DANS LA THÉOGONIE, APRÈS AVOIR RAPPELÉ les exploits, les unions et les descendances de Zeus, Hésiode en vient à célébrer les autres divinités. Dionysos, le fils du puissant Zeus et de la mortelle Sémélé, ne demeure pas en reste.
Hésiode rappelle que Dionysos, qui se distingue en l’occurrence par sa blondeur, sa « chevelure d’or », a pris pour épouse la blonde Ariane, la fille de Minos, le roi de Crète, notamment connu pour avoir fait construire un immense labyrinthe afin d’y cacher le Minotaure – monstre mi-homme mi-taureau, fils illégitime de son épouse et d’un magnifique et dangereux taureau blanc sorti des eaux.
Si le mythe du Minotaure ne se trouve pas dans les vers d’Hésiode qui nous sont parvenus, de nombreux autres auteurs le mentionnent : quatorze Athéniens, sept jeunes hommes et autant de jeunes filles, étaient tirés au sort et envoyés à intervalles réguliers dans le labyrinthe crétois en guise de sacrifice. Mais un jour, les choses viennent à changer : Thésée, le fils du roi d’Athènes, jeune homme particulièrement courageux, marqué par une inexorable volonté de libérer Athènes du joug crétois, se porte volontaire pour se rendre en Crète, tuer le Minotaure et faire cesser ces voyages macabres. Arrivé sur place, Thésée rencontre… Ariane. Attirés l’un par l’autre, celle-ci l’épaule dans son entreprise en lui donnant une pelote de fil : le « fil d’Ariane » qui permettra à Thésée de ne pas se perdre dans le labyrinthe et en trouver la sortie suite à son acte de bravoure. La condition d’Ariane est qu’il l’emmène ensuite avec lui loin de la Crète.
Mais lors du voyage de retour, Thésée en serait soudain venu – par l’influence de forces divines ? – à abandonner sa bien-aimée sur l’île de Naxos. Or c’est là, alors qu’Ariane se trouvait seule, délaissée par son amant, que Dionysos lui serait apparu ; et qu’ils se seraient entichés l’un de l’autre.
Hésiode se contente pour sa part de mentionner que Zeus – en l’occurrence appelé « fils de Cronos », du nom de son père, roi des Titans qu’il a lui-même destitués –, a épargné Ariane de la mort et de la vieillesse : il l’a autrement dit rendue immortelle, lui a accordé une jeunesse éternelle, l’a élevée au rang de divinité. Pourquoi ? Hésiode ne nous le dit pas. Tout ce qu’il nous indique, c’est que Dionysos a épousé une mortelle gratifiée d’immortalité. Et que ce faisant, elle est devenue « florissante », vigoureuse, à l’instar de Dionysos lui-même, qui apparaît volontiers comme ressource surabondante de la nature. La tradition considère d’ailleurs tantôt Ariane elle-même comme une ancienne divinité de la végétation, qui aurait pour caractéristique de régner sur l’ensemble des cycles de croissance et de déclin.
Voilà donc que le couple Dionysos-Ariane – couple d’une blondeur et par suite brillance éclatante – apparaît comme expression commune de l’exubérance et de la surabondance de la vie… phusique.
Dionysos à la chevelure d’or, la blonde Ariane,
Fille de Minos, en a fait sa florissante épouse ;
Elle que le fils de Cronos a rendu sans mort et sans vieillesse.
χρυσοκόμης δὲ Διώνυσος ξανθὴν Ἀριάδνην,
κούρην Μίνωος, θαλερὴν ποιήσατ’ ἄκοιτιν
τὴν δέ οἱ ἀθάνατον καὶ ἀγήρων θῆκε Κρονίων.
Hésiode, Théogonie, 947-949.
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Les autres témoignages de Dionysos se trouvent ici.