La sensibilité comme élément-clé

OLYMPUS DIGITAL CAMERAVIVRE, C’EST APPARAÎTRE, VENIR À LA LUMIÈRE, se nourrir, se déployer, sur fonds de retrait et de destruction.

Tout ce qui vit, tout ce qui fait partie de la vie ou nature comme phusis, est marqué par ce mouvement d’éclosion, issu d’une mystérieuse énergie – ou force, ou volonté, qu’importe comment on l’appelle – qui gronde et travaille au fond de tout phénomène.

Or cette énergie, cette force ou volonté est perpétuellement tourmentée. Tourmentée par quoi ? Par la souffrance. Elle souffre sans arrêt. Non pas du manque, de soif de lumière, du manque de clarté, de puissance, d’effectivité, comme on l’interprète volontiers depuis Platon et Aristote, mais de trop-plein, d’excès de plénitude. Si elle souffre, c’est parce qu’elle déborde de richesse, parce qu’elle est surabondamment riche.

Or l’unique manière qu’elle a de se libérer de cette souffrance, de cet insupportable trop-plein, consiste à se mettre en mouvement : à sortir de l’ombre, à s’extérioriser, à se manifester et à s’exprimer.

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La sensibilité comme élément-clé par Michysos
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C’est ainsi que naît, qu’apparaît, que se déploie, que se produit le monde : comme fruit de cette mystérieuse force productrice à l’œuvre partout ; de cette énigmatique énergie et surabondante volonté de vivre et d’apparaître, sur fond de souffrance. En ce sens, la phusis est poïétique, de l’ordre d’une poïèse (poièsis), d’une production qui implique – on le sait, même si on a tendance à l’oublier, ou à l’écraser, tant ça ne correspond pas à notre idéal – une nécessaire destruction, comme ressource-même de toute éclosion.

Ecolsion productrice qu’on peut comprendre en termes d’art : comme mouvement artistique. Art – ars, en latin, technè, en grec – qui ne consiste pas tant (on l’a vu) en une « prise en compte de l’idée en vue de la production » (vision platonicienne, basée sur le modèle des artéfacts), mais en la « prise en compte de l’aisthèsis de la perception sensible en général dans le déploiement producteur en cours ».

Aussi, l’ensemble du double mouvement réciproque de la vie – celui d’apparaître, d’éclore productivement à partir du retrait et de la destruction – est-il artistique. Et repose sur la sensibilité. Et non sur la raison. Sensibilité, ouverture au monde gage de survie, de maîtrise, de puissance, d’équilibre, d’harmonie et de jeu, de jeu harmonieux, d’oppositions et de corrélations – bref de vie – au sein du va-et-vient tragique de l’existence.

Sensibilité et ouverture qu’il convient donc de favoriser le plus possible. Pour que vive la phusis – et que l’homme ne soit pas une machine, ne se réduise pas à être un automate.

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