Bouleversement | Ce que décide l’Etat, ce que fait le virus, ce que racontent les spécialistes, les médecins, les journalistes, on ne peut pas le changer. Par contre, ce qu’on fait nous, ce qu’on pense nous, ça on peut le changer !
Ça a commencé loin de chez nous, en Chine, il y a quelques mois. On ne s’y est pas trop intéressé et n’a pas bien compris. Puis c’est apparu en Italie. On a commencé à s’y mettre, mais sans bien comprendre non plus. Puis c’est arrivé chez nous, où ça a tout bloqué. On s’y intéresse à fond, mais ne comprend toujours pas bien. Et si on profitait de l’occasion pour se poser des questions, pour réfléchir, pour changer ?
Ce qu’on sait depuis le début, sur le coronavirus, c’est que c’est un virus comparable à la grippe, mais en plus contagieux, plus dangereux, notamment pour les poumons des êtres vulnérables. Un virus qui affole toute la planète, le monde médical, les journalistes, les états et… chacun d’entre nous. Un virus qui donne lieu à des mesures drastiques, inimaginables. Qui met les pays, les entreprises, les gens en « situation extraordinaire », d’interdictions, de replis et d’inquiétudes. Partout, ça se resserre, se ferme, se bloque. Nos vies, nos habitudes, nos pensées sont bouleversées.
Chamboulement exponentiel
Tout a été très vite. Et continue à aller très vite. Jusqu’à l’arrêt presque complet,
en quelques jours. Il y a trois semaines, on se demandait si on n’était pas en
train de divaguer en interdisant les rassemblements de plus de 1000 personnes. On
en parlait autour de nous, un moment, avant de passer à autre chose. 20 jours plus
tard, on est quasi confiné – et ne parle plus que de ça.
Conformément aux directives, on est la plupart du temps chez nous. Quand on sort, on se regarde différemment. Il y a de la gêne, de l’inquiétude, de la crainte, du faux-semblant sur les visages. Heureusement aussi des regards souriants, fraternels, compatissants : par exemple avec cette caissière, très sympa, ce jeune homme, qui fuse sur son skate, cette femme en train de marcher dans la forêt. Au fond, on est dans le même bateau, pris par les mêmes interdits, les mêmes interrogations.
Printemps éclatant
La nature, elle, elle s’en fiche. Elle est complètement indifférente, à nos
problèmes, à nos peurs, à nos affaires. En même temps, elle paraît plus calme,
plus colorée, plus intense, plus belle que jamais. Aussi parce qu’on y est plus
sensible. Pas seulement à la nature, d’ailleurs. Plus sensible en général, aussi
vis-à-vis de nous-même : est-ce que je n’ai pas un peu mal au cou ? Est-ce
que ça ne me chatouille pas un chouilla dans les poumons ? Est-ce que je
n’ai pas les yeux qui piquent ? Plus sensible aussi vis-à-vis de notre
entourage : est-ce que j’ose lui serrer la main ? Embrasser ma maman ?
Est-ce que mon copain de toujours va faire un pas en arrière ? Est-ce que
ma vieille amie va tomber malade ? Tout ça alors qu’on a plus que jamais
envie d’être entouré, de partager, de sentir les gens.
Convictions remises en question
Et on se demande : tout ça n’est-il pas exagéré ? Y aura-t-il vraiment
plus de malades et de morts que pour la grippe saisonnière ? Le risque ne
concerne-t-il vraiment que les malades chroniques, les personnes âgées ?
Les hôpitaux seront-ils vraiment surchargés au point de devoir refuser des jeunes
gens sinon en pleine santé ? Evidemment, on se met à réfléchir. A nous,
aux autres, à la santé et à la maladie, à la vie et à la mort. A notre place
dans le monde, notre vision des choses, nos convictions, nos idées, nos forces,
nos faiblesses. Tout à coup, on a le temps de penser à tout ça, on se pose des
questions sur la vie.
L’occasion de se réinventer
Pour arriver à cette conclusion : ce que décide l’Etat, ce que fait le virus, ce que racontent les spécialistes, médecins, journalistes, on ne peut pas le changer. Par contre, ce qu’on pense nous, ce qu’on fait nous, pour nous, pour les autres, ça, on peut le changer. Et si on profitait de l’occasion de se remettre en question ? Et si on modifiait ce qu’on devrait depuis longtemps changer, dans nos manières de faire, de dire, de partager ou non les choses, dans notre manière de vivre avec les autres ? Et si on profitait de l’occasion pour se réinventer : devenir plus ouverts, plus rigoureux, plus exigeants vis-à-vis de nous-mêmes et des autres ? Plus généreux, plus joueurs, plus drôles, plus… vivants ?