Ă MES FRĂRES, VOUS ME TROUVEZ PEUT-ĂTRE CRUEL, mais je ne peux faire autrement que transmettre les enseignements qui me traversent. Câest pourquoi je me dois de vous dire que ce qui perd lâĂ©quilibre, ce qui tombe, il faut encore le pousser !
Nous vivons aujourdâhui une pĂ©riode de dĂ©clin, de dĂ©gĂ©nĂ©rescence. Tout ce qui nous entoure a tendance Ă chuter, Ă se dĂ©labrer. Evidemment, dans cette situation, notre rĂ©flexe traditionnel, moral, serait de vouloir le retenir, lâentourer, lâaider, mais moi â je veux encore le pousser ! Et vous voir faire de mĂȘme ! Loin de vous enseigner Ă freiner la chute, je vous apprends Ă accĂ©lĂ©rer le processus de dĂ©labrement.
Connaissez-vous la jouissance de la chute, la volupté qui fait rouler les pierres dans des profondeurs abruptes ? Non ? Vous ne la connaissez pas ? Vous refusez cette joie qui fait pourtant partie intégrante de la vie ?
Mais regardez donc avec quel plaisir les hommes dâaujourdâhui roulent dans mes profondeurs, se prĂ©cipitent dans mes abĂźmes ! Regardez de quelle façon ils sont attirĂ©s par mes enseignements et mes jeux ; avec quelle force ils veulent â comme moi, comme le soleil â dĂ©cliner pour mieux sâenvoler dans les airs.
Car je suis un prĂ©lude : je suis lâannonce de la naissance de meilleurs joueurs, ĂŽ mes frĂšres ! Un prĂ©lude, un exemple ! Oui, comportez-vous en suivant mon jeu, mon exemple ! Faites comme moi : apprenez Ă quiconque Ă sâenvoler dans les airs !
Et si vous rencontrez des gens qui, malgrĂ© vos enseignements, nâarrivent pas Ă sâenvoler, poussez-les dans les profondeurs ! Apprenez-leur Ă tomber plus vite â Ă plonger plus rapidement dans lâabĂźme ! Car câest dans lâabĂźme que naissent les ailes les plus solides.
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Traduction littérale
à mes frÚres, suis-je donc cruel ? Mais je dis : ce qui tombe, il faut encore le pousser !
Tout ce qui est aujourdâhui â cela tombe, cela se dĂ©labre : qui voudrait le retenir ! Mais moi â je veux encore le pousser !
Connaissez-vous la volupté qui fait rouler les pierres dans des profondeurs abruptes ?
â Ces hommes dâaujourdâhui : regardez les donc, comme ils roulent dans mes profondeurs !
Je suis un prĂ©lude de meilleurs joueurs, ĂŽ mes frĂšres ! Un exemple ! Faites dâaprĂšs mon exemple !
Et celui auquel vous nâapprenez pas Ă voler, apprenez-moi lui â Ă tomber plus vite ! â
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Il sâagit ci-dessus de la partie 20 (sur 30) du douziĂšme chapitre (« De vieilles et de nouvelles tables ») de la « TroisiĂšme partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement rĂ©investi (en haut) et traduction littĂ©rale (en bas). Les prĂ©cĂ©dents chapitres se trouvent ici.