Depuis le 13 novembre, un des slogans les plus fameux et les plus touchants est : « Même pas peur ! » Prononcé dans les rues parisiennes, par des individus, des citoyens libres, il est d’autant plus juste qu’il dit exactement le contraire : « On est tous terrorisés ! » Prononcé par des hommes politiques, il est d’une arrogance sans bornes.
Que faire face à la menace terroriste ? Montrer les muscles, comme le font les politiques ? Déclarer une guerre sans merci au terrorisme ? Tout mettre en œuvre pour éradiquer, exterminer de la surface de la terre tout ce qui pourrait, de près ou de loin, être lié au terrorisme ? Bref : répondre aux sales actes par de sales mots et de sales manières ? Se défendre du terrorisme par le contre-terrorisme ?
Attention, l’utilisation de sales mots et de sales moyens n’a toujours fait qu’envenimer la situation. Si on veut éviter une escalade de la violence, il faut commencer par s’interdire les sales mots et les sales manières – même pour les pires terroristes.
Lutter contre le terrorisme, oui, toujours et partout, jusqu’au plus profond de nous-mêmes ; chercher à éteindre les foyers, à améliorer les situations, à rendre des renversements, des éclaircies possibles, oui, mais sans éradiquer et exterminer qui que ce soit et quoi que ce soit !
Jouer les forts, bombarder des pays, permettre aux policiers de se promener avec leurs armes même en civil, déclarer la guerre au terrorisme – comme déjà en vain Georges Bush après le 11 septembre 2001 –, traquer tous les hommes barbus, employer la violence ne garantit que des terreurs et des souffrances plus grandes encore que celles qu’on est en train de vivre.
Et si on arrêtait un jour de se braquer, de vouloir être les plus forts, les meilleurs ? Et si on cessait de toujours vouloir avoir raison, de crier sur tous les toits qu’on ne nous aura pas, que notre vengeance sera terrible ? Et si on se mettait enfin à se sentir concernés, responsables de ce qui se passe ? Et si on acceptait de se plonger dans ce qui se joue ? Si on allait avec, souffrait avec, pour mieux chercher à comprendre ce qui se trame ?
On se rendrait tout à coup compte qu’il y a, au Moyen-Orient, un 13 novembre tous les jours : qu’en Syrie, quelque 150 personnes meurent tous les jours, comme à Paris, le 13 novembre, mais tous les jours, depuis le début de la guerre, en 2011. On deviendrait alors tout à coup aussi sensibles à cette horreur-là, comme à toutes les autres horreurs du monde, qu’elles soient politiques, économiques, sociales, ou encore… relationnelles, familiales.
On se mettrait à comprendre que ce sont finalement, au fond, partout les mêmes terreurs, les même malheurs. On remarquerait que toutes les horreurs, tous les malheurs sont au fond en corrélation, sont au fond les fruits des mêmes forces mal éduquées, mal gérées, mal canalisées, qui viennent à se révolter face à l’indifférence, à l’arrogance, à l’injustice, à l’uniformisation et au déséquilibre systématiques.