Observons pendant vingt secondes ce que fait notre regard. Regardons autour de nous et prenons garde à ce qui se passe.
Quand on regarde, comme ça, autour de nous, on déplace trois-quatre fois par seconde le regard, en saccades, çà et là, très vite. A vrai dire sans vraiment arriver à suivre ce qui se passe. C’est frappant : même en se forçant, on n’arrive quasi pas à décider de chacun des déplacements de notre regard. La plupart du temps, le cerveau guide lui-même les mouvements, où il veut, comme il veut.
Cet état de fait montre qu’il existe une force inconsciente qui oriente notre regard : et voilà que nos yeux partent automatiquement vers un visage, automatiquement vers un objet, une publicité, une couleur, un mouvement, etc. Il existe toute une dynamique des déplacements du regard, de l’attention, de la focalisation dont on n’est paradoxalement pas acteurs, mais largement spectateurs.
Même si on a l’impression de diriger notre regard sur ce qu’on veut, on est somme toute toujours très spectateurs. Comme en retard sur ce qui se joue au fond de nous, dans notre inconscient. S’en rendre compte consiste à faire un premier pas en direction de l’introspection, d’une démarche d’exploration de sa propre attention, de sa propre personne, des mystérieuses forces qui, à chaque instant, orientent notre attention et cherchent à guider notre vie, en direction de buts qui se situent par-delà notre propre volonté.
C’est une des grandes leçons des neurosciences cognitives de ces dernières années : avoir démontré la part d’automatismes et d’automatisation de nos comportements. Alors qu’on avait l’habitude de l’associer aux simples réflexes (quand on me tape sur le genou, ma jambe se lève), notre difficulté de choisir chacune de nos actions s’avère découler de toute une panoplie d’automatismes inconscients, qui conditionnent l’essentiel de nos comportements et par suite de notre existence.
En commençant à s’intéresser à ces forces, à les cerner, à les identifier, à les comprendre, on se trouve progressivement en mesure, non pas de les contrôler – ce qui est impossible –, mais de développer une certaine capacité à les anticiper et à les maîtriser.
Nous voilà pris dans un projet de recherche de l’équilibre intentionnel, entre la maîtrise excessive, l’analyse froide – et le laisser-aller outré, qui conduisent respectivement au gel, à la révolte, à la barbarie et à la dissolution dans l’indifférence.
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