En cas de difficulté, d’accident, de problème, de maladie, de malheur, on se demande, par réflexe : comment s’en sortir ? Comment guérir ? Comment se débarrasser de ce qui ne va pas ? Comment retrouver, au plus vite la joie ?
Mauvaises questions : il ne s’agit pas de fuir les côtés sombres de la vie, mais de vivre avec, d’apprendre à vivre avec.
Bien sûr qu’on préférerait que tout se passe à merveille, que la vie soit sinon toute rose, du moins toujours agréable ; sans peur, sans problème, sans souffrance, – toute situation si possible toujours à notre avantage. Mais elle n’est pas comme ça : les expériences désagréables, fâcheuses, funestes grondent et s’immiscent partout. Alors, spontanément, on les refuse, on les écarte, on les écrase. Mais, on a beau faire, ne pas les vouloir, tout mettre en œuvre pour les mettre à l’écart : le malheur, la tristesse, l’échec, la maladie, la souffrance, le déclin, la séparation, la mort, toutes les expériences dites « négatives » de la vie existent bel et bien et ne cessent de s’emparer de nous. Elles sont indéracinables, font partie intégrante de la vie.
Comment faire alors ? Et si on se mettait à se demander si le négatif était vraiment aussi improductif qu’on veut bien le dire, qu’on le croit, à force qu’on nous le répète, se le répète et le répète à notre tour ? C’est vrai, non : si on s’en détourne, si on les écarte, les fuit, toutes les expériences négatives ont tendance à nous hanter, à nous poursuivre, et tôt ou tard à nous rattraper de plus belle ! En se braquant, on ne fait que se fermer et durcir toujours davantage, jusqu’à en perdre notre… humanité.
Et si, au lieu de nous vautrer dans le positivisme émotionnel qui a cours partout, loin du « il faut absolument aller mieux ! », au lieu de résister comme des forcenés à la douleur, à la tristesse, à la maladie, à l’horreur, à la perte, au chagrin, à l’absence, à l’impuissance, etc., on se mettait à les considérer, à les accepter, sinon à les aimer ?
Tout à coup, la vie prend alors une autre dimension, se présente sous un nouveau jour, avec de nouvelles couleurs, plus riches, plus fortes, plus intenses : soudain, les plus petites traces de vie, les plus minimes marques de joie, les événements les plus mineurs et inconsidérés se font jour, se font sentir, se laissent entendre, se mettent à compter, à jubiler. De fil en aiguille, la vie gagne en intensité, en possibilités, en délices. Tellement qu’avec le temps, on est suffisamment fort pour surmonter, s’élever au-dessus de ce qui, de prime abord, nous déplaît et nous fait peur.
Oui, pour bien vivre – et non seulement survivre –, il s’agit de regarder les choses en face, par-delà bien et mal, de s’y plonger, de les accepter, de les affirmer : de surmonter et d’affirmer tout ce qui se passe et nous dépasse. Aussi les doutes, les problèmes, les périls, les douleurs, jusque dans la mort, soudain mystérieusement expérimentée comme source de vie.
Contre le positivisme émotionnel : laissons-nous pénétrer et traverser même par ce qui nous déplaît, même par ce qui ne correspond pas à nos idées de bonheur, de beauté, de santé, de joie, etc. Engageons-nous dans la vie comme elle va et vient, forgeons-nous des armes – et apprenons à les utiliser !
Le « smiley » qu’on se dessine sur la main n’est de toute façon qu’un masque qu’on se doit d’afficher – donc de supporter – jusqu’à pouvoir l’enlever et réellement affirmer: « Oui, je vais mieux! »! Il nous aide à traverser l’épreuve et à garder notre joie à exister jusqu’à nous sentir… revivre 🙂
C’est-à-dire que le smiley est un masque: et comme tous les autres masques, il doit être effacé, enlevé quand il est devenu inutile, c’est-à-dire quand il a rempli sa fonction de nous redonner le sourire. Donc oui, le smiley, bien sûr, le sourire, évidemment, car même quand ça va « mal »! C’est la joie de vivre qui compte, et la joie inclut la peine – comme PHUSIS le souligne bien… 🙂
C’est avec plaisir que je vous retrouve, Michysos et Romanysos !
Je suis malade depuis quelques mois et ne travaille plus pour le moment. En revanche, ces choses difficiles (ne pas forcément savoir d’où viennent certains symptômes et pourquoi ils se manifestent, et penser que c’est grave même lorsqu’on sent d’instinct qu’au fond, ça ne l’est pas ; ne pas savoir quand « ça » va s’arrêter, etc.) m’ont permis de remettre certaines de mes habitudes (de penser, de faire) en question, et cela m’a permis de « grandir » sur bien des points…
Alors oui, parfois je me sens alourdie, triste, pessimiste et je regrette « l’avant », mais d’autres jours, je me sens vivre comme jamais, et un rien me satisfait alors que quand j’étais (à peu près) en bonne santé, il me fallait toute une montagne pour me satisfaire…
Et si la maladie (pour ne citer qu’une partie des choses « négatives » qui nous adviennent et nous entourent) n’était qu’une némésis après une hubris, une juste leçon nous permettant ensuite de nous replacer dans le juste milieu ? C’est personnellement comme cela que je vois la mienne, en tout cas.
À bientôt !
Bon courage Aurélia! Et si vous lisiez Marc-Aurèle? Ca peut vous aider peut-être.
Merci à vous, Romanysos ! Ce que j’ai n’est pas létal, je n’ai donc pas lieu de me plaindre outre mesure.
Quant à Marc-Aurèle, je n’ai jamais lu ses Pensées pour moi-même, mais c’est bien sûr au programme, surtout que j’ai un intérêt pour les stoïciens, bien que je me sente plus proche de l’épicurisme, d’une certaine manière. Mais n’est-il pas arbitraire de toujours opposer stoïcisme et épicurisme ?… Vous avez une heure ;p !
S’il est arbitraire d’opposer stoïcisme et épicurisme est bien sûr arbitraire… Non, bien sûr qu’épicurisme et stoïcisme se complètent: l’épicurisme soutenant l’impermanence des choses (fluide), à mettre en parallèle avec le taoïsme, le stoïcisme axant sa politique sur l’adéquation des raisons humaine et universelle (parallèle avec le confucianisme).
Merci beaucoup pour ces précisions Romanysos, qui m’offrent des pistes très intéressantes à creuser (épicurisme/taoïsme & stoïcisme/confucianisme) 🙂 . J’avais pu déjà lire la parallèle entre épicurisme et taoïsme, d’ailleurs.