Ce mardi, à 9h45, j’ai parqué ma voiture sur une place de parc, payante. Sans payer. L’horodateur était à l’autre bout du parking et je me suis dit – à tort – que je n’en avais de toute façon que pour quelques minutes…
En revenant à la voiture une heure plus tard, j’ai de loin déjà remarqué qu’il y avait… un billet sur mon pare-brise. Merde : une amende !
Mais non, ce n’était pas une amende. C’était… un ticket de parking ! Quelqu’un avait eu la bonne idée de me glisser un ticket de parking sous mon essuie-glace. Ticket parfaitement valable : du bon jour (19/04/16) et de la bonne heure (jusqu’à 11h51). Incroyable !
On a beau dire, il y a quand même des gens sympas, dans ce monde ! Et même très sympas ! Moi, pour dire la vérité, je ne vois pas trop dans quelle situation j’aurais fait pareil : payer le parking à quelqu’un, comme ça, c’est quand même quelque chose. A la limite, j’aurais pu le faire si j’avais reconnu la voiture d’un ami et… que j’avais vu arriver une fliquette. Et encore… Mais là, comme ça, je ne vois pas.
Mon premier réflexe a évidemment été de regarder autour de moi, de chercher la bonne âme. Puis je me suis dit qu’il fallait que je fasse pareil : aller glisser « mon » ticket sur le pare-brise d’une autre voiture, voisine. Pour faire en sorte que cet extraordinaire élan de sympathie se transforme en véritable vague d’humanité. Me voilà qui passe à côté d’une première voiture, et constate qu’elle a déjà un ticket ; d’une deuxième, qui en a aussi déjà un ; d’une troisième, qui a… une amende sur le pare-brise !
Pile à ce moment, je vois arriver une voiture Securitas, juste derrière l’auto devant laquelle j’étais. Securitas : vous savez, l’entreprise active en matière de sécurité et de parcage. Le conducteur me dévisage, d’un drôle d’air, avec mon ticket dans la main, en train de regarder sur les autres pare-brise. Je lui dis bonjour d’un hochement de tête gêné. Et il part, lentement, comme si de rien n’était, sans doute pour s’en aller voir sur un autre parking s’il trouve quelqu’un qui n’a pas payé sa place.
En revenant à ma voiture, je regarde encore une fois le ticket, de plus près. Il avait été plié en deux : comme s’il avait déjà été utilisé une fois avant d’être déposé sur mon pare-brise. Par exemple en voyant arriver le Securitas ! Mais non, ce n’est pas ça : sur le ticket figure en effet un numéro de place : le mien (58) ! Il n’y a pas photo : quelqu’un a déboursé de l’argent (CHF 2.80) pour payer « mon » ticket !
On a beau dire, il y a quand même des gens vraiment sympas, dans ce monde !
Moi, évidemment, j’ai souri. Et continue à sourire à chaque fois que j’y repense, ou que je raconte l’histoire. C’est étonnant, rassurant, tout simplement beau : à l’époque du chacun pour soi, où chacun est concentré sur ses petites affaires, où on a tendance à oublier autrui, il y a encore des gens qui s’inquiètent des autres : les épaulent, les aident, les guident, comme ça, de manière tout à fait anonyme, sans rien attendre en retour. Des gens qui se battent à leur manière contre la roue qui tourne de plus en plus vite. Moi je trouve ça beau : une belle leçon !
A l’avenir, je vais moi aussi être plus attentif à ce qui se passe autour de moi. Et pas seulement sur les parkings, à l’approche d’une fliquette ou d’un Securitas…
En lisant votre article j’ai été frappé par une grande contradiction. Contradiction implicite et tout à fait courante qui se manifeste à chaque minute de notre vie mais que nous semblons oublier, et enfouir en nous même, perdu que nous sommes dans la frénésie de notre quotidien aliénatoire. D’une part vous semblez étonné de ce geste d’humanité qui vous a été providentiellement adressé et qui habituellement ne va pas de soi. D’autre part vous avez ressenti un profond sentiment reconnaissance par cet acte si inhabituel. Pourtant à en croire l’idéologie dominante, la nature humaine est mauvaise en soi, perpétrant guerre, destruction, méchanceté et égoïsme partout ou elle met les pieds. Ne dit-on pas, continuellement, pour conclure une discussion sur la marche du monde qui ne tourne pas rond ; « c’est la nature humaine » ? En réalité, quant on observe objectivement le monde on s’aperçoit que la tentation humaine est continuellement tendu vers l’entraide et la solidarité, il en est simplement empêché car il a été séparé de lui-même. Et nous vivons aujourd’hui pour la première fois le temps ou l’homme est le plus éloigné de lui-même, c’est pourquoi nous nous étonnons de chaque petits gestes d’entraide et de solidarité. Notre étonnement vient du fait que nous avons oublié notre histoire. l’histoire humaine ce n’est pas ce dont nous nous ventons sans cesse, « la civilisation ». Notre histoire c’est les millénaires vécu dans la communauté primordiale de l’être. Dans la communauté « indivise » où il n’y avait ni de division du travail ni argent ni religion, où tout être, homme ou femme, produisait non pas pour la vente et l’échange mais pour les besoins « im-médias » de la communauté. Les christalisations hiérarchiques n’existait pas donc la compétition non-plus. Jsuqu’à dans les communauté amazonienne les plus récentes les ethnologues et autres jésuites ont tous constaté que le vocabulaire de « l’avoir » et de « l’apropriable » était absent. La prochaine fois donc que nous voyons un geste humain disons-nous, non pas que c’est extraordinaire, mais qu’au delà du « bénéfice » de « l’apparence narcissique » c’est notre destination d’humanité.
OUI ! C’est un comble : l’ordinaire de la nature humaine (en sa vérité première, « en son être », si vous voulez) est aujourd’hui, à l’ère de toutes les aliénations (superficielles), devenu l’extra-ordinaire…
Superbe commentaire, Gustave !
En vérité, je pense que l’homme est naturellement situé entre l’affirmation de Rousseau (« L’homme naît bon, la société le corrompt. ») et celle de Hobbes (« L’homme est un loup pour l’homme. »). C’est cette seconde affirmation qui est pourtant « mise en avant » dans notre société et c’est regrettable, car elle nous conditionne cognitivement à agir exclusivement en loups.
Je dois avouer que j’ai parfois honte (oui, honte, je vous jure !) lorsque j’aide quelqu’un dans la rue ou dans une salle d’attente (ça peut être n’importe quel type de secours). J’ai tout de suite l’impression que les regards sont braqués sur moi et que tout le monde se dit : « Non mais regarde celle-là comment elle se prend la tête avec ce monsieur ou cette dame, elle est trop gentille, la personne va profiter d’elle, pff, j’te jure, y’a de ces pigeons quand même. », alors que la plupart du temps, lorsque je me dévoue pour aider quelqu’un, cette personne me témoigne de la reconnaissance et nous nous mettons ensuite à discuter comme si nous nous connaissions, puis nous rentrons chez nous, sans doute grisées de cette pure bonté humaine qui s’est manifestée chez l’une et l’autre, alors que non, nous ne nous connaissions même pas, et que nous ne nous reverrons sans doute jamais !
Un exemple parmi tant d’autres de services que j’ai rendus (je ne m’en vante absolument pas) : un jour, je revenais à pied chez moi lorsque j’ai vu, sous la pluie, une dame sortir de sa voiture une énorme planche de bois et demander à ses deux petites filles (l’une de 5 ans ou moins, et l’autre de 10 ans tout au plus) de l’aider à la porter jusqu’à leur immeuble. J’étais chargée aussi de mon côté, et comme la voiture de cette dame était stationnée juste devant mon immeuble, j’aurais pu faire semblant de ne rien voir et rentrer chez moi sans rien faire, surtout que bon, j’ai des problèmes de dos, alors soulever de lourdes planches de bois, non merci ! J’aurais pu me forcer aussi à ne pas penser au fait que la planche était lourde, que le trottoir était glissant et qu’une moindre erreur de la mère ou de l’une des petites pourrait avoir des conséquences pénibles sur l’une ou l’autre. Mais je suis allée proposer mon aide à cette personne, presque sans attendre sa réponse, et j’ai été surprise de sa propre surprise et de son soulagement ; on aurait dit que oui, ce que je faisais était hors du commun. Son immeuble était voisin du mien à un tournant de rue près, et j’ai laissé ces trois personnes à l’entrée. Je me souviens que la dame avait dû insister auprès de sa fille aînée pour qu’elle lâche la planche puisque j’avais pris le relais et que la petite risquait de se faire du mal. À l’arrivée, la dame était reconnaissante et toujours aussi étonné qu’une inconnue ait accepté de l’aider. Ce sont des moments simples, mais qui signifient beaucoup pour moi. Disons que oui, c’est une gratification sur le plan narcissique, mais pas au sens que nous prêtons habituellement au terme « narcissique ». C’est simplement un moment d’authenticité et de gratuité qui se grave dans la mémoire, parfois je me dis que c’est presque une expérience religieuse !
Je fais toujours mon possible, intérieurement, pour ne pas laisser la honte m’envahir au point de ne plus agir quand quelqu’un a besoin d’aide… mais parfois, c’est tentant. C’est tentant de faire semblant de ne rien voir, et d’attendre que quelqu’un d’autre soit le premier à porter secours, pour ensuite se dire « C’est bon, quelqu’un s’en occupe, je peux m’en aller ni vu ni connu, j’avais de toute façon autre chose à faire. » Bref, c’est tentant d’être lâche.
Beau commentaire aussi, Aurélia… On voit bien l’authenticité dans vos mots, c’est très parlant. Merci pour votre partage et ce témoignage qui « transpire » quasiment votre vécu!
Merci, Romanysos 🙂 !
Un autre exemple que nous avons du pain sur la… planche, tous, à notre échelle individuelle (en dépit de nos possibles accès de colère, d’injustice, d’ingratitude, de lâcheté au quotidien) : ce matin, mon ami appelle notre fournisseur d’accès à Internet car depuis hier soir, nous n’avions plus de connexion. Le téléconseiller lui explique que c’est une panne générale dans le quartier, en cours de résolution. Mon ami ne s’est pas énervé (cela n’était bien sûr pas fondé), et a souhaité « bon courage pour sa journée » au téléconseiller. Apparemment, le gars au bout du fil a buggé et est resté sans voix, signe sans doute que les clients comprenant sincèrement ses conditions de travail ne sont pas légion, et qu’il doit passer des journées plus stressantes qu’autre chose. Si tous les clients pouvaient comprendre que les conditions de travail sur les plates-formes d’appels téléphoniques sont terribles et que ce n’est pas en passant injustement leurs nerfs sur des téléconseillers déjà pressurisés par leur hiérarchie que leurs problèmes se résoudront, un pas de géant aura déjà été fait ! Nous pouvons tous un jour, suite à une mauvaise fortune, nous retrouver à travailler dans ce genre d’endroit. Personne n’est à l’abri de se retrouver de l’autre côté du décor et, à ce moment-là, de réaliser que c’est invivable, et de regretter ses anciens énervements, du temps où il n’était que simple client. Pour travailler moi-même avec le téléphone, je peux témoigner de ce qu’un simple « bonne journée » ou « bon courage » ou « grâce à vous, je suis rassuré » lancé sincèrement par un client rend la journée bien meilleure.
Continuons à faire notre possible pour rendre le monde plus sympathique! Allez, un p’tit smiley pour vous aussi: 🙂