Dans notre entretien «Anatomie d’un désastre», Jean-Dominique Michel lit le Covid comme révélateur de nos incohérences. Commentaire sur… L’IMBÉCILITÉ TECHNIQUE, de la Grèce ancienne à nos jours.
🗣 (29’15) «On devient tellement bon dans la technique et le détail qu’on devient imbécile, c’est-à-dire – étymologiquement – faible de pensée. Ce n’est pas une injure, enfin ça l’est devenu… Il y a trop de faiblesse de pensée pour pouvoir trouver des réponses adéquates.» 📈
(🎬 Interview complète: https://www.facebook.com/PHUSIS.ch/videos/279673346520557/)
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Au 4e siècle avant J.-C., le philosophe grec Platon marque le début de notre tradition occidentale en définissant l’homme comme « être vivant doué de raison ». Grâce à notre prodigieuse faculté de raisonner, nous sommes capables de nous élever au-delà des phénomènes sensibles, de les penser de manière abstraite, de faire des plans, des projets – et de les réaliser.
De nos jours, à l’autre bout de la tradition, cette même pensée rationnelle a pris une ampleur telle dans la science et la technique que nous sommes en voie de réaliser nos rêves les plus fous : rendre le monde ici et maintenant conforme à celui, idéal, tel que nous l’imaginons. Par suite de ses succès et de son efficacité, la science et la technique ont pris une place centrale au sein de la société.
Tête dans le guidon – ou dans les nuages
En contrepartie de cette évolution, l’homme est devenu de plus en plus… imbécile, au sens de l’imbecillus latin, faible. Redoublée par les progrès de l’informatique, sa capacité de raisonner et de calculer se trouve détachée de la vie sensible. Et l’homme de devenir un « geek » : technicien imbécile qui passe son temps à construire des mondes virtuels.
Au niveau académique, on peut distinguer deux types : celui qui a « la tête dans le guidon », qui est plongé dans des modélisations mathématiques complexes (comme c’est le cas dans les sciences dures) ; et celui qui a la « tête dans les nuages », qui est perdu dans des formalisations intellectuelles alambiquées (comme dans les sciences molles, dites humaines). Sans parler de tous les fonctionnaires, bureaucrates et autres amateurs, de tableaux Excel…
Affaiblissement de la pensée vivante
Tout ça a pour conséquence d’affaiblir l’esprit et la pensée vivante : la capacité de l’homme à peser, comparer, mettre en perspective et juger les choses de la vie – et par suite de la mort. A force de miser sur la raison et se fier à la technique, on en perd son bon sens et son intelligence. On est déshumanisé.
Forcément, quand il y a quelque chose qui cloche, quand survient un problème, une maladie, un virus, on peine à trouver les réponses adéquates. D’autant plus si le problème en question est inédit – et qu’on ne s’y est pas préparé…
Rien de neuf sous le soleil
Exemple. En Suisse, en dépit de leurs projections aberrantes jusqu’ici – chiffres on ne peut plus précis pour une fourchette on ne peut plus large –, on continue à s’adresser aux mêmes spécialistes de simulations informatiques. Vendredi, le Prof. de biophysique et d’épidémiologie Richard Neher de l’Université de Bâle annonce une potentielle deuxième vague absolument terrible pour juillet/août. Idem en Suisse romande, avec le Prof. de math de l’Université de Lausanne David-Olivier Jacquet-Chiffelle, dont les calculs annoncent une possible arrivée rapide de ladite deuxième vague si on ne fait pas extrêmement attention. Attention : il faut prendre toutes les précautions, sinon les hôpitaux risquent d’être complètement débordés…
Tout ça alors que certains des meilleurs épidémiologistes (Raoult, notamment) affirment que de tout temps ce genre d’épidémies a passé avec un seul pic et une seule vague…
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Merci pour votre article!
Pourriez-vous citer les épidémiologistes qui n’annoncent pas de 2ème vague?
Il faudrait leur donner de la voix!
Dans sa vidéo d’il y a quelques jours sur BFM, Didier Raoult parle de « science-fiction » à propos d’une deuxième vague. Jamais dans l’histoire il n’y en a eue ; et il ne voit pas pourquoi il y en aurait une. Dans une prochaine vidéo, JD Michel dit la même chose, en ajoutant qu’on ne peut en être certain en raison du confinement inédit face au virus. Espérons! Meilleures salutations. MH
Bel exemple de litote philosophique hautaine et biaisée écrite par quelqu’un qui n’a absolument aucune idée de quoi ils parle d’un point de vue scientifique.
Je vais même pas prendre de soin de m’attarder sur la classification simpliste et profondément réductrice et humiliante des académiciens scientifiques dont je fais partie en uniquement ceux qui ont la tête dans le guidon et ceux qui ont la tête dans les nuages. Belle philosophie en soi…
Pour ce qui en est de « Tout ça alors que les meilleurs épidémiologistes affirment que de tout temps ce genre d’épidémies a passé avec un seul pic et une seule vague… », des sources tout court et préférablement sérieuses seraient les bienvenues. Dr. Raoult est très loin d’en être une sérieuse ou tout du moins suffisante compte-tenu de l’aspect, pour le moins qu’on puisse dire, polémique et scientifiquement contesté du personnage.
Je renvois également, sans prétention aucune, à faire une simple recherche de « courbes de cas de grippe espagnole », ou pour un exemple plus récent de « courbes de cas d’Ebola » qui dans de nombreuses régions présentent non pas une, ni deux, mais trois ou plus de vagues de contagion dont la première est jamais ni celle présentant la plus grande amplitude ni la plus meurtrière.
Pour terminer sur une pointe de philosophie : « Une belle théorie foireuse est toujours plus agréable à gober qu’une hypothèse moche et réaliste ».
S’il vous plait, laissons la philosophie aux philosophes et la science aux scientifiques… Tout le monde en ressortira reconnaissant et grandi.
Merci pour votre message ! Le but n’est pas de stigmatiser, mais de renforcer les traits pour mieux faire penser. Les « têtes dans le guidon » et « dans les nuages » sont deux tendances académiques. Impossible que vous ne soyez pas d’accord : le dialogue intelligent et ouvert manque entre les diverses sciences ! La spécificité de chaque discipline l’empêche, alors qu’on en a cruellement besoin. Il permettra(it) de nous mettre en chemin vers une intelligence collective qui fait défaut aujourd’hui dans les sphères dirigeantes. Dans notre prochain entretien avec Jean-Dominique Michel, nous allons cheminer dans ce sens.
Pour ce qui est de la deuxième vague de la grippe espagnole : il est vrai que je n’y connaît pas grand-chose, mais on s’accorde à dire (me semble-t-il) que les gens sont morts des suites bactériennes (aujourd’hui traitables par les antibiotiques) de l’épidémie en raison de grosses déficiences immunitaires préalables, corrélées à la guerre.
Deuxième vague en 2020 ? Vous avez raison, j’ai écrit trop vite. J’ai modifié « les meilleurs épidémiologistes » en : « certains des meilleurs épidémiologistes (Raoult, notamment) »… Seul l’avenir nous le dira. Pour le dire grossièrement, notre position est la suivante : la peur, la sédentarité, le stress liés aux mesure sont plus dangereuse que le virus lui-même !
S’il vous plait : ne laissons pas la philosophie aux philosophes et la science aux scientifiques, mais interagissons !
Merci pour votre réponse ainsi votre argumentation.
Je comprends votre argument sur la non-stigmatisation des milieux scientifiques mais je me permettrais quand même la remarque que les propos dans le texte de votre article mériteraient à ce moment là d’être un peu plus contrastés et un peu moins délétères envers les scientifiques et les académiciens que vous traitez quand même indirectement de « techniciens imbéciles ». La philosophie est très loin d’être mon domaine de prédilection mais j’ai toujours considéré que la chose la plus importante dans message n’est pas vraiment ce que vous avez voulu dire mais ce que le/les destinataires de ce message en ont compri.
En ce qui en est de la communication entre les différentes branches de la science je ne trouve pas qu’elle soit en manque, bien au contraire il n’a jamais été aussi facile de communiquer entre scientifiques. La preuve en est la mobilisation massive, relativement coordonnée et extrêmement rapide du monde scientifique pour essayer de trouver des solutions à la pandémie actuelle, que ce soit avec un vaccin, un potentiel remède ou d’autres méthodes.
Le problème que vous évoquez provient selon moi d’une combinaison de deux choses distinctes qui se rejoignent. D’une part la compréhension de la science au sens général du terme n’est pas chose accessible à tout le monde de part sa nature et d’autre part la sur-médiatisation du moindre problème ou le moindre détail doit à tout prix être expliqué par des médias qui n’ont strictement aucune idée de quoi ils parlent à tout le monde, en partant de la ménagère et finissant avec les patrons de grandes entreprises et les scientifiques eux même. Cela ne marche pas hormis créer un brouhaha médiatique pseudo-scientifique surinformé souvent faux et par définition incompréhensible par le plus grand nombre. Cela n’aboutit qu’à une panique généralisée ou tout le monde devient du jour au lendemain spécialiste en immunologie et/ou épidémiologie et qui sait tout sur tout parce qu’il a écouté Rochebin au 19h30 et vu une vidéo de son influenceuse beauté préférée sur comment faire un masque maison FPP3 efficace. Hors, demandez à ces mêmes personnes à quoi correspond le point d’inflexion d’une courbe épidémiologique exponentielle en matière de nombre de nouveau cas journaliers et là vous n’aurez plus personne malgré le fait que ça soit des mathématiques fondamentales utilisés à la base de toute analyse épidémiologique. Et les situations que vous décrivez sont instaurés par des gouvernements eux même sous pression du même phénomène car ils doivent à tout prix avoir réponse à tout et qui n’ont d’autre solution que d’agir pour calmer la panique avec des mesures fortes.
La science n’a pas besoin d’être comprise ni expliquée à tout le monde et seuls des messages simples et vulgarisés dérivés de la science doivent être donnés au plus grand nombre pour éviter toute confusion et cohue.
Par ailleurs votre analyse du monde scientifique qui a soit la tête dans le guidon, soit la tête dans les nuages est presque utopique par rapport à la réalité. Le principal mal dont souffre la science moderne est « les yeux rivés sur Google Scholar » ou autrement dit sur son nombre de publications et le nombre de fois qu’on a été cité par d’autres… Un peu comme l’addiction aux « likes » sur les réseaux sociaux avec un effet bien plus pervers car il s’agit là de recherche faisant avancer l’humanité. Si seulement on pouvait avoir la tête dans le guidon ou dans les nuages, cela éviterait, à nous scientifiques, de perdre tant de temps à publier juste pour publier quitte à publier du réchauffé ou des recherches à moitié bancales tant que ça nous assure la reconnaissance par nos pairs et par conséquent le financement de nos recherches.
Finalement sur le sujet de la deuxième vague, je critique en particulier votre formulation qui stipule purement et simplement qu’aucune autre épidémie n’a jamais eu de deuxième vague. Hors ceci est factuellement faux. Peu importe les conditions particulières de la grippe espagnole, une deuxième et une troisième vague ont eu lieu. Je vais me me répéter avec mon commentaire précédent que vous n’avez pas relevé, mais la grippe Espagnole est loin d’être seule dans ce cas. Regardez les courbes de la grippe de Hong-Kong de 1968-1969 : trois vagues, Ebola: plusieurs vagues dont trois distinctes, Épidémie de Choléra de 1910: idem, etc, etc… Même la grippe saisonnière purement de part son nom a des vagues saisonnières (hivernales) chaque année. Donc NON, « …de tout temps ce genre d’épidémies » N’EST PAS « passé avec un seul pic et une seule vague… » C’est un fait et en écrivant ce que vous avez écrit vous répandez des fausses informations que certaines personnes sont susceptibles de croire.
Le confinement a retiré au CoV-19 la possibilité d’infecter des millions d’individus.Or un virus qui ne parvient pas à infecter un animal meurt. En lui enlevant sa « nourriture « pendant deux mois, les seuls coronavirus qui subsistent au jour d’hui sont ceux qui ont infecté les individus encore malades maintenant. Quand ils seront morts ou guéris l’épidémie s’arrêtera.
Or c’est la première fois, dans l’histoire des épidémies, qu’on impose le confinement pendant aussi longtemps. Si cette observation s’avvère juste, c’est que le confinement est la meilleure méthode que nous connaissions pour bloquer une épidémie ! Bien meilleure en tous cas que le massacre systématique des porteurs et transmetteurs du virus comme il a été pratiqué contre l’encéphalopathie bovine (en massacrant tous les troupeau où l’on avait diagnostiqué 1 cas), tous les poulets d’élevage contre l’influenza aviaire. Les citoyens qui ont accepté le confinement et ce, malgré les pertes économiques, ont agi avec intelligence, avec altruisme, donnant preuve d’esprit de coopération et de Volksgemeinschaft – mot intraduisible étant donné que le sens de la Volksgemeinschaft n’existe ni en France ni en Italie, ni en …
j aimerais en savoir plus sur votre avis sur cette impossible 2eme vague; ne serait elle pas le résultat de l arrêt des mesures de préventions notamment et principalement la fin du confinement?
j ai vu que mr raoult analyse les courbes actuelles sans prendre en considérations les efforts de la population pour réduire l impact de la pandémie… ça laisse songeur…
Un deuxième entretien avec JD Michel sera diffusé dès mercredi 6 mai. La question de la vague y est entre autres abordée…