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A midi

  • 21 DĂ©c 2014
  • in Zarathoustra
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AprĂšs avoir laissĂ© son dernier interlocuteur, son ombre, grimper en direction de sa caverne, pour qu’il converse du bonheur avec son aigle et son serpent, Zarathoustra a repris son chemin et foulĂ© seul la montagne. Longtemps, il a marchĂ©, il a couru, sans plus ĂȘtre dĂ©rangĂ©, sans plus tomber sur personne, sans plus trouver personne d’autre que lui-mĂȘme. Et il a joui de sa solitude, s’en est dĂ©lectĂ©, l’a bue Ă  grand traits. Non sans penser des heures durant Ă  de bonnes choses, Ă  toutes les bonnes choses que la vie, la solitude peuvent donner Ă  un homme comme lui, Ă  un homme libre comme lui.

Puis, Ă  l’heure de midi, Ă  l’heure oĂč le soleil se trouve exactement au-dessus de nos tĂȘtes, l’heure oĂč la lumiĂšre est la plus vive, et les ombres les plus rares, Ă  cette heure de midi, Zarathoustra est passĂ© Ă  cĂŽtĂ© d’un vieil arbre, tordu et noueux. Un arbre si richement, si amoureusement enlacĂ© par un cep de vigne si vigoureux, si exubĂ©rant, qu’on le voyait Ă  peine, et qu’il se trouvait mĂȘme cachĂ© Ă  lui-mĂȘme. Comme c’était l’automne, des raisins jaunes pendaient en nombre et s’offraient gĂ©nĂ©reusement au voyageur. Suite Ă  ses longues marches, voyant cela, Zarathoustra a alors eu envie d’étancher une petite soif et de cueillir une grappe. Mais alors qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  en train de tendre sa main vers une belle grappe dĂ©bordant de gros raisins jaunes, quelque chose lui a soudain fait plus envie encore : de se coucher sur le sol, Ă  cĂŽtĂ© de l’arbre, et de dormir, Ă  cette heure de plein midi.

Et tel est bel et bien ce qu’a fait Zarathoustra. Et aussitĂŽt qu’il Ă©tait couchĂ© sur le sol, dans le calme et l’intimitĂ© de l’herbe colorĂ©e, il avait dĂ©jĂ  oubliĂ© sa petite soif et s’est assoupi et endormi. Car, comme le dit le proverbe de Zarathoustra lui-mĂȘme : il ne faut jamais se fixer que sur une chose, absolutiser une chose aux dĂ©pens des autres ; l’un est toujours plus nĂ©cessaire, plus indispensable que l’autre. Et pas forcĂ©ment celui qu’on croit de prime abord.

Et Zarathoustra de s’assoupir et de s’endormir. A cette nuance prĂšs que ses yeux sont restĂ©s ouverts : car ses yeux ne pouvaient se lasser de regarder et de louer le vieil arbre et l’amour du cep de vigne pour le vieil arbre. Et, ce faisant, en s’assoupissant et s’endormant, voilĂ  comment Zarathoustra a parlĂ© Ă  son cƓur :

« Chut ! Chut !, Quel moment de bonheur ! Le monde ne vient-il pas de parvenir Ă  son accomplissement ? Mais qu’est-ce qui m’arrive ?

Ah, le sommeil me prend. Comme un vent gracieux, invisible, danse sur une mer étale, léger, léger comme une plume, voilà comment le sommeil danse sur moi et me prend.

Il ne me ferme pas l’Ɠil, il laisse mon Ăąme Ă©veillĂ©e. Il est lĂ©ger, en vĂ©rité ! LĂ©ger comme une plume.

Il me persuade – est-ce que je sais comment ? Je ne suis plus maĂźtre de rien. Il me tapote intĂ©rieurement, d’une main caressante. Il me force, il me guide. Oui, il me force, me guide, de sorte que mon Ăąme s’étire, s’allonge.

Ah, comme elle devient longue et lourde, mon Ăąme merveilleuse ! Et tout ça en plein midi ! Le soir d’un septiĂšme jour lui est-il venu en plein midi ? L’heure est-il de se reposer ? Mon Ăąme a-t-elle dĂ©jĂ  trop longtemps dĂ©ambulĂ©, bienheureuse, parmi quantitĂ© de choses bonnes et mĂ»res ?

Elle s’étire longuement, longuement, et plus longuement encore ! Elle est couchĂ©e calmement, mon Ăąme merveilleuse. Elle a dĂ©jĂ  trop voguĂ©, trop errer, goĂ»tĂ© trop de bonnes choses, cette tristesse dorĂ©e – la solitude ? – lui pĂšse, elle tord la bouche.

Comme un bateau qui est entrĂ© dans sa calme baie, elle s’adosse maintenant Ă  la terre, fatiguĂ©e par les longs voyages et des mers incertaines. La terre n’est-elle pas plus fidĂšle, plus rassurante que la mer ?

Comme un bateau qui s’accroche Ă  la terre et se blottit contre elle : inutile de l’amarrer fortement, il suffit alors qu’une araignĂ©e tisse son fil de la terre jusqu’à lui. Elle n’a pas besoin d’un cordage plus solide.

Comme un bateau fatigué, dans la plus calme des baies : voilà comment je me repose moi aussi, prÚs de la terre, fidÚle, confiant, attendant ce qui lui est réservé, attaché à elle par les plus légers des fils.

O bonheur ! O bonheur ! Veux-tu donc chanter, o mon Ăąme ? Tu es couchĂ©e sur l’herbe. Mais attention : c’est l’heure secrĂšte, solennelle, oĂč nul berger, nul pĂątre ne souffle dans sa flĂ»te !

Prends garde : le brĂ»lant midi dort sur les campagnes ! Ne fais pas de bruit ! Ne chante pas ! Chut ! Silence ! Le monde est accompli. Le monde est arrivĂ© Ă  son stade d’accomplissement.

Ne chante pas, toi, oiseau des prĂ©s, o mon Ăąme lĂ©gĂšre ! Ne murmure mĂȘme pas ! Contente-toi de regarder – en silence ! Le vieux midi dort, il bouge la bouche : ne boit-il pas justement une goutte de bonheur ?

Une vieille goutte, brune, de bonheur dorĂ©, de vin doré ? Quelque chose glisse furtivement sur lui ; et voilĂ  que son bonheur rit. Ah, c’est comme ça – que rit un dieu. Chut ! Silence !

« Heureusement, comme il en faut peu, pour le bonheur ! », voilĂ  comment j’ai parlĂ©, jadis ; et je me trouvais avisĂ© en distant ça. Mais c’était un blasphĂšme : ça, je l’ai maintenant appris. MĂȘme les bouffons avisĂ©s parlent mieux que ça !

Le bonheur ne fait aucun bruit ! Le bonheur, c’est justement le plus infime, le plus silencieux, le plus lĂ©ger : le frĂ©missement d’un lĂ©zard, un souffle, un glissement, un clin d’Ɠil. Le meilleur bonheur, le plus grand, le plus beau, le plus vrai, est fait de peu, de riens. Chut ! Silence !

Que m’est-il arrivé : Ă©coute ! Le temps n’est-il pas suspendu ? Le temps s’est-il donc envolé ? Ne suis-je pas en train de tomber ? Ne suis-je pas dĂ©jĂ  tombé ? Ecoute ! Ne suis-je pas dĂ©jĂ  tombĂ© dans le puits de l’éternité ?

Que m’arrive-t-il ? Chut ! Silence ! Ah, ça me pique – malheur ! – dans le cƓur ? Dans le cƓur ! O, tu n’as qu’à te briser ! Tu n’as qu’à te briser, mon cƓur, aprĂšs un tel bonheur, aprĂšs une telle piqĂ»re !

Comment ? Le monde ne vient-il pas d’ĂȘtre accompli ? Rond et mĂ»r ? O, ce cercle dorĂ©, ce cercle rond et mĂ»r ! Ce raisin, ce soleil ! OĂč donc vole-t-il ? Que faire ? Est-ce qu’il faut que je le suive en courant ! Allez !

Chut ! Silence ! »

Et ici, Ă  ce moment, Zarathoustra s’est Ă©tirĂ© et a senti qu’il dormait.

« Debout !, s’est-il dit alors Ă  lui-mĂȘme, toi, le dormeur ! Debout, toi le dormeur de midi ! Allez, en avant, vieilles jambes ! Il est temps, il est grand temps : il vous reste encore un bon bout de chemin Ă  faire !

Vous avez maintenant assez dormi. Mais combien de temps ? Une demi-Ă©ternité ! Allez, en avant, maintenant, mon vieux cƓur ! Ah, combien de temps il te faudra pour te rĂ©veiller d’un tel sommeil ? »

Mais voilĂ  que Zarathoustra s’est de nouveau assoupi et endormi. Son Ăąme allait Ă  son encontre et se dĂ©fendait et s’allongeait de nouveau. « Laisse-moi donc ! Silence ! Chut ! Le monde ne vient-il pas d’ĂȘtre accompli ? Oh, cette balle d’or, cette ronde balle d’or, lĂ -haut, dans le ciel ! »

« LĂšve-toi !, a dit encore Zarathoustra. LĂšve-toi ! Toi petite voleuse ! Toi, petite voleuse de jour, petite fainĂ©ante ! Comment ? Ah, toi alors ! N’es-tu pas toujours Ă  vouloir t’étirer, bĂąiller, soupirer, tomber au fond de puits profonds ? Mais qui es-tu donc, ĂŽ mon Ăąme ! »

Et ici, à ce moment, Zarathoustra a sursauté, car un rayon de soleil est soudain tombé du ciel sur son visage.

« O, ciel au-dessus de moi, a-t-il soupiré, en se redressant, en se rasseyant, tu me regardes ? Tu écoutes ma merveilleuse ùme ?

Quand bois-tu cette goutte de rosée qui est tombée sur toutes les choses terrestres ? Quand bois-tu cette merveilleuse ùme ? Quand bois-tu ce bonheur ?

Hein ? Quand ? Dis-moi quand, puits de l’éternité ! Toi, serein et terrible abĂźme de midi ! Dis : quand bois-tu mon Ăąme ? Quand bois-tu mon Ăąme, en retour, dans toi ? »

VoilĂ  comment a parlĂ© Zarathoustra, au pied du vieil arbre. Puis il s’est levĂ© de sa couche, pĂ©niblement, titubant, comme s’il sortait d’une ivresse Ă©trangĂšre. Et, regardez : le soleil Ă©tait toujours lĂ , juste au-dessus de sa tĂȘte. A croire que Zarathoustra n’a pas dormi longtemps, ou alors que pendant tout ce temps, le temps s’est vraiment trouvĂ© suspendu…

***

Traduction littérale

Et Zarathoustra a couru et couru et n’a plus rencontrĂ© personne et Ă©tait seul et s’est toujours de nouveau trouvĂ© lui et a joui et bu Ă  grand bruit sa solitude et a pensĂ© Ă  de bonnes choses, – des heures durant. Mais aux alentours de cette heure de midi, quand le soleil se trouvait exactement au-dessus de la tĂȘte de Zarathoustra, il est passĂ© Ă  cĂŽtĂ© d’un vieil arbre tordu et noueux, embrassĂ© par le riche amour d’un cep de vigne, et cachĂ© Ă  lui-mĂȘme : des raisins jaunes pendaient en nombre de lui, s’offrant au voyageur. Il a alors eu envie d’étancher une petite soif et de se cueillir une grappe ; mais alors qu’il Ă©tait dĂ©jĂ  en train d’y tendre sa main, quelque chose lui a fait plus envie encore : Ă  savoir de se coucher Ă  cĂŽtĂ© de l’arbre et de dormir Ă  cette heure de plein midi.

C’est ce qu’a fait Zarathoustra ; et aussitĂŽt qu’il Ă©tait couchĂ© sur le sol, dans le calme et l’intimitĂ© de l’herbe colorĂ©e, il avait dĂ©jĂ  oubliĂ© sa petite soif et s’est endormi. Car, comme le dit le proverbe de Zarathoustra : l’un est plus nĂ©cessaire que l’autre. A ceci prĂšs que ses yeux sont restĂ©s ouverts : – car ils ne se lassaient pas de regarder et louer l’arbre et l’amour du cep de vigne. Mais, en s’endormant, voilĂ  comment Zarathoustra a parlĂ© Ă  son cƓur :

« Chut ! Chut !, le monde ne vient-il pas d’ĂȘtre accompli ? Mais qu’est-ce qui m’arrive ?

Comme un vent gracieux, invisible, danse sur la mer Ă©tale, lĂ©ger, lĂ©ger comme une plume : voilĂ  – comment le sommeil danse sur moi.

Il ne me ferme pas un Ɠil, laisse mon Ăąme Ă©veillĂ©e. Il est lĂ©ger, en vĂ©rité ! LĂ©ger comme une plume.

Il me persuade, je ne sais pas comment ?, il me tapote intĂ©rieurement d’une main caressante, il me force. Oui il me force, de sorte que mon Ăąme s’étire : –

– comme elle me devient longue et lourde, mon Ăąme merveilleuse ! Le soir d’un septiĂšme jour lui est-il venu juste Ă  midi ? A-t-elle dĂ©jĂ  trop longtemps dĂ©ambulĂ©, bienheureuse, entre des choses bonnes et mĂ»res ?

Elle s’étire longuement, longuement, plus longuement encore ! Elle est couchĂ©e calmement, mon Ăąme merveilleuse. Elle a dĂ©jĂ  goĂ»tĂ© trop de bonnes choses, cette tristesse d’or lui pĂšse, elle tord la bouche.

– Comme un bateau qui est entrĂ© dans sa calme baie : – elle s’adosse maintenant Ă  la terre, fatiguĂ©e par les longs voyages et des mers incertaines. La terre n’est-elle pas plus fidĂšle ?

Comme un tel bateau s’accroche Ă  la terre et se blottit contre elle : – il suffit alors qu’une araignĂ©e tisse son fil de la terre jusqu’à lui. Elle n’a pas besoin d’un cordage plus solide.

Comme un tel bateau fatiguĂ© dans la plus calme des baies : c’est comme ça que je me repose moi aussi prĂšs de la terre, fidĂšle, confiant, attendant, attachĂ© Ă  elle par les plus lĂ©gers des fils.

O bonheur ! O bonheur !

Veux-tu donc chanter, o mon Ăąme ? Tu es couchĂ©e sur l’herbe. Mais voici l’heure secrĂšte, solennelle, oĂč nul berger ne souffle dans sa flĂ»te.

Fais attention ! Le brûlant midi dort sur les campagnes. Ne chante pas ! Silence ! Le monde est accompli.

Ne chante pas, toi, oiseau des prĂ©s, ĂŽ mon Ăąme ! Ne murmure mĂȘme pas ! Regarde donc – silence ! Le vieux midi dort, il bouge la bouche : ne boit-il pas justement une goutte de bonheur –

– une vieille, brune goutte de bonheur dorĂ©, de vin doré ? Quelque chose glisse furtivement sur lui, son bonheur rit. Comme ça – rit un dieu. Silence ! –

– « heureusement, comme il faut peu pour le bonheur ! » VoilĂ  comment j’ai parlĂ© jadis et je me trouvais avisĂ©. Mais c’était un blasphĂšme : ça, je l’ai maintenant appris. Les bouffons avisĂ©s parlent mieux que ça.

C’est justement le plus infime, le plus silencieux, le plus lĂ©ger, le frĂ©missement d’un lĂ©zard, un souffle, un glissement, un clin d’Ɠil – de peu est fait le meilleur bonheur. Silence !

– Que m’est-il arrivé : Ă©coute ! Le temps s’est-il donc envolé ? Ne suis-je pas en train de tomber ? Ne suis-je pas tombĂ© – Ă©coute ! dans le puits de l’éternité ?

– Que m’arrive-t-il ? Silence ! Ça me pique – malheur – dans le cƓur ? Dans le cƓur ! O, brise-toi, brise-toi, cƓur, aprĂšs un tel bonheur, aprĂšs une telle piqĂ»re !

– Comment ? Le monde ne vient-il pas d’ĂȘtre accompli ? Rond et mĂ»r ? O, ce rond et mĂ»r cercle d’or – oĂč donc vole-t-il ? Est-ce que je le suis en courant ! Allez !

Silence – – » (et ici Zarathoustra s’est Ă©tirĂ© et a senti qu’il dormait.)

« Debout, s’est-il dit Ă  lui-mĂȘme, toi, le dormeur ! Toi le dormeur de midi ! Allez, en avant, vieilles jambes ! Il est temps, il est grand temps, il vous reste encore un bon bout de chemin Ă  faire –

Vous avez maintenant assez dormi, mais combien de temps ? Une demi-Ă©ternité ! Allez, en avant, maintenant, mon vieux cƓur ! AprĂšs combien de temps pourras-tu te rĂ©veiller aprĂšs un tel sommeil ? »

(Mais il s’est alors de nouveau endormi, et son Ăąme parlait contre lui et se dĂ©fendait et s’allongeait de nouveau) – « Laisse-moi donc ! Silence ! Le monde ne vient-il pas d’ĂȘtre accompli ? O, cette ronde balle d’or ! » –

« LĂšve-toi, a dit Zarathoustra, toi petite voleuse, toi voleuse de jour/fainĂ©ante ! Comment ? Toujours s’étirer, bĂąiller, soupirer, tomber au fond de puits profonds ?

Mais qui es-tu donc ! O mon ùme ! » (et ici il a sursauté, car un rayon de soleil est tombé du ciel sur son visage.)

« O, ciel au-dessus de moi, a-t-il dit en soupirant et s’est redressĂ©, rassis, tu me regardes ? Tu Ă©coutes ma merveilleuse Ăąme ?

Quand bois-tu cette goutte de rosĂ©e qui est tombĂ©e sur toutes les choses terrestres, – quand bois-tu cette merveilleuse Ăąme –

– quand, puits de l’éternité ! Toi, serein et terrible abĂźme de midi ! Quand bois-tu mon Ăąme en retour dans toi ? »

VoilĂ  comment a parlĂ© Zarathoustra et s’est levĂ© de sa couche au pied de l’arbre comme au sortir d’une ivresse Ă©trangĂšre : et regardez, le soleil Ă©tait toujours lĂ , juste au-dessus de sa tĂȘte. Avec raison, on pourrait cependant en conclure que Zarathoustra n’a alors pas dormi longtemps.

***

Il s’agit ci-dessus du dixiĂšme chapitre de la « QuatriĂšme et derniĂšre partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement rĂ©investi (en haut) et traduction littĂ©rale (en bas). Les prĂ©cĂ©dents chapitres et parties se trouvent ici. Musique : Keith Jarrett, The Melody At Night With You.

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