Silly Games

81226Janet Kay ~ Silly GamesHistoire d’amour. D’amour tragique. Jeu de cache-cache. En tension avec l’amour romantique, les idées. Jeu de cache-cache qui dure depuis longtemps, très longtemps. Trop longtemps ?

Voilà bien longtemps qu’elle l’aime, qu’elle veut être avec lui, tout près. Et même plus : qu’elle le veut, qu’elle veut le posséder, lui, tout entier. Tellement qu’elle en est possédée, qu’elle en est folle.

Folie qui est en même temps une honte : folie et honte que de toujours chercher l’autre, et de toujours être si loin l’un de l’autre. Folie et honte que de s’être laissé prendre au jeu, de s’être laissé piquer comme ça par l’aiguillon d’Eros.

A chaque fois qu’elle entend son nom, elle est prise de douleur. Oui, la seule entente de son nom la blesse, à l’intérieur. Pourquoi ? Parce que ça ne joue pas comme elle voudrait. Parce que la réalité n’est pas comme elle le désire. Parce qu’elle n’est pas conforme à son idée. Parce qu’à chaque fois qu’ils se voient, les deux, au lieu d’être ensemble, de faire les choses ensemble, les deux, de partager ce qu’ils font, ce qu’ils ont et ce qu’ils sont, un jeu de cache-cache se met en place. Quand l’un s’avance, l’autre recule. Quand l’un se montre, l’autre se cache, quand l’un se dévoile, l’autre disparaît.

Piquée qu’elle est, forcément, elle en veut plus, et même beaucoup plus. Elle s’imagine beaucoup plus. Mais que faire ? Comment faire ? S’avancer plus, prendre davantage de risques ? Venir lui demander, comme ça, comme une idiote, « Comment ça va ? », pour engager la conversation ? Est-ce que ce ne serait pas ridicule ? Est-ce qu’il ne trouverait pas ça ridicule ? Est-ce que ce ne serait pas là pour lui une bonne raison de partir plus loin, encore plus loin ? De se cacher et la rejeter plus encore ?

Tout compte fait, à bien y regarder, il est, lui, tout autant à blâmer qu’elle. C’est en tout cas ce qu’elle se dit. Car elle sait qu’il ressent exactement la même chose qu’elle. Exactement. Elle peut le voir, dans ses yeux. Ça ne fait pas de doute, elle en est persuadée, elle le sait très bien. Ou alors pas du tout ?

Oh, et puis zut, à la fin ! Tout compte fait, à bien y regarder, elle n’a pas le temps de le vivre, cet amour. Elle en a marre. Elle en veut plus, elle n’en veut plus, de cet amour. Il est trop exigeant, trop fatigant. Il lui coûte trop. Il est trop douloureux.

Non, c’est vrai, à la fin : elle n’a plus envie de jouer à ses jeux stupides. Toujours jouer à cache-cache, toujours les même jeux stupides. C’est fatigant, à la fin, les jeux d’ombre : ne jamais savoir, ne jamais en avoir le cœur net. Toujours en vouloir plus, sans jamais le recevoir. Toujours être entre-deux, sur le fil, sur le qui-vive, dans le va-et-vient, dans le doute. A la longue, c’est fatigant, la vie, l’amour, comme ça. Non, le jeu n’en vaut pas la chandelle !

Et en même temps, quand elle y pense, elle se dit : s’il fait un pas, aujourd’hui, je ferai comme si de rien n’était, je ferai juste semblant d’être timide, d’être choquée.

Ah mon cher, c’est une tragédie de me blesser comme ça. Que tu me blesses comme ça. Et que je te blesse comme ça à mon tour. Une tragédie de jouer comme ça, de se chercher comme ça, de s’entendre comme ça, sans se trouver, sans s’entendre. Et en même temps de se chercher, de se trouver et de s’entendre comme personne ne se cherche, ne se trouve et ne s’entend.

Et en même temps, elle se dit qu’ils n’ont même pas essayé. Même pas essayé d’aller plus loin, de construire quelque chose, les deux : quelque chose d’autre que ce jeu, ce stupide jeu, ce stupide jeu de cache-cache.

Oui, il est autant à blâmer qu’elle, elle se dit. Car elle le sait très bien : il ressent exactement la même chose, lui. Exactement. Elle le voit dans ses yeux. Ça ne fait pas de doute. Elle le voit très bien, le sait très bien. Sans vraiment savoir quand même. On ne sait jamais, dans ces choses-là. On ne sait jamais ce qui se passe, avec la vie, avec Eros. On voit tout, et en même temps rien du tout. On est comme piqué de folie.

Mais non, elle n’a pas le temps de le vivre, cet amour. Pas l’énergie. Elle n’en peut plus. C’en est trop. Ce n’est pas de cette vie, de cet amour, de ce jeu, de ce cache-cache, qu’elle veut. Non, elle n’a pas le temps de jouer comme ça, à ses jeux stupides. Elle n’en peut plus de ces interminables cache-cache : de le voir reculer à chaque fois qu’elle s’avance ; et de devoir faire pareil. Jeux stupides. Jeux stupides. Jeux stupides. Non, elle ne veut pas jouer à ses jeux stupides, à leurs jeux stupides. Il est stupide. Tout ça est stupide. Non, elle n’a pas le temps de jouer à ses jeux stupides. Elle n’en a plus envie. Non !

Ou alors oui ? Plus que jamais ? Plus que tout ?

Live de Janet Kay en 1979 (la reprise de Tricky en 2014 est en bas d’article) :

 

Paroles

I’ve been wanting you
For so long, it’s a shame
Oh, baby
Every time I hear your name
Oh, the pain
Boy, how it hurts me inside

‘Cause every time we meet
We play hide and seek
I’m wondering what I should do
Should I come up to you
And say, “How do you do?”
Would you turn me away

You’re as much to blame
‘Cause I know you feel the same
I can see it in your eyes
But I’ve got no time to live this love/lie
No, I’ve got no time to play your silly games
Silly games

Yet, in my mind I say
“If he makes his move today
I’ll just pretend to be shocked/shy”
Oh, baby
It’s a tragedy
That you hurt me
We don’t even try

You’re as much to blame
‘Cause I know you feel the same
I can see it in your eyes
But I’ve got no time to live this love
No, I’ve got no time to play your silly games
Silly games

Silly games
Silly games (No, don’t wanna play)
Silly games (Your silly)

No, I’ve got no time to play your silly games

No
Traduction

Je te veux
Depuis si longtemps, c’est une honte
Oh, bébé
A chaque fois que j’entends ton nom
Oh, la douleur
Mec, comme ça me blesse à l’intérieur

Parce qu’à chaque fois qu’on se rencontre
On joue à cache-cache
Je me demande ce que je devrais faire
Est-ce que je devrais, mon cher, venir vers toi
Et dire, « Comment ça va ? »
Est-ce que tu me rejetterais ?

Tu es tout autant à blâmer
Car je sais que tu ressens la même chose
Je peux le voir dans tes yeux
Mais je n’ai pas l’temps d’vivre cet amour/mensonge
Non, je n’ai pas le temps de jouer à tes jeux stupides
Jeux stupides

Et voilà que, quand j’y pense, je me dis :
« S’il fait un pas aujourd’hui
Je prétendrais juste être choquée/timide »
Oh, bébé
C’est une tragédie
Que tu me blesses
On n’a même pas essayé

Tu es autant à blâmer
Car je sais que tu ressens la même chose
Je peux le voir dans tes yeux
Mais je n’ai pas le temps de vivre cet amour
Non, je n’ai pas le temps de jouer à tes jeux stupides
Jeux stupides

Jeux stupides
Jeux stupides (non, je ne veux pas jouer)
Jeux stupides (tu es stupide)

Non, je n’ai pas le temps de jouer à tes jeux stupides

Non

*

Tricky, Adrian Taws (False Idols, 2014) :

1 Comment

  1. Mais pourquoi, pourquoi on veut toujours que les choses soient claires? Pourquoi Platon a voulu ça, soudain? Alors que ses prédecesseurs s’étaient très bien accommodés de l’ombre?

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