Vive les artistes de la vie

COMME IL EST DE FOND EN COMBLE ARTISTIQUE, le double mouvement réciproque de la vie – celui d’apparaître à la lumière, de se produire à partir du retrait et de la destruction dans les profondeurs cachées – repose sur la sensibilité, et non pas sur la raison.

Le mouvement réciproque de la vie n’est pas le fruit d’un dieu architecte, qui prend en compte un plan, des idées, qu’il réalise dans la matérialité sensible, mais d’un dieu artiste, qui joue à accompagner à la présence les forces productrices qui grondent dans l’absence.

La vie n’est donc pas – comme on le croit souvent – déterminée par les idées, mais par les sens, par la sensibilité. Aisthèsis, perception sensible, ouverture au monde qui est gage de survie, de maîtrise, de puissance, d’équilibre dans le va-et-vient des phénomènes. Sensibilité et ouverture qu’il convient donc de favoriser le plus possible, pour que l’homme ne se réduise pas à être un automate – et pour que ce ne soit pas la catastrophe.

J’aimerais pour ma part aller plus loin dans la méditation. Et penser la gradation des êtres à partir de la sensibilité – et non comme on le fait depuis Aristote, à partir de la pensée, des idées et de la raison.

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Vive les artistes de la vie par Michysos
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Aussi étonnant et désagréable que ça puisse paraître, l’homme ne se trouve tout à coup plus au centre de l’univers. Il continue certes à figurer en bonne place – par rapport au ver de terre, à la limace, ou même au chien ou au singe –, mais ne figure plus comme maître et possesseur de la nature (Descartes), au sommet de la gradation des êtres.

Et, parmi les hommes eux-mêmes, ce ne sont soudain plus les mêmes qui se font jour au sommet de la hiérarchie sociale – vous savez, ceux qui, généralement, dominent : les hommes politiques, les économistes, les publicistes, les industriels, les scientifiques, les journalistes, etc. Ce ne sont plus eux mais d’autres : ceux qu’on a justement tendance à négliger et à écarter.

Ce ne sont plus les êtres rationnels qui règnent, avec leur propension à l’objectivation, au calcul, à la stigmatisation, à la manipulation, mais les êtres sensibles, ouverts, qui font tout pour accompagner et exprimer au mieux les forces de vie qui les traversent. Pour leur faire honneur, et les élever au plus haut niveau possible.

Les êtres qui, au lieu de chercher à connaître et maîtriser le monde et les autres, au lieu de chercher à avoir la puissance sur les choses et les gens, cherchent à se connaître et se maîtriser eux-mêmes, à avoir la puissance sur eux-mêmes.

Bref, ce sont les artistes qui figurent tout en haut. Les artistes de la vie ici et maintenant, qui sont aux aguets de ce qui se passe, de ce qui se joue, en eux et autour d’eux, pour mieux l’exprimer, pour mieux l’accompagner, tant dans leurs œuvres que dans leurs personnes.

Allez, vive tous ceux qui qui jouent au jeu de la vie ici et maintenant et ne se jouent pas de la vie en se croyant plus intelligents qu’elle !