
« C’EST DONC AVEC UNE FAROUCHE VOLONTÉ DE M’ÉLOIGNER DES HUMAINS que je suis retourné cet après-midi dans ma grotte.
Je n’ai pas rencontré de gendarme en chemin, ce qui ne prouve rien. On a demandé des informations ; elles arriveront ces jours-ci, et l’on avisera alors au sujet de la surveillance à établir autour de mes faits et gestes et comportements. Il est possible aussi que je m’inquiète à tort, et que, dans l’avenir, je sois bien le dernier des soucis de la gendarmerie.
Les corbeaux, quant à eux, planent au-dessus de la vallée de la Dordogne, cette antique terre de magiciens, de sorciers et de saints. Une pluie légère tombe drue, cachant les sombres collines du Sarladais et masquant la rivière. Comme hier, je me suis arrêté au bord du précipice : il est bien certain que je n’aie pas l’envie de me tuer, mais celle, tout au contraire, de vivre sur cette planète comme nous vivons ailleurs, sans tenir compte des opinions et des lois du Petit Homme Actuel.
Les pensées humaines que Nous pouvons capter sont hideuses, bassement matérialistes, sans prolongement sur l’infini ! J’entends la triste rumeur du Petit Homme Actuel, plus moraliste que religieux, dépourvu de sens métaphysique, une caricature d’être humain. Un être au psychisme étroit. Des hommes coupés de leur passé fabuleux, ayant perdu le souvenir de l’Homme Ancien, des êtres réduits à eux-mêmes, à un temps et à un espace dérisoires, exilés de leurs origines stellaires, inconscients des vastes pulsations de l’Univers-Divin. Sottement chrétiens ou bassement athées. Ouvriers et bourgeois : les uns au matérialisme borné, les autres à l’humanisme fade. Une civilisation désacralisée, coupée de l’Univers par Moïse et le Christ ; elle est minuscule, elle touche à son terme. »
François Augiéras, Domme ou l’Essai d’Occupation, Paris, Grasset, 1997, p. 27-28.
Quatrième de couverture
A la fin des années 1960, Augiéras, fuyant la civilisation, s’installe dans une caverne en Dordogne, Entre feu et musique, il y invoque les forces surnaturelles. Domme ou l’Essai d’Occupation raconte cette vie retranchée. Dans un double mouvement de retour à l’état divin et de perte d’identité, l’auteur annonce la venue d’un « Homme » nouveau en osmose avec l’Univers…
La société, des médecins ont cru Augiéras fou, qui affirmait avoir « les goûts et les tendances d’un autre monde ». Les incantations de cet homme, médium et suspect, résonnent aujourd’hui étrangement dans un monde en chaos. Voici un livre culte.
Dur.
Dur, mais superbe! Une musique planante et s’ouvrant en même temps sur un abîme, nous y poussant presque. Un texte sans fond et en même temps ouvert au ciel et au monde. Et une voix, froide, plate, sans ton qui vient trancher ces deux extrêmes et établir un certain équilibre.
Je suis avide de lire d’autres extraits d’Augiéras.