Le vin : de la technique à la vie

Pergola égyptienneTOUT LE MONDE LE SAIT : le vin est un produit que réalise l’homme à partir de ce phénomène de la vie qu’est la vigne. Grâce à sa sensibilité, son savoir-faire et capacités techniques, l’être humain est en mesure de cultiver la vigne, de récolter le raisin, le presser, faire fermenter le moût obtenu, et finalement élever le vin qui en résulte jusqu’à maturité.

S’il est bien fait, le vin est beaucoup plus qu’un produit de la seule technique humaine. Il est en même temps un prolongement et une expression particulièrement intense et riche des mystérieuses forces de vie qui traversent tout phénomène vivant, nous-mêmes y compris.

Si, dans son travail, le vigneron ne se contente pas de fabriquer son vin en appliquant recettes et trucs tout fait (savoir-faire technique), s’il ne cherche pas simplement à réaliser l’idée qu’il se fait de son vin, s’il met tout en œuvre pour se mettre à l’écoute et accompagner activement sa vigne, son raisin et finalement son vin, le produit auquel il aboutit est bien plus qu’une simple boisson alcoolique, agréable à boire, capable de détendre les mœurs, de faire tourner la tête, de délier les langues et de libérer les sens.

Le bon vin permet à quiconque le déguste et boit avec amour et attention de se plonger dans une dimension qui le dépasse lui-même en tant qu’être de clarté et de raison. Le nectar est en mesure de l’enthousiasmer : de l’élever au-dessus de lui-même et de l’ouvrir à toute une musique surhumaine, divine, qu’il a généralement tendance à oublier et négliger, pris qu’il est dans ses affaires et organisations quotidiennes. Et voilà que l’homme se trouve soudain capable d’expérimenter et de se fondre dans les puissances (phusiques, artistiques, musicales) qui le traversent de fond en comble et qui doivent généralement se contenter de travailler dans l’ombre.

Loin de juste boire le vin, ou d’aimer déterminer, juger ou critiquer son nez, sa robe et son goût, et laisser par là l’ivresse venir à sa guise, sans même y faire attention, sans même la célébrer, le bon amateur ne vise qu’une chose : devenir capable de se plonger dans le vin comme subtile expression des forces cachées de la vie, de se mettre en résonnance avec elles et tout mettre en œuvre pour faire rejouer la dimension supérieure, divine qui sommeille en lui. Qu’importe que ce soit dans une discussion – serait-ce avec soi-même –, une production artistique, ou n’importe quel culte de la vie.

Si le vigneron et l’amateur sont bons, si tous deux sont suffisamment amoureux et rigoureux, tous deux sont ni plus ni moins des prophètes, des vecteurs et par suite des guides de la mystérieuse vie ici et maintenant.

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