Ah, écrire ! Non pas juste tapoter un « ok », un « t’es où ? » (dans cet ordre, évidemment) sur un petit clavier, des deux pouces, rapides, ou alors d’un seul doigt, plus ou moins habile. Pas non plus griffonner des mots genre « lait », « bananes », « pain », « produit de vaisselle » sur un petit bout de papier qu’on a de fortes chances d’égarer avant d’arriver au supermarché.
Non, écrire : écrire des mots, qu’on cherche, qu’on trouve, qu’on pèse, qu’on tourne dans tous les sens, et qu’on finit par placer, les uns après les autres, en faisant tout pour qu’ils s’entendent, qu’ils s’écoutent, se mettent à converser, voire à danser.
Composer, comme ça, des phrases : des phrases qui veulent dire quelque chose, qui s’agencent, se parlent, et se mettent elles aussi à résonner et à danser ; à dire, indiquer, dévoiler un tas de choses, à ouvrir des mondes, des tas de mondes, insoupçonnés, de toute cohérence, beaux et terribles à la fois.
Des phrases vivantes, qui s’appellent les unes les autres, qui jouent les unes avec les autres ; et qui font tout pour partager des secrets, entre elles, mais aussi avec nous. Avec nous, là au milieu, qui faisons tout pour les sentir au mieux, les accompagner au mieux, pour qu’elles nous apprennent à nous aussi leurs mystères.
Des phrases qui peuvent faire sourire, faire réfléchir ; qui peuvent éclairer des problèmes, ou alors assombrir des situations, gêner, énerver, attrister ; des phrases qu’on peut lire, relire, et relire encore, à sa guise, et qui parlent toujours et encore, de nouveau, à nouveau.
Oh, écrire ! Ecrire comme ça, des mots, des phrases, finalement des textes, des textes entiers, qui se tiennent, qui font sens, qui chantent la vie, comme elle va et vient, qui donnent des perspectives, c’est beau, bien sûr, mais ce n’est pas évident…
Ecrire, et le faire non seulement avec un clavier, mais aussi avec un stylo, une plume ou un crayon, voire une machine à écrire, qui implique effort et concentration ! J’ai déjà entendu pas mal de personnes « d’âge mûr » autour de moi dire qu’elles avaient perdu l’habitude d’écrire « à la main », avec l’utilisation massive des claviers… Quand l’on songe aujourd’hui que dès l’école primaire voire maternelle, les élèves se voient remettre des tablettes numériques ! Pour quoi faire, sérieusement ? Pour créer, sans doute, des besoins inutiles qui, plus tard, deviendront peut-être des addictions (les écrans ont un effet aimant redoutable).
Autre chose éloquente que j’ai lue sur Internet : il semble que de jeunes âmes de nos jours ne sachent pas déchiffrer l’écriture appliquée et « vieille école » de certaines personnes âgées. Cela laisse sans voix…
Aussi je dirais qu’écrire, ce n’est pas que produire des textes beaux ou qui font réfléchir, et ce n’est pas que peiner devant l’acte mental que cela demande : c’est aussi ne pas oublier que cela implique un acte physique qui peut être lourd, mais qui est aussi la garantie, dans un monde plus en plus numérique, que nous ne sommes pas des bêtes assoiffées de facilité, de lait, de bananes et de pain 😉 .
Les plus grands écrivains ont écrit leurs œuvres imposantes à la force de leur poignet et à la plume… serions-nous encore capables de cela ?
Certains grands écrivains modernes rédigent leurs oeuvres en laissant leurs mains graciles courir sur le clavier… Il me semble important de ne pas négliger l’apprentissage du numérique qui, en tout cas, prend – fatalement – une place croissante dans notre monde. Combiner écritures manuelle et écr(iwifi)ante est possible et même souhaitable.
Oui bien sûr, Romanysos. Je ne l’avais pas précisé dans mon commentaire, mais je suis bien évidemment d’accord avec vous. Je ne rejette pas le numérique, sinon je ne serais pas là à vous écrire 😉 . Il faut bien sûr une combinaison du « manuel pur » et du « manuel numérique ». Pour ma part, j’ai un peu peur cela dit que l’instauration des tablettes dans les écoles à des âges précoces n’aide pas les enfants à bien maîtriser l’écriture manuelle « pure ».
Ecrire certes, pour écrire, pour être lu?
Ecrire sans être lu se peut, quant à l’inverse…