Maurits Cornelis Escher (1898-1972), mieux connu sous le nom de M. C. Escher, n’est pas, comme le disent les érudits et comme on peut le lire sur Wikipédia, un dessinateur, un lithographe, mais un chercheur, un poète. Un homme aux aguets qui, loin de mettre les choses dans des boîtes, loin de les manipuler, met toute son intelligence, tous ses sens, toute sa force imaginative, tout son art au service de la vie. Pour ouvrir les phénomènes à leur dualité, leur ambiguïté, leur multiplicité, leurs faces cachées. Les schémas, les idées, les concepts qui nous guident habituellement ne l’intéressent pas. Sinon pour découvrir ce qui se joue derrière, au-delà, en-deçà. Dans son travail, M. C. Escher creuse et exprime tout un monde, tout le monde, toujours en train de se produire et de se détruire.
Par le dessin et la lithographie, il multiplie les perspectives, les points de vue, joue avec les évidences, déjoue les idées reçues. Il explore les contours, les traits, les formes, les pleins, les vides, pour les dépasser, pour en dévoiler les dimensions cachées, pour ouvrir des espaces de jeux inédits, donner naissance à des pensées paradoxales. Dans les formes, il dégage l’informe. Dans les présences, il découvre les absences. Dans les plans et contre-plans, il fait jaillir une succession d’arrière-plans. Dans les pleins, il reconnaît des vides, et dans les vides des pleins. Sans arrêt. Toujours de nouveau. Toujours à nouveau.
Face aux œuvres de M. C. Escher, c’est toute la vie qui se déplie, se déploie, et devient un jeu : jeu de pleins et de vides, d’apparaître et de disparaître, d’être et de néant, qui se fondent en motifs qui ne cessent de se former, de se transformer et de se déformer. Les blancs deviennent noirs, les noirs deviennent blancs. Les blancs et les noirs s’opposent, s’unissent, se dévorent et se nourrissent. Soudain, des oiseaux noirs et des oiseaux blancs prennent forment, s’avancent, s’opposent, se croquent et s’avalent les uns les autres : les noirs se métamorphosent en blancs, eux-mêmes transformés en noirs.
Pour devenir autres choses : pures formes géométriques, mathématiques, schématiques, analytiques, puis symboliques, puis à nouveau synthétiques, organiques, animales : oiseaux blancs et noirs qui émergent de nulle part, s’envolent vers un ailleurs, au-delà et en-deçà de notre vision et imagination.
Le tout dans un cadre fixe, dans une logique et systématique à toute épreuve, à la fois finis, définis et infinis ; cadre logique et systématique qui, dans son évolution interne, ne cesse de commencer et recommencer en même temps à limiter, délimiter et multiplier, dans un cycle qui nous absorbe, les traits, les plans, les espaces, les motifs, les aspects et points de vue qui, en toute rigueur, de proche en proche, se forment, s’imbriquent, se déforment et dissolvent sans fin. Telle la vie qui se joue, se déjoue, se perd et se gagne toujours de nouveau.
Les œuvres d’Escher ? Admirables expressions de la mystérieuse lutte entre la vie et la mort, en sa cohérence propre : du jeu entre l’ombre et la lumière qui, ensemble, l’un avec l’autre, l’un à partir de l’autre, l’un contre l’autre, à la fois par-delà l’un et l’autre, s’obscurcissent et s’éclairent mutuellement.
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