NOUVEL OPUS DE TIM BURTON, avec Johnny Depp, Eva Green, Helena Bonham Carter, Michelle Pfeiffer, etc., USA, 2012. Lutte exemplaire des « obscures ombres » qui imprègnent nos esprits et nos vies. Actuellement dans les salles. A ne pas manquer !
Synopsis
En 1752, étouffés dans la misère de la vieille Angleterre, les Collins traversent l’Océan pour commencer une nouvelle vie en Amérique. L’application rigoureuse de nos vieilles valeurs a tôt fait de porter ses fruits : vingt ans plus tard, le fils Collins, Barnabas (Johnny Depp), se trouve à la tête d’une florissante entreprise de pêche.
Alors qu’un avenir radieux lui semble promis, le côté sombre de la vie vient soudain jouer les trouble-fêtes, par l’intermédiaire de la servante familiale Angélique Bouchard (Eva Green). Orgueilleuse, cette dernière aspire depuis son enfance à changer de statut social et gagner l’amour de Barnabas, avec lequel elle vit quelques aventures torrides. Mais quand ce dernier rencontre la douce et pure Josette, qui lui fait découvrir l’amour tendre, heureux, voire fusionnel, la stratégique Angélique montre alors son vrai visage, de sorcière. Aussi jalouse que réactive, elle a tôt fait de se débarrasser de Josette et de vouer Barnabas aux ténèbres : le transformer en vampire et le faire enterrer vivant pour la nuit des temps.
Près de deux siècles durant, Barnabas se trouve cloîtré dans l’obscurité d’un cercueil. Jusqu’en 1972, où une équipe d’ouvriers vient par inadvertance le déterrer. En même temps plus assoiffé de sang et plus sage que jamais, il se retrouve dans un monde qui a bien changé…
Héros authentiques, loin du méli-mélo habituel
Les deux personnages principaux de Dark Shadows sont Barnabas et la même Angélique, qui a elle aussi traversé les âges et se trouve désormais à la tête de l’empire du poisson dans la ville. Ils ne sont pas de ces êtres insignifiants, misant tout sur l’apparence, que notre Occident tardif et hédoniste a tendance à faire de nous : des jouisseurs égoïstes, inhibés ou/et arrogants, prisonniers de pensées confuses, d’idées et de désirs préfabriqués. Loin d’être des mélis-mélos ambulants, des individus prêts à tous les compromis pour trouver et jouir de leur petit profit, leur petit confort et bonheur personnels, Barnabas et Angélique sont des héros entiers, d’une pièce, des figures exemplaires, d’une intégrité et authenticité sans borne. Ils incarnent en toute constance et cohérence les forces de vie et de mort qui nous traversent généralement de manière débridée, voire chaotique.
Sorcière socratique contre vampire phusique
Si les deux héros sont à la merci des mêmes forces surpuissantes, celles-ci s’expriment toutefois de façon on ne peut plus antagoniques. Elles font de Barnabas un sombre et divin vampire phusique, et d’Angélique une claire et démoniaque sorcière socratique. Alors qu’il est un grand enfant, naïf, qui met tout en œuvre pour accomplir la mystérieuse évolution de la vie, elle est pour sa part la figure même de la claire raison calculatrice en quête de maîtrise, de pouvoir, de possession et de succès, quitte à commettre les pires manipulations et forfaits. Ce qui les rassemble, c’est la passion : tous deux s’engagent à plein dans leur tâche ; lui de retrouver l’amour et redonner à sa famille son éclat perdu, elle de posséder l’amour de Barnabas, s’emparer de son cœur et garder pour toujours la puissance. Tous deux en toute honnêteté, en fonction des forces dont ils sont les vecteurs.
Lutte sans merci entre l’ombre et la lumière
Contraint qu’il a été de vivre dans l’ombre depuis qu’Angélique lui a jeté un sort, le vampire phusique qu’est Barnabas n’est pas seulement assoiffé de sang, mais encore de lumière et d’équilibre. Ayant toutes les combines pour se faire aimer et aduler, la sorcière socratique Angélique incarne quant à elle la pleine lumière, si excessive qu’elle aveugle et brûle tout ce qu’elle rencontre. Entre eux, la lutte est sans merci ; tous les coups sont permis, par-delà le peuple qui apparaît d’une complète insignifiance et bêtise, englué qu’il est dans des belles structures colorées.
A bien y regarder, c’est la passion qui guide le combat entre l’ombre et la lumière : le désir, l’amour, la possession, rythmés par les forces insondables de la mer. Marquée par quelques rares moments de réconciliations, la lutte sombre finalement dans la confusion, puis la fusion ultime dans la dimension abyssale…
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Bande-annonce :
En tant que psychiatre, je suis un peu déçue que vous ne pipiez mot du Dr. Julia Hoffman, tout de même un personnage intéressant, qui se laisse lui aussi porter par des forces, non ?
Le Dr. Julia Hoffman ? Ma psychiatre n’est selon moi qu’un vulgaire exemple de ce que fait le peuple bariolé lorsqu’il est piqué par l’ambition. Si elle se laisse porter, ce n’est que par les petites idées (et non forces) qu’on lui a enfoncées dans la tête : idées de réussite, de bonté, de beauté, de pouvoir, de bonheur, etc. qui n’ont rien à voir avec l’expérience de la vie.
Julia Hoffman n’a aucune tenue, aucune ligne, aucune écoute des puissances de vie : alors qu’elle est d’abord horrifiée de reconnaître en mon humble personne un vampire, elle a tôt fait de se laisser influencer par la mère Collins pour venir me faire… une pipe.
Elle incarne ni plus ni moins le méli-mélo égoïste des forces qui me prennent et de celles qui portent Angélique.
Si je peux vous donner un conseil : si vous la rencontrer, en vous ou autour de vous, n’hésitez pas à lui vomir dessus !