Dans son article « Covid-19 : fin de partie » du 18 mars dernier, l’anthropologue genevois de la santé Jean-Dominique Michel va très loin et ose parler d’une épidémie… « banale ». Impression inchangée une semaine plus tard.
Que ce soit clair : Les mesures édictées par le Conseil fédéral sont à suivre à la lettre. Leur suivi n’interdit par contre pas de mettre les choses en perspective.
Mise en perspective
Jean-Dominique Michel reprend les propos proférés le 26 février par l’infectiologue marseillais (entre-temps devenu star) Didier Raoult, meilleur mondial dans son domaine selon le classement scientifique Expertscape, pour dire que nous avons « à peu près tout faux face au virus. Ce qui est en fait une excellente nouvelle ! »
Virus « banal »
Le virus est contagieux, mais relativement peu dangereux. Le terme de « banal » peut certes « choquer quand il y a des morts, et a fortiori dans la crise sanitaire et la dramaturgie collective hallucinée que nous vivons. Pourtant, les données sont là : les affections respiratoires habituelles que nous vivons chaque année font bon an mal an 2’600’000 morts à travers le monde. Avec le Covid-19, nous en sommes, au quatrième mois, à 9’000 décès, et avec le pays initialement le plus touché qui est parvenu à juguler l’épidémie. Nous sommes très très loin d’avoir un effet statistiquement significatif au regard de la mortalité habituelle et en particulier de la surmortalité saisonnière. »
Produit journalistico-politique
Et l’anthropologue de poursuivre : « Le même traitement politique ou journalistique appliqué à n’importe quel épisode de grippe saisonnière nous terrifierait tout autant que l’épidémie actuelle. Comme la mise en scène (avec décompte en live des victimes) de n’importe quel problème sanitaire d’envergure, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des cancers ou d’effets de la pollution atmosphérique nous ferait frissonner d’effroi tout autant et même infiniment plus ! »
Malbouffe, pollution, stress et sédentarité
Le Genevois indique que le coronavirus s’attaque avant tout aux personnes victimes de maladies chroniques. Autrement dit, ce n’est pas le virus qui tue, mais les pathologies chroniques, dont 80% sont selon lui causées par les 4 facteurs propres à notre société actuelle que sont la malbouffe, la pollution, le stress et la sédentarité ; les deux derniers n’allant pas s’améliorer ces prochains mois.
Statistiques et prévisions tronquées
Autre problème pointé : les statistiques. « Les taux (…) qu’on nous brandit sous le nez jour après jour ne veulent rien dire. En l’absence de dépistage systématique de la population, nous n’avons aucune donnée fiable (…). C’est un classique en épidémiologie : si vous ne dépistez que les morts, vous parviendrez à 100% de taux de mortalité ! Si vous ne testez que les cas critiques, vous en aurez moins mais encore beaucoup plus qu’en réalité. »
Selon de nombreux experts, plus de la moitié des personnes qui contractent le virus ne s’en rendent même pas compte. L’anthropologue risque un chiffre infime comparé à ceux qui nous sont habituellement transmis : la mortalité réelle s’établit au plus à 0,3%. Soit moins du dixième des premiers chiffres avancés par l’OMS ; et moins que la grippe saisonnière. « Les dernières statistiques en provenance de Chine évaluent à 800’000 le nombre de personnes infectées (et donc immunisées) pour 3’118 décès. Soit effectivement un taux de mortalité de 3/1000 infectés. » Ceci pour autant qu’on puisse considérer les chiffres chinois corrects.
Pays occidentaux dépassés
Le « vrai point noir » qui nous place dans la situation dans laquelle on se trouve – en proie à la peur dans un monde à l’arrêt – est selon lui notre système médical. Nos hôpitaux et services d’urgence ne sont (n’étaient) absolument pas préparés à recevoir des centaines de personnes victimes de pneumonies virales, « d’habitude rarissimes en Suisse », écrit le Dr Philippe Cottet des Hôpitaux universitaires genevois. Rien n’a été pensé en amont, en Suisse comme dans les autres pays occidentaux. Jean-Dominique Michel va très loin, déjà en s’exprimant au passé, en rebondissant sur l’expression de « guerre contre le virus » qui fait légion : « La vérité, c’est que nous avons été complètement dépassés. C’est évidemment plus facile de jouer sur les métaphores guerrières que de reconnaître notre tragique impréparation… »
Conclusion et interrogations
Est-il possible que « tout ça » ait lieu, de manière systémique, aveugle, pour que les états ne donnent pas une image catastrophique de leurs services de santé ? Une chose est sûre : le système de santé sera revu et renforcé dès l’épidémie passée. Pas sûr en revanche qu’on révisera nos manières de faire et de penser, si ce n’est ces prochaines semaines sur PHUSIS.ch.
Un anthropologue qui se prend pour un épidémiologiste, un infectiologue qui se prend pour un druide, et puis quoi encore ? On demande à Mr. Bircher comment se protéger d’une pneumonie avec des herbes et des vitamines ?
Surtout que je ne vois pas vraiment l’intérêt du propos. Se rassurer devant la réalité ?
La réalité c’est que même en Suisse les hôpitaux sont limités, malgré le travail acharné du personnel soignant qui ne peuvent décupler que de manière linéaire leurs moyens. Pointer le doigt sur le système de santé, c’est omettre le côté exponentiel d’une épidémie. Si les hôpitaux sont dépassés (ce qui n’est pas arrivé depuis un siècle), c’est peut-être qu’on a affaire à un virus « pas banal du tout ».
Côté statistiques, le nombre de morts doit être conditionné aux mesures mises en place par chaque pays. Si 9000 morts en Chine peuvent paraître « banal », c’est à mettre en perspective avec les mesures « pas du tout banales » qui ont été mises en place. Je le répète : la réalité, c’est qu’une épidémie augmente de manière exponentielle, ce qui est assez difficile à comprendre mais dont on peut se convaincre par exemple avec le modèle-jouet de David Louapre.
Pour le grand public, il semblerait pourtant que la rationalité (la statistique) semble plutôt nous perde, alors que l’irrationalité (la peur) semble plutôt nous sauver.
Jean-Dominique Michel est un bon chercheur, Didier Raoult reconnu par ses pairs comme un de meilleurs de la planète.
L’enjeu n’est pas de se rassurer, mais d’éclairer! Selon eux, on est en train de se (faire, laisser) fourvoyer par maints côtés.
La question des hôpitaux est centrale – et n’a rien à voir avec le travail acharné du personnel. Le politique a négligé de se préparer contre une épidémie. Ces dernières semaines, c’est la course pour rattraper le retard. Pour l’heure, on n’est pas dépassé! Le but est qu’on ne le soit pas. Il y a 50 ans, les personnes âgées en petite forme mourraient tout simplement à la maison, de la grippe ou de plein d’autres choses.
De prochains articles vont tenter d’éclairer le problème, qui est au fond un problème de société, de rapport à la santé, à la vie, à la mort, etc.
Les statistiques sont à lire avec des pincettes: on leur fait dire tout et le contraire de tout. Jean-Dominique Michel le montre très bien.
Oui, une épidémie augmente de manière exponentielle, comme toute maladie liée à un virus (grippe ou autres). Selon certains chiffres, les victimes sont bien plus nombreuses que pour d’autres maladies virales, selon d’autres plutôt moins.
Rationalité vs irrationalité, perte vs sauvetage. L’enjeu (phusique) est d’abord de mettre en perspective, de comprendre rationnellement ce qui se passe de rationnel et d’irrationnel. La compréhension permet d’éviter la peur – et de gagner la possibilité d’affirmer la vie comme elle va – et vient!
C’est que nous cherchons à faire sur PHUSIS.
Jean Michel makes several statements that are quite questionable. The most flashy ones are the comparison of influenza and COVID19 death rates and claims that we do not have reliable statistical data. So, let’s look at numbers. Recent study shows that from 2013 to 2017 death rate due to influenza quite increased in Italy due to rather high percentage of old people in Italian population. It provides the following numbers: ‘an estimated average of 5,290,000 ILI cases occurred in Italy’ and ‘68,000 deaths attributable to flu epidemics were estimated’. This high death rate of ~ 1% is rather specific for Italy. As can be seen in CDC data, the death and hospitalization rates in US are approximatelly 0.1% and 1%, that is, around 10 times lower. According to WHO data, the death rate among people with severe illness is ~10 %. However, influenza is not a new virus, therefore, the immune response exists in the human population, medical treatment is well developed and, most importantly, we have the vaccine. As a result, the excess death rate due to influenza is rather insignificant in comparison with, e. g., cancer. The same is with zoonotic influenza viruses. Thus, only ~20000 people die over the year without quarantine or other restrictive measures in Italy. At the same time, more than 7000 people have already died in Italy from COVID19 during just one month. Moreover, this number will significantly rise during the following months and will definitely pass influenza numbers even with much lower overall number of infected with COVID19 (~100000-200000 at the peak) than with influenza (see data above). It should be highlighted that this death toll from COVID19 is reached in the state of full lockdown of the affected area. Influenza data were obtained in normal conditions without restrictive measures on human interaction and mobility. The losses from COVID19 would be two orders of magnitude higher without quarantine as follows from the exponential nature of disease spreading, its high contagiousness and the absence of the immune response, that is, >>100000 lives just in Italy (compare with influenza numbers). This number seems to be overestimated from the first glance. After all, Jean Michel stated that we cannot know the death rate because there is a very big uncertainty in statistical data, more precisely, we are not able to identify all infected. But this statement is just not true. All infected were actually identified in one case, that is, cruise ship ‘Diamond Princess’. We know that there were 712 infected. To the moment, 10 are dead and 15 are in serious or critical conditions (see https://www.worldometers.info/coronavirus/#countries or other sources). Patients from ‘Diamond Princess’ got all possible medical help. However, the outcome is more than 1 % dead. The death rate is indeed inhomogeneously distributed among different age groups (it is also true for influenza) and with distribution corresponding to an average west country population the death rate would be (slightly) lower. But it does not make things easier taking into account the medical equipment (ICU) required in serious cases, high contagiousness of COVID19 and the absence of immune response in human population. The latter means that nearly everyone can be infected. If millions will get COVID19, the death rate will be approximately equal to the percentage of critical cases, that is, at least 5% as follows from the cruise ship data as well as from Chinese data. The outcome is much much higher than influenza numbers. Besides, COVID19 causes quite heavy complications in some cases, e. g., fibrosis. That is why COVID19 attracts so much attention, there is no master plan or media conspiracy.
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Other articles will be published on PHUSIS these days. Best wishes!