
L’EXPÉRIENCE ROMANTIQUE DE L’AMOUR vise la fusion. L’amour fusionnel. Deux êtres, ensemble, ne faisant qu’un. Pour la vie. Dans le bonheur parfait, perpétuel. Et tout le monde il est beau, et tout le monde il est gentil, et tout le monde il est content. Si possible allongé sur du sable fin un magnifique couché de soleil et une jolie musique en arrière-fond. Comme au cinéma.
L’expérience phusique de l’amour voit aussi les êtres se rapprocher, s’aimer, mais sans idée de fusion. Dans l’amour romantique, ce n’est pas l’autre, pas la vie qu’on aime, mais soi-même, une image de soi-même à travers l’autre. En visant la fusion, on vise une autre vie que la vie ici et maintenant : une vie idéale, qui n’existe à vrai dire que dans nos têtes – et qui a tôt fait de nous perdre.
La phusis est nécessaire à l’amour ; elle en est la garante. Sinon on sombre dans la mièvrerie, dans le romantisme, dans une idée malade de l’amour comme fuite vers soi-même et vers un ailleurs idéal. P(seudo-p)aradis terrestre.
« Enfin l’amour, l’amour retransposé dans la nature ! Non pas l’amour d’une « vierge idéale » ! Pas une sentimentalité de Senta ! Mais l’amour comme fatum, comme fatalité, cynique, innocent, cruel – et précisément par là nature ! »
(Nietzsche, Le cas Wagner. Un problème pour musiciens, « Lettre de Turin », §2).
L’amour phusique, dionysiaque comme possibilité alternative face à l’amour préfabriqué qu’on nous enfonce dans la tête, qu’on nous offre et vend partout.
Ah… l’amour ! Ou l’amuur, comme disent certains, tellement les choses ont tôt fait de ne pas tourner rond.
C’est pour cela que je crois au « coup de foudre ». Quitte à paraître romantique…
Romantique, le coup de foudre ? Pas sûr. Par contre l’interprétation qu’on en fait et les conséquences qu’on en tire peut, quand à lui, devenir romantique : fuite de la phusis (lois de la vie) pour l’idéal (volonté de complétude de la pensée humaine).