L’homme augmenté

Cyborg

EN NE SE FIANT QU’À CE QUI SE MONTRE – à ses yeux (les apparences) et à son esprit (les idées ou concepts) –, l’homme néglige l’indispensable ressource artistique cachée de la vie.

Au lieu d’être un artiste de la vie tragi-comique, il est un formaliste stérilisateur : un architecte idéaliste qui passe sa vie à dessiner des plans qu’il s’efforce de réaliser dans le sensible, – en écrasant par là les infinies possibilités, nuances et autres richesses inhérentes à la vie.

Nous l’avons vu : l’homme prend par là la place de l’ancien Dieu-architecte. Il ne se considère plus à partir d’une essence supérieure, divine, mais sous le signe de sa propre perfectibilité et malléabilité. C’est ce que les transhumanistes appellent l’advanced man, l’homme augmenté, comme on dit en français.

L’homme augmenté, c’est l’homme objectivé, mécanisé, qu’on ne soigne plus mais qu’on répare, comme on répare une automobile : l’homme sujet à des prothèses, des implants ; l’homme fabriqué, connecté dont on manipule jusqu’aux neurotransmetteurs.

*

Homme augmenté par Michysos
*

Concrètement, c’est tout homme à la merci des progrès technoscientifiques : aujourd’hui l’individu avec son iPhone rempli de mémoire et d’applications ; demain le porteur de google glasses. Prothèses pour l’heure encore détachables – même que celui qui se fait voler son iPhone a l’impression d’être amputé… –, mais qui deviennent de plus en plus invasives et intrusives, partie intégrante de l’être humain.

Il s’agit là bien sûr de progrès… formidables : car l’homme augmenté est à vrai dire un homme simplifié, qui fonctionne toujours davantage comme une machine, avec des automatismes, des mécanismes.

Exemples : en administrant de la ritaline à un enfant spécialement sensible, curieux, vivant – enfant hyperactif –, ou du modafinil à un individu sur la brèche, contraint à la perpétuelle fuite en avant, on booste certes leurs capacités de concentration, de mémorisation, de réalisations de tâches répétitives, mais on réduit en même temps ces individus à l’élémentaire de fonctions automatiques. On augmente leurs capacités, mais on diminue leur humanité : leur sensibilité esthétique, leur conscience, leur réflexion, leur sens critique, leur capacité de mettre les choses en perspective, de les partager, d’exprimer la vie, de jouer, de créer, etc. Tout cela est écrasé.

Sous l’influence des transhumanistes, on en vient à considérer tout ce qui distingue l’homme (des animaux et des machines) – à commencer par la conscience, la sensibilité, l’ouverture, le jeu –, comme autant de freins à la bonne évolution de la personne. Freins dangereux qu’il convient de supprimer à tout prix au profit des automatismes. Et l’homme devient une machine : une vis.

Allez, ne nous laissons pas simplifier par les diverses augmentations technoscientifiques. Ne nous laissons pas transformer en automate et valorisons partout les forces de vie artistiques.

*

Pour approfondir le sujet, lisez notamment Jean-Michel Bénier, Demain les posthumains (Pluriel, 2012) et L’homme simplifié (Fayard, 2012).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.