FILM DE BRUNO DUMONT (FRA), avec David Dewaele et Alexandra Lematre, 1h50. Film sauvage, enivrant et puissant. A la fois sec et humide, tendre et violent, chaud et froid, court et long, quasi sans paroles, quasi sans pensée, il met nos sens en éveil. Actuellement dans les salles. A ne pas manquer !
On est dans le Nord de la France, à la campagne, vers un petit hameau, entre des herbes et des genévriers qui tremblent sous le vent, des dunes ensablées, des marais, le soleil, les nuages, la pluie et… la mer, infinie, au loin. A quasi chaque plan, on entend un souffle, une présence, lourde et légère à la fois. Forte présence, le plus souvent sur le mode de l’absence.
Mystérieux justicier phusique
On passe du temps avec un homme d’une quarantaine d’années (David Dewaele), le visage ravagé, la démarche en même temps chancelante et assurée. Il vit hors des sentiers battus, dehors, dans les dunes, de quasi rien. Il entretient un rapport singulier aux phénomènes, aux animaux et aux gens ; relation profonde, intense, énigmatique, notamment avec une jeune fille du village loin de laisser les hommes indifférents (Alesandra Lematre). A première vue, il est un inquiétant et dangereux vagabond, mais à la longue, on reconnaît en lui un mystérieux prolongement de la nature, pour ne pas dire un justicier phusique.
Calme, solitaire, silencieux étrange, il possède un charisme fou. Ses journées, il les passe à l’air libre, plongé dans la nature, dans la puissante et belle nature sauvage. Tantôt il rôde, tantôt il dort, tantôt il guette. Tantôt il tombe à genoux pour se recueillir, en état de complète réceptivité et de grâce, face au soleil, au feu, au ciel, au monde entier dans lequel il semble se fondre et se ressourcer. L’œil toujours clair, le regard toujours profond, perçant et sibyllin, le visage travaillé, mais dénué de toute inquiétude. Au plus près de la terre, de la vie. Et de la mort, qu’il donne, aussi.
Au plus près de la vie
Aussi étrange et inquiétant qu’il soit, il est accepté par les villageois. Certains lui donnent à manger : il frappe à une porte, on lui tend un sandwich ou un sac en plastique de victuailles. Sans mot dire. Dans les situations de désespoir, on vient le chercher, pour qu’il guérisse un être cher – ou l’exorcise. Là aussi sans mot dire.
Il semble guidé par des forces surpuissantes, sans doute celles de la vie elle-même. Loin des dogmes moraux et des aspirations idéalistes qui nous écrasent, loin des dualismes, des seules apparences, des faux-semblants, des vaines quêtes, il est hors de toute idée de Dieu – et par suite hors de toute idée de Satan. Au plus près de la vie, simplement, de l’expérimentation et du prolongement de la vie, là où finalement tout est possible, y compris la mort, y compris le miracle.
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