barBranche, mode, chic QL’autre jour, en sortie de fin de semaine, je me suis retrouvée avec des gens qui se sont presque battus pour savoir si on était dans un endroit « branché », un endroit « à la mode » ou un endroit « chic ».

Bon, vous me direz, ce n’est pas la question la plus importante du monde. Mais voilà, comme moi je cherche toujours à être avisée, aussi dans mon expression, et que je sais que PHUSIS a réponse à tout, je vous demande : quelle(s) différence(s) y a-t-il entre ces trois mots, entre branché, à la mode et chic ?

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Branche, mode, chic RTrois choses pour commencer : d’abord non, PHUSIS n’a pas réponse à tout.

Ensuite, que ce soit clair : en cas d’incertitude vis-à-vis de mots, de leur sens, de leur emploi, il s’agit de consulter une des nombreuses belles inventions de notre tradition : les dictionnaires. Ils répertorient et définissent en effet en toute précision tous les mots de notre langue. Et permettent ainsi à tout un chacun d’en avoir la maîtrise, de comprendre ce qu’on lui dit, et de savoir ce qu’il dit lui-même, c’est-à-dire ne pas raconter n’importe quoi et ne pas en rester aux bavardages et autres échanges hasardeux d’opinions ineptes, somme toute stériles.

Et enfin – troisième et dernière remarque –, en cherchant toi-même, ma chère Ariane, les définitions des mots qui te posent problème, PHUSIS n’aurait pas eu besoin de faire le travail à ta place…

Nous avons donc sorti nos dictionnaires, et en particulier le Petit Robert. Pour pouvoir dire que « branché » vient du verbe « brancher » qui, au sens propre, veut dire diviser en conduites secondaires ; mettre en communication (un circuit principal sur un circuit secondaire). Brancher une lampe sur la prise électrique. Au sens figuré « brancher (qqn, ou qqch.) sur (qqn, ou qqch.) » signifie l’orienter, le diriger sur. Ex : brancher la conversation sur tel ou tel sujet. Au sens familier, « être branché sur » veut dire être en relation, en communication avec (qqn ou qqch.). Et enfin, en construction absolue, comme c’est le cas dans l’expression utilisée par tes gens, « être branché » veut dire être informé, être au courant. C’est ainsi qu’on parle d’un musicien branché, d’une discothèque branchée, autrement dit – ajoute encore le Petit Robert – être dans le coup, et même être… à la mode.

Bref : l’« endroit branché » est le lieu où il faut aller si on ne veut pas être à la rue, mais bien plutôt quelqu’un de bien, de bien vu : c’est l’endroit où il faut aller si on veut se montrer, si on veut rencontrer des gens. C’est, dirait-on aujourd’hui, the place to be.

Venons-en maintenant à « la mode », fort proche de « branché » puisqu’elle intervient dans sa définition même. Pour ne pas faire trop long, je ne retiendrai que l’acception du Petit Robert qui nous intéresse vraiment, à savoir la troisième, dite « moderne », qui définit la « mode » comme les goûts collectifs, les manières passagères de vivre et de sentir qui paraissent de bon ton dans une société donnée. Par suite, la locution « à la mode », opposée à « démodé », est définie comme « conforme au goût du jour ».

Bref, l’« endroit à la mode » est le lieu en vogue, où les gens aiment aller, où, soudain, la plupart considère qu’il est de bon ton de se rendre.

La différence d’avec « branché » n’est en l’occurrence que minime. La nuance est la suivante : par définition, l’endroit « à la mode » est moins marqué par une volonté de faire bonne figure, moins « m’as-tu vu » que l’endroit « branché ».

Pour ce qui est de « chic », il existe aussi toute une série d’acceptions. Pour ne retenir que l’essentiel, on peut dire qu’est « chic » ce qui est élégant, distingué, précieux, bien fait, ou encore habile. Au contraire des lieux « branchés » et « à la mode », on ne se rend pas dans l’endroit « chic » pour faire bonne figure et parce que tout le monde y va, mais simplement parce qu’il est bien fait et qu’on s’y sent bien, indépendamment de ce que pensent les autres et du monde qu’on y rencontre.

Telles sont les définitions. A toi maintenant, ma chère Ariane, de déterminer si tu étais plutôt dans un endroit branché, à la mode ou encore chic. Et de te poser la question si, pour t’en sortir avec les mots et les expressions d’aujourd’hui, pour t’élever au-dessus de l’opinion et du bavardage, tu n’as pas meilleur temps de sortir un peu moins et de consulter un peu plus – non pas tes gens, qui n’en savent visiblement pas plus long que toi –, mais les dictionnaires…

Car oui, au final, seul les mots nous permettent de partager ce qu’on est, qui on est, qui on devient, ce qui nous prend et nous traverse, où on va, ce qu’on fait, etc.

Allez, qu’on se le dise, pour qu’on ne se perde pas plus dans le labyrinthe de la langue que dans celui de l’existence !

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Tous les mardis, PHUSIS donne une perspective phusique à une actualité, un événement, un extrait de texte, une pensée, une sensation, un problème ou n’importe quel phénomène jubilatoire ou inquiétant de notre monde formidable. Le matin, à 6h30, un phusicien poste un bref article, sous forme de question à méditer. Puis, à midi, PHUSIS propose une réponse et mise en perspective

2 Comments

  1. Je n’étais bien sûr pas de la partie lors de cette discussion, mais me pose quand même moi aussi une question suite à cette réponse:

    Peut-on dire que la grande différence entre le lieu « branché » et le lieu « à la mode » est que l’on se rend de manière plus passive dans le lieu « à la mode »?

    D’après ce que j’entends, on se rendrait passivement dans le lieu « à la mode » parce que « ça se fait » ou parce que tout simplement c’est là qu’on a envie d’aller, ou en tous cas l’impression d’avoir envie d’aller. Alors que de se rendre dans un lieu « branché » est un choix, un acte, une volonté de « faire bonne impression ».

    Si tous deux sont sans doute liés à nos idées, n’agit-on pas plus comme des moutons en se rendant dans le lieu « à la mode » que dans le lieu « branché »?

    Et, question bonus, un lieu chic peut-il vraiment le rester indépendamment du temps qui passe, du changement d’époques et de « modes »?

  2. Oui ! Et même plus : qu’importe où on se rend, on a de grandes chances de fonctionner en mouton : en mouton actif, volontaire, si on va se montrer dans un lieu « branché » ; en mouton passif, docile, si on se laisse entraîner dans un endroit « à la mode » ; ou alors en mouton élitiste, en quête de confort, si on se laisse attirer par les endroits « chics ».

    Pour ce qui est du temps, il passe partout et finit par avoir raison de chaque endroit en question : d’abord le lieux « branché », qui a tôt fait d’être « débranché », puis le lieu « à la mode », qui ne tarde pas non plus de ne plus être dans le vent, et finalement le lieu « chic », qui finit par disparaître lui aussi.

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