LARRY CLARK EST UN DES PLUS GRANDS PHOTOGRAPHES américains de l’histoire. Il présente prochainement à Paris une rétrospective de l’ensemble de son œuvre qui, depuis quelques 40 ans, imprègne non seulement la photo et la publicité, mais aussi le cinéma et l’art en général.
Sa spécialité ? L’adolescence : sa beauté, ses doutes, ses dérives. Ses photos sont toujours réalistes, touchent volontiers la question du sexe, de la drogue, de la violence et de la mort. Les quelques films qu’il a fait ces dernières années (Kids, Bully, Ken Park), portent eux aussi sur l’adolescence. Films à succès, notamment auprès des adolescents.
Nous vivons une époque formidable. Dans un climat de chasse aux sorcières. A l’heure des derniers préparatifs de l’exposition, les avocats de la Mairie de Paris ont estimé que certaines œuvres risquaient de tomber sous le coup de loi de la protection de l’enfance (articles 227-23 et 227-24). L’exposition a donc été interdite aux moins de 18 ans, le public précisément auquel elle s’adresse avant tout. Pourquoi ? Notamment pour incitation à la pédophilie.
Evidemment, depuis, les critiques pleuvent. « Un signal régressif et rétrograde », proclament certains. Alors que d’autres applaudissent haut et fort. Souvent, on oublie de poser la question du statut et de la liberté des œuvres de l’esprit, c’est-à-dire de l’art. On s’agite un peu partout, souvent avec passion, alors que l’expo n’est pas même encore ouverte, que personne ne l’a encore vue, et qu’on a la fâcheuses tendance à oublier que les œuvres prétendument litigieuses ont été exposées librement il y a trois ans dans la même ville de Paris…
Larry Clark, évidemment, se réjouit qu’on parle de son travail. Tout en se disant « choqué et surpris » : « Cette censure est une attaque des adultes contre les adolescents. C’est une façon de leur dire : retournez dans votre chambre ; allez plutôt regarder toute cette merde sur Internet. Mais nous ne voulons pas que vous alliez dans un musée voir de l’art qui parle de vous, de ce qui vous arrive. » Et pour mettre de l’huile sur le feu : « Logiquement, l’exposition devrait être interdite aux adultes ».
Pourquoi des photos que l’on pouvait voir sans problème il y a quelques années sont-elles maintenant marquées du sceau de la pédophilie ? Qu’est-ce qui a changé dans notre vision du monde, de l’art et de l’enfant ? Quel est le problème que cultive notre drôle de monde vis-à-vis de la sexualité ? Le débat est ouvert, ici aussi.
Ci-dessous quelques photos de Larry Clark, y compris certaines qui alimentent la polémique :
Je ne suis pas pour interdire. Cela a toutes les chances d’exciter la curiosité de ceux qui ne peuvent pas se rendre à l’exposition…
Mais il est vrai que certaines photos (dont quelques unes ci-dessus…) pourraient choquer certaines sensibilités. Tous les adolescents ne sont pas au même stade, sont plus ou moins naïfs quant à certaines pratiques, non? Comment faire donc?
Tout montrer est-il forcément éducateur?
Et le rêve et l’imagination dans tout ça?
Chères Claire et Mélanie,
Notre monde se voudrait idéal. Donc il rejette le tragique de l’existence (l’obscur, le litigieux, le pulsionnel, etc.). D’autant plus quand il s’agit des déviances provoquées par sa propre volonté de pureté (sexe, drogue, violence, etc.). Selon la sagesse phusique, plus on cache ou interdit quelque chose, plus il prendra de l’importance.
Nos enfants sont éduqués dans et vers cet idéal – qui est si puissant qu’il les prive de toute imagination alternative (phusique, tragique). Les oeuvres de Larry Clark, en plus de leur montrer certaines faces parfois cachées de leur existence, sont par contre remplies de ces autres rêves, comme d’ailleurs toute oeuvre d’art qui ne soit pas pure construction intelligente.