MagritteIL EXISTE, CHEZ NOUS AUTRES OCCIDENTAUX TARDIFS, apparemment bienheureux, un consensus généralisé sur la question de la liberté. Tout le monde s’accorde pour le dire : la liberté est quelque chose de bien, une valeur sûre, de haut rang et de grande importance. Et même plus : un des plus dignes et précieux acquis de notre formidable civilisation.

Oui, la liberté est une des idées les plus remarquables, née, apparue de notre surpuissante raison. Idée qui nous distingue non seulement des autres peuples (pour autant qu’il y en ait encore…), mais même bien plus largement de tous les autres êtres vivants de la planète, quant à eux inexorablement soumis au déterminisme naturel.

Spontanément, tout le monde dit à peu près ça à propos de la liberté.

Généralement, la liberté, on la définit comme la possibilité d’agir à sa guise, sans restriction ni contrainte d’aucune sorte. Être libre, c’est autrement dit pouvoir faire ce qu’on veut, quand on veut, où on veut, avec qui on veut, aussi longtemps qu’on veut, et autant de fois qu’on veut.

Bref, être libre, c’est pouvoir satisfaire sans limite ses désirs : jouir sans fin de la vie. Par-delà les déterminismes naturels. Et sans se prendre la tête.

Encore une fois, spontanément, tout le monde dit à peu près ça à propos de la liberté.

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Liberté par Michysos
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Mais voilà, nous, on se demande : si on cherche à toujours faire ce qu’on veut, quand on veut, où on veut, avec qui on veut, aussi longtemps qu’on veut et autant de fois qu’on veut ; si on passe sa vie à chercher à jouir, par-delà les déterminismes de la nature et sans jamais se prendre la tête, est-ce qu’on est vraiment libre ?

Est-ce qu’on n’est pas plutôt, ce faisant, tributaires d’idées qu’on nous a enfoncées dans la tête et qu’on n’arrête pas de nous enfoncer dans la tête ? Prisonniers d’idées qui écrasent notre intelligence et notre sensibilité ? Esclaves d’idées qui pervertissent et canalisent notre rapport au monde, notre pensée et nos instincts ?

Au lieu d’être ouverts au monde, aux nuances du monde, de les sentir, les découvrir, les accompagner, les valoriser, les exprimer, leur faire écho, les favoriser ; au lieu d’apprendre à jouer avec les forces qui nous traversent de fond en comble, d’apprendre à les maîtriser, corps et âme, et à les élever à leur plus haut niveau, ne vivons-nous pas, au nom même de la liberté, comme des esclaves ? Ne sommes-nous pas des esclaves d’une prétendue liberté ?

C’est à méditer – pour se libérer l’esprit !

2 Comments

  1. La liberté telle qu’on la conçoit généralement est en fait la liberté de l’action: la capacité à exécuter librement – c’est-à-dire sans entrave(s) venant s’opposer à notre action – nos intentions d’action. Intentions d’action qui, elles, relèvent de la volonté libre, ou liberté de la volonté: la capacité à former librement – c’est-à-dire sans entraves venant s’y opposer – nos intentions d’action.

    C’est la volonté libre (ou liberté de la volonté) qui me semble préoccupante: précédant en effet la liberté de l’action, c’est elle qui m’apparaît la plus soumise aux idées qu’on nous enfonce dans la tête. A vrai dire, les mots « libre » et « liberté » dans « volonté libre » et « liberté de la volonté » sont aujourd’hui galvaudés – ce qu’exprime ta chronique – puisque pervertis par elles.

    Ce qu’il s’agirait de (chercher à) gagner – et j’imagine que la phusis dirait aussi cela, tu me diras si je me trompe -, c’est une véritable liberté… intérieure: une force nous permettant de former vraiment librement, c’est-à-dire indépendamment de toute idée préétablie, nos intentions d’agir – et d’être! On n’en parle (presque) jamais -, qui elles-mêmes permettraient ensuite une véritable liberté d’action – liberté qui serait alors celle qu’on évoque généralement, sans savoir à vrai dire de quoi l’on parle. Indépendance d’esprit, d’ailleurs, qui ne se gagne qu’à force d’un travail intérieur permanent sur soi-même pour se libérer de nos idées…

  2. Le but est que chacun ait la possibilité d’exprimer la vie qui le traverse : soit capable de faire honneur, en les déployant, aux forces qui le portent. Forces phusiques, que tout le monde possède, mais qui sont entravées par mille et une idées, par tout un système d’idées, dont celle de liberté.

    L’enjeu est donc de se libérer de la conception traditionnelle, idéaliste, de la liberté pour … libérer ses forces de vie. Pour ce faire, il ne suffit pas de rejeter les catégories, les impositions idéalistes et autres réifications identitaires (négation réactive), mais il s’agit de les surmonter (dépassement affirmateur). Aller au-delà des chaînes, dans les chaînes, pour mieux libérer les forces de vie : la musique de la vie.

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