CE NâEST PAS LA HAUTEUR QUI EST TERRIBLE, mais la pente pour y parvenir !
Quand les gens sont sur une pente abrupte, ils sont pris par un double sentiment, de peur et de dĂ©sir : ils ont en mĂȘme temps leur regard qui sombre vers le bas, vers lâabĂźme, et leur main qui se tend vers le haut, vers les sommets. Ils sont marquĂ©s par une double volonté : Ă la fois dâĂ©viter la chute et de parvenir Ă grimper. Et voilĂ que leur cĆur se trouve pris de vertige.
Ah, mes amis, devinez-vous la double volontĂ© de mon cĆur, de mon cĆur Ă moi, bien diffĂ©rent de celui de la majoritĂ© des gens ?
Ătes-vous Ă©tonnĂ©s si je vous dis que ma pente et mon danger sont Ă lâenvers de la plupart ? Loin dâĂȘtre marquĂ© par la peur, mon regard ne sâĂ©lance pas vers le bas, mais vers le haut. Et ma main, loin de tendre vers les hauteurs, voudrait bien plutĂŽt se tenir et prendre appui â sur la profondeur ! Voici comment je me hisse vers les sommets : en mâappuyant sur des bases solides.
Et aussi bizarre que ça puisse paraĂźtre de prime abord, mes bases solides, je les trouve en lâhomme. Oui, câest sur les hommes que je mâappuie pour mâĂ©lever vers les hauteurs. Câest pourquoi ma volontĂ© sâaccroche aux hommes. Je mây attache mĂȘme avec des chaĂźnes. Parce que je trouve en eux un soubassement ferme me permettant de me hisser lĂ oĂč veut aller mon autre volonté : vers le surhomme.
Mais sâappuyer sur les hommes ne va pas sans un certain effort. Pour que ce soit possible, pour que je puisse prendre appui sur eux, je dois vivre parmi eux en aveugle. Je dois faire comme si je ne les connaissais pas. Comme si, Ă chaque fois que je les vois, je les rencontrais pour la premiĂšre fois. Pourquoi ? Pour que ma main ne perde pas complĂštement sa croyance en le solide ; pour quâelle continue toujours Ă croire quâil existe quelque chose sur quoi on peut sâappuyer pour grimper. Regardant les hommes avec luciditĂ©, jâaurais tĂŽt fait de me rendre compte de leur nullitĂ© et de mâeffondrer.
Alors je ne vous connais pas, vous les hommes, car jâai besoin de vous pour mâĂ©lever. Et voilĂ que jâĂ©tale autour de moi lâobscuritĂ© et la consolation que vous ĂȘtes Ă la fois pour moi.
Telle est la raison pour laquelle je ne demeure pas cloisonnĂ© chez moi, mais me trouve toujours assis devant ma porte, Ă demander naĂŻvement Ă tous les vauriens qui passent sâils ne voudraient pas me prendre quelque chose, sâils ne voudraient pas mâescroquer.
Voici en effet mon premier bon sens humain : ne voulant pas toujours ĂȘtre sur mes gardes face aux escroqueurs, aux tricheurs, aux voleurs, Ă ceux qui font les malins, je me laisse volontiers tromper. Et je vais mĂȘme plus loin : je vais jusquâĂ pousser les gens Ă le faire.
Ah, en effet, comment pourrais-je, si jâĂ©tais toujours mĂ©fiant, si jâavais toujours peur quâon me trompe, comment pourrais-je prendre appui sur lâhomme, comment pourrais-je en mĂȘme temps le considĂ©rer comme une ancre pour mon ballon ! ForcĂ©ment, sans mon innocence, je perdrais pied : mon aspiration vers les hauteurs me tirerait trop haut et trop loin, dans les nuages !
Mais je ne choisis pas, vous le savez : cette providence est au-delà de mon destin : il faut que je sois sans prudence.
Et quiconque ne veut pas mourir de soif parmi les hommes doit apprendre Ă boire dans tous les verres. Et quiconque veut rester pur parmi les hommes doit apprendre Ă se laver mĂȘme avec de lâeau sale. Dans tout ce quâon fait, il faut se contenter de ce quâon a ; sâappuyer dessus pour en faire le meilleur usage : le et se surmonter.
VoilĂ comment je me suis souvent parlĂ© pour me consoler : « Allez ! Debout ! Vieux cĆur ! Tu as manquĂ© un malheur, tu as manquĂ© dâĂȘtre comme tous ces gens qui tâentourent : jouis-en comme dâun bonheur ! »
Tel est donc mon premier bon sens humain : je me laisse volontiers escroquer. Voici maintenant mon deuxiĂšme bon sens humain : je mĂ©nage les vaniteux plus que les fiers. Alors que je mâen prends aux arrogants, aux gens qui ont des airs de supĂ©rioritĂ©, je me retiens vis-Ă -vis des satisfaits dâeux-mĂȘmes, qui certes sâĂ©talent aussi, mais savent au fond ce quâils valent.
Si jâĂ©pargne les vaniteux, câest que les blesser est une catastrophe : la vanitĂ© blessĂ©e est la mĂšre de toutes les dĂ©solations : elle engendre ce sentiment nĂ©faste quâest la pitiĂ©. La fiertĂ© blessĂ©e fait par contre naĂźtre quelque chose de bien meilleur, de plus sain : le plaisir. Qui, en effet, ne se rĂ©jouit pas de voir un arrogant sâen prendre plein la figure ?
Pour que la vie soit bonne Ă regarder â ce qui est bien entendu le but â, le jeu quâelle est doit ĂȘtre bien joué : et pour cela il faut de bons acteurs. Ce que les fiers ne sont pas, tant ils sont plongĂ©s en eux-mĂȘmes et cultivent leur arrogance.
Tous les vaniteux que jâai rencontrĂ©s, je les ai au contraire trouvĂ©s bons acteurs. Parce quâils veulent quâon les aime, quâon ait du plaisir Ă les regarder, ils jouent toujours le mieux possible leur rĂŽle. Tout leur esprit est liĂ© Ă cette volontĂ©.
Alors ils se prĂ©sentent, se produisent, sâinventent aussi bien quâils peuvent. Tellement que, prĂšs dâeux, jâen viens Ă trouver la vie agrĂ©able Ă regarder ; tellement que jâaime reconnaĂźtre ce dont la vie est capable : oui, les regarder guĂ©rit de la tristesse, de la mĂ©lancolie â et donne la stabilitĂ© nĂ©cessaire pour sâĂ©lever vers la hauteur.
Câest pour cela que je mĂ©nage les vaniteux : parce quâils sont pour moi des mĂ©decins de ma mĂ©lancolie. Ils mâattachent Ă lâhomme comme Ă un spectacle qui me pousse vers le surhomme.
Dites-moi : y a-t-il quelquâun qui mesure toute la profondeur de la modestie du vaniteux ? Contrairement Ă ce quâon dit, au fond de lui, le vaniteux est en effet modeste. Bien sĂ»r quâil ne fait que parader, quâil se montre toujours meilleur que ce quâil est, mais au moins, contrairement au fier, il nâest pas dupe : il ne se survalorise pas. En effet, le vaniteux est toujours conscient de son jeu, que tout cela nâest quâune maniĂšre dâapparaĂźtre, somme toute bien plus agrĂ©able Ă regarder que nâimporte quelle grimace hautaine. Si je le traite bien, de maniĂšre compatissante, câest justement Ă cause de sa modestie.
Ce quâil veut, le vaniteux, ce nâest Ă vrai dire rien dâautre que croire en lui. Et pour ce faire, il a besoin de vous ; car il se nourrit de vos regards, de votre attention ; comme un animal affamĂ©, il mange les compliments que vous lui faites Ă mĂȘme vos mains.
Si vous mentez bien Ă son propos, il va mĂȘme jusquâĂ croire Ă vos mensonges : car au plus profond de lui, il ne sait pas trop oĂč il en est, qui il est. Oui, son cĆur ne cesse de se demander, soupirant : « Que suis-je ! Que suis-je au fond de ce que je laisse apparaĂźtre ! »
Et sâil est vrai que le propre de la bonne vertu est de ne pas ĂȘtre travaillĂ©e, de ne pas ĂȘtre artificielle, sâil est vrai que la bonne vertu sâignore elle-mĂȘme, alors le vaniteux ignore sa modestie mĂȘme ! Loin dâĂȘtre une astuce, un faux-semblant, une escroquerie, son jeu de paraĂźtre toujours satisfait nâest autre que le jeu spontanĂ© de la vie elle-mĂȘme qui cherche Ă se dĂ©passer.
Telle est donc mon deuxiĂšme bon sens humain : je mĂ©nage les vaniteux. Et voici mon troisiĂšme : je ne permets pas Ă votre pusillanimitĂ© de gĂącher le regard des mĂ©chants. Ce nâest pas parce que vous manquez dâaudace, parce que vous ĂȘtes faibles et sans ressources quâil faut corrompre la vision de ceux que vous estimez mauvais, et qui sont somme toute les ĂȘtres forts.
Prenons lâexemple du soleil : alors que les gens ont peur de se faire brĂ»ler par ses ardents rayons, moi je suis comblĂ© de voir les miracles que couve son regard mĂ©chant : il engendre des tigres, des palmiers et autres serpents Ă sonnettes.
Regardez autour de vous : parmi les hommes aussi il y a des couvĂ©es dâardent soleil et beaucoup de choses merveilleuses chez ceux quâon appelle couramment les mĂ©chants.
Pourtant, comme les hommes que vous considĂ©rez les plus sages ne me paraissent pas si sages que ça, jâai aussi trouvĂ© ce que vous appelez de la mĂ©chancetĂ© humaine dans leur rĂ©putation. Et mĂȘme plus : Ă bien y regarder, les choses merveilleuses proviennent toujours de la force, de la force que la grande majoritĂ© trouve inquiĂ©tante â et taxe donc de mĂ©chante.
Et souvent, soudain pris de mĂ©lancolie, jâai demandĂ© en secouant la tĂȘte : pourquoi encore sonner, vous autres serpents Ă sonnettes ? A quoi bon sâagiter encore ? Quel avenir Ă tout ça ?
En vĂ©ritĂ©, on sâest toujours trompĂ© sur le bien et le mal : il y a en effet encore un bel avenir pour celui quâon considĂšre gĂ©nĂ©ralement comme mĂ©chant ! Le plus brillant soleil, les rayons les plus ardents, le Sud le plus chaud, la plus grande mĂ©chancetĂ© nâont pas encore Ă©tĂ© dĂ©couverts pour lâhomme.
Combien de choses passent maintenant pour les pires mĂ©chancetĂ©s qui ne sont pourtant que pacotille ; qui nâont que douze pieds de large et trois mois de long ! Mais je vous lâannonce : un jour de bien plus grands dragons cracheurs de feu vont venir au monde.
Car pour que le surhomme ne manque pas son dragon, le dragon digne de lui, le sur-dragon, il faut encore que brille beaucoup de soleil ardent sur lâhumide forĂȘt vierge que reprĂ©sente notre monde.
Vos chats sauvages doivent dâabord ĂȘtre devenus des tigres, et vos crapauds venimeux des crocodiles : car le bon chasseur doit faire une bonne chasse !
Et en vĂ©ritĂ©, vous les bons et les justes qui voyez le mĂ©chant dans tout ce qui vous dĂ©passe en force, bien des choses en vous prĂȘtent Ă rire ; et surtout votre peur de ce qui sâappelait jusquâici « diable » : le mal qui vient diviser lâunitĂ©, la stabilitĂ© et la beautĂ© idĂ©ales de toute chose !
Votre Ăąme pusillanime est tellement Ă©trangĂšre Ă ce qui est grand et fort que vous vous tromperiez sur le surhomme lui-mĂȘme, considĂ©rant comme mĂ©chant, terrible, ce qui, justement, reprĂ©sente sa bontĂ© mĂȘme ! Inversion des valeurs.
Et vous, vous les sages et les savants, vous fuiriez devant le coup de soleil que vous ferait prendre les rayons ardents de la sagesse du surhomme, celle dans laquelle lui-mĂȘme baigne avec plaisir sa nudité !
Tel est mon doute Ă votre Ă©gard, vous, les hommes les plus Ă©levĂ©s que jamais mon Ćil a rencontrĂ©s ; mon doute et en mĂȘme temps mon rire secret : je devine que vous taxeriez mon surhomme de « diable » !
Ah, vous les plus Ă©levĂ©s et meilleurs, vous mâavez Ă la longue fatigué : câest Ă partir de votre prĂ©tendue « hauteur » que jâai Ă©tĂ© tirĂ© lĂ -haut, au-delĂ , au loin, vers le surhomme !
Oui, un effroi mâa saisi quand jâai vu nus les meilleurs dâentre vous : comme vous Ă©tiez laids, dĂ©sĂ©quilibrĂ©s, soit trop gros, soit trop maigres ; pas du tout dans leur corps. Alors, Ă partir de vous, des ailes mâont poussĂ©, pour que je puisse planer vers de lointains avenirs.
Dans des avenirs plus lointains, dans un Sud plus sudiste, dans un endroit plus chaud que jamais un artiste nâa rĂȘvé : lĂ oĂč, belle, la nuditĂ© devient gage de santĂ©, de force et de sĂ©rĂ©nité ; lĂ oĂč les dieux eux-mĂȘmes ont honte de tous les vĂȘtements portĂ©s !
Alors, aujourdâhui, je veux vous voir dĂ©guisĂ©s, vous mes appuis, vous mes proches et semblables ; et bien nettoyĂ©s aussi, et vaniteux aussi, et dignes en tant que « bons et justes ».
Et je veux aujourdâhui moi-mĂȘme ĂȘtre assis, dĂ©guisĂ©, parmi vous, de sorte que je vous mĂ©connaisse et que vous me mĂ©connaissiez, mais que vous croyez Ă la vie et Ă son dĂ©passement : tel est en effet mon dernier bon sens dâhomme. Pour que, dans lâici et maintenant, la vie soit belle Ă regarder â et nous pousse vers plus de beautĂ© encore, non seulement de surface, mais aussi de fond.
Parole de Zarathoustra.
***
Traduction littérale
Ce nâest pas la hauteur, mais la pente qui est le terrible !
La pente, oĂč le regard sombre vers le bas et la main se tend vers le haut. LĂ , le cĆur est pris de vertige devant sa double volontĂ©.
Ah, amis, devinez-vous aussi la double volontĂ© de mon cĆur ?
Ceci, ceci est ma pente et mon danger, que mon regard sâĂ©lance vers la hauteur et que ma main voudrait se tenir et prendre appui â Ă la profondeur !
Ma volontĂ© sâaccroche aux hommes, avec des chaĂźnes je me lie aux hommes, parce que ça me tire en haut vers le surhomme : car câest lĂ -bas que veut aller mon autre volontĂ©.
Et pour cela je vis aveugle parmi les hommes : pareil à si je ne les connaissais pas : pour que ma main ne perde pas complÚtement sa croyance en le solide.
Je ne vous connais pas, vous les hommes : cette obscurité et cette consolation sont souvent étendues autour de moi.
Je suis assis Ă la porte cochĂšre pour tous les polissons et demande : qui veut mâescroquer ?
Telle est mon premier bon sens humain, que je me laisse tromper, pour ne pas ĂȘtre sur les gardes face aux escroqueurs.
Ah, si jâĂ©tais sur mes gardes face aux hommes : comment lâhomme pourrait-il ĂȘtre une ancre pour mon ballon ! Il me tirerait trop facilement lĂ -haut et au loin !
Cette providence est au-delĂ de mon destin, que je doive ĂȘtre sans prudence.
Et quiconque ne veut pas mourir de soif parmi les hommes doit apprendre Ă boire de tous les verres ; et quiconque veut rester pur parmi les hommes doit apprendre Ă se laver aussi avec de lâeau sale.
Et voilĂ comment je me suis souvent parlĂ© pour me consoler : « Allez ! Debout ! Vieux cĆur ! Tu as manquĂ© un malheur : jouis-en comme dâun â bonheur ! »
Mais telle est mon autre bon sens humain : je ménage les vaniteux plus que les fiers.
La vanitĂ© blessĂ©e nâest-elle pas mĂšre de toutes les dĂ©solations ? Mais lĂ oĂč la fiertĂ© se fait blesser pousse bien quelque chose de meilleur encore que ce quâest la pitiĂ©.
Pour que la vie soit bonne Ă regarder, son jeu doit ĂȘtre bien joué : mais pour cela il faut de bons acteurs.
Jâai trouvĂ© tous les vaniteux bons acteurs : ils jouent et veulent quâon aime bien les regarder, â tout leur esprit est prĂšs de cette volontĂ©.
Ils se prĂ©sentent, ils sâinventent ; prĂšs dâeux, jâaime regarder la vie, â cela guĂ©rit de la mĂ©lancolie.
Câest pour cela que je mĂ©nage les vaniteux, parce quâils sont pour moi des mĂ©decins de ma mĂ©lancolie et mâattachent Ă lâhomme comme Ă un spectacle.
Et puis : qui mesure au vaniteux toute la profondeur de sa modestie ! Je le traite bien et de maniÚre compatissante à cause de sa modestie.
De vous il veut apprendre à croire à lui ; il se nourrit de vos regards, il dévore le compliment de vos mains.
Il croit mĂȘme vos mensonges si vous mentez bien Ă son propos : car au plus profond, son cĆur soupire ; « Que suis-je ! »
Et si cela est la bonne vertu, celle qui sâignore elle-mĂȘme : maintenant, le vaniteux ignore sa modestie ! â
Mais telle est mon troisiÚme bon sens humain, que je ne laisse pas gùcher par votre pusillanimité le regard des méchants.
Je suis comblé de voir les miracles que couve le soleil ardent : tigres et palmiers et serpents à sonnettes.
Parmi les hommes aussi il y a des couvĂ©es dâardent soleil et beaucoup de choses merveilleuses chez les mĂ©chants.
Pourtant, comme vos plus sages ne me paraissent pas si sages que ça : jâai aussi trouvĂ© de la mĂ©chancetĂ© humaine parmi leur rĂ©putation.
Et souvent jâai demandĂ© en secouant la tĂȘte : pourquoi encore sonner, vous serpents Ă sonnettes ?
En vĂ©ritĂ©, il y a encore un avenir pour le mĂ©chant ! Et le Sud le plus chaud nâest pas encore dĂ©couvert pour lâhomme.
Combien de choses passent maintenant pour les pires mĂ©chancetĂ©s qui nâont pourtant que douze pieds de large et trois mois de long ! Mais un jour de plus grands dragons vont venir au monde.
Car pour que le surhomme ne manque pas son dragon, le sur-dragon, celui qui est digne de lui : pour cela beaucoup de soleil ardent doit encore briller sur lâhumide forĂȘt vierge.
Des tigres doivent dâabord ĂȘtre devenus vos chats sauvages et des crocodiles de vos crapauds venimeux : car le bon chasseur doit faire une bonne chasse !
Et en vĂ©ritĂ©, vous les bons et les justes ! Bien des choses prĂȘtent Ă rire en vous et surtout votre peur de ce qui sâappelait jusquâici « diable » !
Vous ĂȘtes tellement Ă©trangers Ă ce qui est grand avec votre Ăąme que le surhomme vous paraĂźtrait terrible dans sa bonté !
Et vous les sages et savants, vous fuiriez devant le coup de soleil de la sagesse du fait que le surhomme baigne sa nudité avec plaisir !
Vous hommes les plus Ă©levĂ©s que mon Ćil a rencontrĂ©s ! Tel est mon doute Ă votre Ă©gard et mon rire secret : je devine que vous appelleriez mon surhomme â diable !
Ah, je me suis fatigué de ces plus élevés et meilleurs : de leur « hauteur », ça me tirait là -haut, au-delà , au loin vers le surhomme !
Un effroi mâa saisi quand jâai vu nu les meilleurs dâentre eux : alors les ailes mâont poussĂ©, pour planer dans de lointains avenirs.
Dans des avenirs plus lointains dans un Sud plus sudiste que jamais un artiste nâa rĂȘvé : lĂ oĂč les dieux ont honte de tous les habits !
Mais je veux vous voir dĂ©guisĂ©s, vous mes proches et semblables, et bien nettoyĂ©s, et vaniteux, et dignes en tant que « bons et justes ». â
Et je veux moi-mĂȘme ĂȘtre assis, dĂ©guisĂ©, parmi vous, â de sorte que je vous et me mĂ©connaisse : telle est en effet mon dernier bon sens dâhomme. â
Parole de Zarathoustra.
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Il sâagit lĂ de la suite de la retraduction commentĂ©e et littĂ©rale du Zarathoustra de Nietzsche. vingt-et-uniĂšme et avant-dernier chapitre de la « DeuxiĂšme partie » des « Discours de Zarathoustra ». Les prĂ©cĂ©dents se trouvent ici.