Dans l’émission HORS-CHAMPS du 10 avril sur France Culture, Laure Adler s’est entretenue avec Etel Adnan, artiste américano-libanaise touche-à-tout. Née en 1925 à Beyrouth, elle a vécu près d’un demi-siècle en Californie, avant de s’installer à Paris. Elle peint, compose et écrit en français, en anglais et en arabe.
Elle parle de la vie comme création, comme continuum de créations.
Après audition d’une archive INA où Gaston Bachelard parle de l’oubli par la philosophie de la nuit, du songe, de l’imagination au profit de la pensée claire et distincte du jour, Laure Adler interroge Etel Adnan à propos de l’importance pour elle du songe comme territoire de création.
Laure Adler : Est-ce que vous, vous faites appel à vos rêves, à ce qui peut se passer à votre insu ?
Etel Adnan : Oui, à mon insu, peut-être… Mais moi je crois que tout est création. La vie est création. On appelle ça penser, parce que c’est plus ciblé que la communication, quand on pense, mais c’est comme ce qu’il [Gaston Bachelard] vient de dire : la nuit et le jour, c’est-à-dire nous, nous sommes vivants. Tout est vie. Et la vie prend des formes. Comme l’électricité, comme l’amour, ça donne du chaud, ça donne du froid. On aime un arbre, on aime une personne, ça vient de la même chose. Et la pensée, la poésie, même le fait de marcher, pour moi tout se tient, il n’y a pas de coupure. Nous sommes dans un continu.
C’est ça l’univers : c’est un continuum dans toutes les directions. Et même : les espaces ne sont pas vides. C’est ce que Bachelard dit : il avait ce sentiment de cause unique, où tout se tient.
Les différences logiques ont été créées pour de la pédagogie. C’est-à-dire que pour enseigner, on crée des catégories, comme Aristote a créé des catégories. Mais le malheur c’est qu’on a pris ces catégories pour des absolus séparés. Mais ils ne sont pas séparés. Et Bachelard est dans ce continu, comme à l’intérieur d’une sphère : on va dans toutes les directions simultanément. Et on choisit : par exemple je vois ce verre d’eau. Mais toute la chambre est présente. Ce verre n’est pas dans le rien. Je parle du verre, mais il n’existe pas tout seul.
Rien n’existe tout seul, tout est connecté. C’est à l’intérieur de connections, il me semble, que nous fonctionnons.
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Lien vers l’émission complète de France Culture
Retrouvez les travaux d’Etel Adnan sur son site internet.