llustration : « Grrrrr », de Ludovic Théopoulos (2019)
Covid-19 | Les mots qu’on utilise parlent souvent d’eux-mêmes, sans qu’on ne s’en rende compte. Le mot « virus » en est un bon exemple. Il vient du latin. En prononçant « ouirous », les Romains exprimaient toutes sortes de sécrétions, pas forcément mauvaises.
Au sens large, le mot latin « virus » signifie « substance liquide », « sécrétion ». Non pas celle qui sort des narines ou des bronches des personnes malades, mais le mystérieux « suc » des plantes, l’étonnante « salinité de la mer », les énigmatiques « humeurs » ou « sécrétions » de l’organisme humain. Dans son Histoire Naturelle (14.25.3), Pline l’Ancien appelle « virus » la « poix » ou « résine » qu’on ajoute au moût de raisin pour réguler l’âpreté du vin. Jamais, chez les Romains, le mot n’a été compris comme agent infectieux capable de paralyser le monde entier.
Bien sûr, toutes les mystérieuses « sécrétions » naturelles ne sont pas « bonnes ». On le sait, certaines plantes produisent des substances toxiques, pour les animaux, pour les hommes, certains animaux, certains hommes. Ainsi, le « virus » latin est aussi employé comme « poison » ou pour exprimer le « venin » des serpents. Au sens figuré, il veut parfois dire la « malveillance » ou la « méchanceté ».
Parmi toutes ses significations, c’est celle-ci qui est restée quand, au 15e siècle, on a choisi le mot « virus » pour parler, en français et dans quantité d’autres langues latines, de ces incompréhensibles substances ou agents biologiques capables de transmettre une maladie. Pour les humains, les scientifiques en dénombrent actuellement quelque 3600, dont une bonne centaine seulement est pathogène. Le coronavirus qui est en train de bloquer le monde entier en est certes une espèce particulièrement contagieuse, mais en même temps peu dangereuse pour les personnes en bonne santé.
Texte écrit en collaboration avec le Dr Camille Semenzato, spécialiste de langue et littérature anciennes aux Universités de Neuchâtel et Zurich