligkeit,
eines Panthers und Adlers Seligkeit,
eines Dichters und Narren Seligkeit! …
Bei abgehellter Luft,
wenn schon des Monds Sichel
grün zwischen Purpurröthen
und neidisch hinschleicht,
– dem Tage feind,
mit jedem Schritte heimlich
an Rosen-Hängematten
hinsichelnd, bis sie sinken,
nachtabwärts blass hinabsinken:
so sank ich selber einstmals,
aus meinem Wahrheits-Wahnsinne,
aus meinen Tages-Sehnsüchten,
des Tages müde, krank vom Lichte,
– sank abwärts, abendwärts, schattenwärts,
von Einer Wahrheit
verbrannt und durstig
– gedenkst du noch, gedenkst du, heisses Herz,
wie da du durstetest? –
dass ich verbannt sei
von aller Wahrheit!
Nur Narr! Nur Dichter! …
Was ist ein Dithyrambe? Wer hat « Nur Narr! Nur Dichter! » übersetzt? Dies ist für mich schwer verständlich!
Guet Nacht
Marianne
Oups… Il y a là un problème informatique. En fait, c’est un article de la partie « Traductions » dans « Philosophie », « Nietzsche ». Il faudrait que ça apparaisse directement. C’est à vrai dire une retraduction de ma part… Retraduction du dernier recueil de textes que Nietzsche a mis au point.
Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? C’est volontiers que je t’aide à entrer !