LA NOUVELLE A FAIT GRAND BRUIT : dans une série de mails, le coureur cycliste professionnel Floyd Landis a avoué s’être dopé, non sans égratigner au passage pas mal de beau monde. La NZZ (Neue Zürcher Zeitung) en dit plus long que nos médias romands. Sur Landis, sur Rhis, sur Armstrong, sur l’UCI, sur St. Moritz. Nous vous proposons la traduction rapide de l’article du 21 mai 2010.
Est-ce une volonté trop tardive de se faire pardonner ? Ou le désespoir face à l’absence de perspective dans son combat contre le dopage ? Quatre ans après avoir été convaincu de dopage à la testostérone suite à sa victoire dans le Tour de France, l’Américain de 34 ans Floyd Landis a avoué dans une série des mails à des représentants de fédérations ses longues années de pratique du dopage : EPO, transfusions sanguines et injection de testostérone, etc. Les mails sont datés du 30 avril au 6 mai 2010, le « Wall Street journal » en a proposé jeudi des extraits, repris le 21 mai par la NZZ.
Un mystère
Landis a menti quatre ans durant. Il a investi 2 millions de dollars dans son combat face aux juges. Il a tout perdu : sa famille, ses amis, et est ressorti brisé de la batille. En réapparaissant en 2008 dans le monde du sport après deux ans de suspension, il affirmait : « Il y en a qui voient le verre à moitié vide, d’autres à moitié plein. Moi, je ne vois même plus le verre. Toute la scène du vélo l’avait laissé tomber. Et le voilà qui vide son sac. Pourquoi seulement maintenant ? Doit-on d’abord tout perdre avant de pouvoir tout raconter ?
Landis est un mystère. Fils de Mennonites très pratiquants, son histoire est remplie de désespoir et de tragédie. Elle en appelle quasi à la pitié. Les choses doivent désormais changer : Landis a choisi un nouveau chemin. Il s’est mis à envoyer des mails remplis d’amertume. Mails qui sont davantage que des aveux personnels puisqu’ils dévoilent nombre de sordides histoires de dopage sur d’autres cyclistes professionnels. Landis raconte comment il a été introduit dans les secrets du dopage auprès de Johan Bruyneel en 2002. Bruyneel : le directeur sportif le plus titré de l’histoire du Tour de France, avec neuf victoires à son actif. Landis raconte comment, avec le septuple vainqueur du Tour Armstrong, le chouchou de Bruyneel, il s’est envolé à St. Moritz et s’est procuré de l’EPO auprès du Preparatore Michele Ferrari. Il raconte comment il s’est laissé prendre du sang ensuite stocké dans le frigo d’Armstrong. Outre Armstrong, il accuse aussi d’autres compatriotes tels Levi Leipheimer, George Hincapie et David Zabriskie, et avoue avoir été soutenu depuis 2005 dans sa pratique de dopage par Allen Lim. Lim est concerné par les Etats-Unis parce qu’il a, ces trois dernières années, travaillé pour Garmin. Garmin, l’équipe qui se proclame haut et fort contre le dopage. Depuis 2010, Lim travaille pour Radioshack – et par là de nouveau pour Armstrong et Bruyneel.
Pourquoi Landis déballe-t-il tout ? Il dit qu’il veut se défaire de son passé. « Il m’est clair que je n’ai quasi pas de preuves ». Un des mails envoyé est parvenu à la NZZ. Il y écrit qu’Armstrong lui aurait expliqué comment, lors de sa victoire au Tour de Suisse 2001, il a été testé positif à l’EPO. Comment alors, lui et Bruyneel, se sont envolés pour le siège central de l’Union Cycliste Internationale à Aigle et sont parvenus, contre de l’argent, à faire en sorte que le test disparaisse. Le Président de l’UCI était alors Hein Verbruggen.
Dans le même mail, Landis accuse aussi l’entrepreneur Andreas Rhis de complicité. Rhis, le patron de l’équipe Phonak, pour laquelle Landis courait dès 2005. En 2006, il a été fêté comme vainqueur du Tour de France, avant de se faire pincer peu après. De manière compliquée et mal orthographiée, il raconte : « Je me suis assis avec Rihs (Landis écrit Riis) et lui ai expliqué ce que j’avais fait par le passé et quels risques je courais en continuant à le faire. Je lui ai demandé son autorisation. Autorisation qu’il m’a donnée, ainsi que de l’argent pour que je puisse continuer les pratiques que je lui avais décrites. » John Lelangue, le manager, et Jim Ochowics (Landis écrit Ochowitz), le conseiller de Rhis auraient eux aussi été informés.
Quand, en 2006, Rhis a annoncé son retrait du monde cycliste, il disait que les cas de dopage de Phonak avaient été « une affaire individuelle ». Lorsque, en 2008, la NZZ s’est à nouveau entretenue avec lui, il a répété qu’il ne savait toujours pas ce qui s’était passé en 2006. Il voulait savoir la vérité, « mais Landis ne la lui avait jamais racontée ». Dans un communiqué envoyé jeudi, Rhis a rejeté les reproches qui lui étaient faite et a annoncé qu’il ne prendrait pour l’heure pas position. Au téléphone avec la NZZ, Rhis était calme : « C’est absurde. Landis continue simplement à mentir. Qu’il se soit dopé a été prouvé. A nous, il a dit qu’il était propre, ce qu’il a d’ailleurs mis par écrit. C’est dommage qu’il fasse ce qu’il fait. Ça n’apporte rien à personne, et à lui le moins. »
Ils ne peuvent rejeter ses affirmations
Qui ment ? Ou plutôt : qui ment le plus dans le monde de dupes du cyclisme ? La NZZ a interrogé trois cyclistes professionnels qui concouraient pour Phonak en 2006. Gregory Rast raconte : « Avec Landis, rien ne m’étonne. S’il le dit comme il le dit, ça doit être vrai. » Martin Elmiger : « Il est possible qu’il n’y avait pas que les cyclistes qui étaient au courant des pratiques de dopage. J’ai par la suite entendu des histoires dont nous autres jeunes Suisses n’avions aucune idée. » Un cycliste qui ne veut pas être dévoilé raconte : « Je ne peux pas m’imaginer que Rhis ne savait rien. Les gens lui ont sans doute dit que rien n’était possible sans dopage. » Rhis est aujourd’hui patron de l’équipe BMC, le rêve de victoire au Tour de France ne l’a pas lâché. Landis roule actuellement dans une équipe de troisième catégorie, lui non plus ne peut pas quitter le monde de la petite reine.
NZZ, le 21 mai 2010
Y a-t-il une raison que les choses aient changés ? Et que ce soit différent dans les autres sports ? Votre avis nous intéresse : laissez un commentaire !
Tout est pourri, je vous dis! Mais en mĂŞme temps une Ă©tape de montagne du Tour c’est beau Ă voir!
Oui c’est bien possible que tout soit un peu pourri, mais en mĂŞme temps c’est vrai que c’est beau. En plus tout ne tourne pas autour du dopage puisque « lui non plus ne peut quitter le monde de la petite reine »…
Merci pour la traduction!! Tu peux en faire tant que tu veux=)