DES HOMMES ET DES DIEUX, de Xavier Beauvois avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale (FRA, 2h00, 2010). Grand Prix et Prix du jury œcuménique du Festival de Cannes 2010.
On est dans les années 1990. Dans un monastère cistercien perché dans les montagnes du Maghreb, non loin d’un village musulman. Huit drôles de moines chrétiens français y habitent, vaquent à leurs occupations, simples, domestiques, de jardinage et de chants.
Contre toute attente, ils apparaissent d’emblée très humains, très artificiels, très peu portés par Dieu. Davantage comme des paumés qui ont fui notre monde que des religieux suivant un appel divin, de spiritualité, d’humilité, de paix intérieure.
La seule vertu théologale qui se fait jour est celle de la charité. Les moines s’engagent pour autrui, font le bien, à commencer par Luc (Michael Lonsdale – fidèle à lui-même dans sa drôlerie), le médecin. Les deux autres vertus théologales, la foi et espérance, leur sont quasi étrangères.
Mis à part Luc, et à la longue aussi Christophe (Lambert Wilson – très artificiel au début, puis de plus en plus crédible), c’est surtout l’habit qui fait les moines. Ils ont beau chanter, parfois à tue-tête, des chants grégoriens, on ne les sent portés par aucun souffle divin.
Dès le début, on les suspecte de n’être que des (mauvais) acteurs. On dirait qu’ils cherchent, tant bien que (surtout) mal, à incarner les préjugés et stéréotypes épurés de la vie monastique. Et voilà que, lorsque survient un drame – une équipe de travailleurs étrangers est massacrée gratuitement par un groupe de méchants islamistes –, la coquille se dévoile vide : l’absence de foi et d’espérance éclate au grand jour.
Les moines se mettent à douter, certains même à paniquer : faut-il rester ? Faut-il partir ? Quels sont les risques ? A vrai dire, presque tous préféreraient quitter les lieux, mais n’osent pour la plupart pas vraiment le dire…
La proposition que fait l’armée de les protéger est quasi source de scission interne. Les moines se révoltent contre Christophe, qui ne les a pas consultés pour prendre la décision, somme toute parfaitement conforme à la logique monastique, de refuser toute aide militaire.
Malgré les menaces grandissantes, les moines décident de rester. Finalement coûte que coûte. Les critiques trouvent ça beau : on parle d’abnégation, de force morale. Mais là non plus, il n’y a pas de puissance religieuse à l’œuvre. Si les moines choisissent de rester, ce n’est pas par foi, espérance et charité – ni par prudence, tempérance, force, justice (les vertus cardinales) –, mais bien plutôt par défi, et parce que rien ne les attend ailleurs. Leur triste petite entreprise choisit de faire de la résistance : on décide de se montrer courageux, de jouer les héros, mais sans l’être. Ils sont comme la plupart : des hommes sans dieux.
Si Des hommes et des dieux est un bon film, c’est qu’il montre l’incompréhension de notre monde vis-à -vis du christianisme et de la foi en général, – pour ne pas parler du terrorisme, qui a lui aussi sa part belle question stéréotypes. A la fin, on apprend qu’il s’agit à la base d’une histoire VRAIE. Formidablement reconstruite à partir de notre vision du monde éminemment morale mais sans dieux.
Toute activité religieuse est le plus souvent réduite à une peau de chagrin : liturgie (de bazar) et attitudes (de surface). La profondeur, la quête de spiritualité, de paix intérieure, autrement dit Dieu, la parole de Dieu, ou les paroles des dieux – c’est selon –, sont devenus étrangers à notre drôle de monde. Les religieux sont comme tout le monde : des êtres avachis, avilis, craintifs, fuyants, qui cherchent surtout à sauver leur peau. S’ils deviennent des héros, c’est par défi, par force de volonté, sinon par égoïsme, ou faute de mieux. Non par humilité, foi et espérance. Ils agissent comme tous les hommes portés par rien d’autre… qu’eux-mêmes.
La bande-annonce montre surtout que le film est très pensé, fait pour plaire et moralisant.
Question de traduction:
Le titre italien de ce film est « Uomini di Dio », hommes de Dieu.
Cela signifierait-il qu’en Italie tous, chrĂ©tiens et musulmans, comme d’autres, sont semblables: des hommes d’un dieu? Quel que soit le nom qu’on lui donne?
Ou le traducteur a-t-il simplement pensĂ© aux moines? Faisant ainsi la part belle au clichĂ© des terroristes tuant au nom d’on ne sait quoi (mais sĂ»rement pas Dieu).
…
Les Italiens ne sont pas vraiment du genre Ă considĂ©rer (comme nous) que tous les dieux sont au fond le mĂŞme…
Cette traduction m’apparaĂ®t comme le fruit d’un homme… sans dieu(x). Homme qui s’est vraisemblablement dĂ©pĂŞchĂ© de faire sa traduction pour passer Ă autre chose: aller manger, faire quelques achats, rencontrer quelqu’un, rĂ©pondre Ă ses mails, voire aller au cinĂ©ma.