CE WEEK-END, EN SE PROMENANT À LA MONTAGNE AVEC SES PARENTS, BBOUL EST TOMBÉ SUR DES TRUCS DE DINGUES. Des trucs de fous qui lui ont permis de comprendre quelque chose de très important : au fond, on n’a pas le droit d’être triste.
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– Tu sais, ce week-end, je n’ai pas été triste !
– Ah bon, ben bravo ! Comment tu as fait ? Qu’est-ce que tu as fait ce week-end ?
– Je suis allé me promener à la montagne avec mes parents.
– Et tu n’as pas été triste ? Moi c’est souvent justement quand je suis avec mes parents que je m’ennuie, que je préférerais être avec toi et repense à comme c’est bien quand on est les deux…
– Oui, moi aussi, au début, ça m’inquiétait un peu, surtout que c’était mon papa qui avait tout organisé. Je me disais que ça risquait d’être un long week-end. Et que j’allais de nouveau être bien triste de ne pas pouvoir être avec toi.
– Et alors comment ça se fait que tu n’aies pas été triste ?
– Eh bien parce que même si mon papa avait tout très bien programmé et qu’il nous a sans arrêt montré plein de choses qu’il trouve très intéressantes, moi j’ai vu des trucs de fous, des trucs de dingues.
– Ah ouais ? Quoi comme trucs de fous, comme trucs de dingues ?
– Bah des trucs qu’on ne peut pas vraiment raconter, en tout cas pas comme ce que mon papa nous a montré et qui est très précis : le nom des montagnes, leur altitude, la longueur des cols, le temps qu’il faut pour aller d’un endroit à l’autre, le prix de l’essence dans les stations service, etc. etc.
– Euh… oui mais bon, je m’en fiche moi de tout ça. Moi, ce qui m’intéresse, c’est tes trucs à toi, tes trucs de dingues qui t’ont permis de ne pas être triste… Allez, raconte !
– Le problème, comme je te l’ai dit, c’est qu’ils ne sont pas faciles à raconter. En plus, comme je te connais, je parie que tu vas les trouver bête mes trucs… Mes trucs de dingues, c’est… une cascade et une fourmilière.
– Ah ouais ? Une cascade et une fourmilière : de l’eau qui coule et des fourmis ? C’est grâce à une cascade et une fourmilière que tu n’as pas été triste, que tu m’as oublié, que tu nous as oubliés ?
– Mais pourquoi tu dis ça ?
– C’est toi qui dit ça : tu viens de dire que t’avais pas été triste à cause d’une cascade et d’une fourmilière !
– Mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas pensé à toi, qu’on n’a pas été ensemble !
– Euh… mais explique-toi !
– Ben, ce n’est pas que je t’ai oublié : j’ai simplement été pris par la cascade et les fourmis ! C’est plutôt bien non ?
– Pris par la cascade et les fourmis, ça veut dire quoi ça ?
– Ben… que je me suis senti comme elles !
– Tu t’es senti comme elles ? Euh… je m’excuse, mais moi, je n’ai pas trop l’impression d’être une cascade ou une fourmi…
– T’as vu, j’avais raison : je savais que tu allais trouver mes exemples bêtes. Ben oui, comme elles ! Je me suis senti comme elles. J’ai senti qu’au fond, on était la même chose. Et ça m’a permis de comprendre quelque chose de très important.
– Ah ouais, et ça t’as permis de comprendre quoi de très important ?
– Que je n’avais pas le droit d’être triste !
– Pas le droit d’être triste ?
– Oui, parce que les fourmis et les cascades, elles, elles ne sont jamais tristes. Et que nous, si on est comme elles, on n’a pas non plus le droit d’être tristes.
– Et qu’est-ce qui te fait dire qu’elles ne sont pas tristes, les cascades et les fourmis ? Tu leur as parlé ou bien ?
– Ce n’est pas que je leur ai parlé, je l’ai senti, c’est tout. C’est vrai, non, elles ne sont jamais tristes, les cascades et les fourmis ?
– Euh… je m’excuse mais j’ai un peu de peine à comprendre, là.
– Il suffit de les regarder à fond. Et de regarder tout ce qui nous entoure ! En fait, il n’y a que les gens qui sont tristes. Sinon il n’y a rien de triste ! Regarde les plantes, les animaux, les nuages, même les étoiles !
– Tu crois ? Mais pourquoi alors est-ce que les gens seraient tristes ?
– Mais parce que, contrairement aux gens, qui n’arrêtent pas de se poser un tas de questions, de réfléchir, de calculer, de prévoir et d’espérer mille choses, le monde se donne toujours à fond, fait toujours le maximum. Parce que les choses du monde prennent toujours ce qui vient ; qu’elles font ce qu’elles peuvent avec ce qui vient ; qu’elles sont contentes de ce qui vient et de ce qu’elles peuvent faire avec, non ?
– C’est dingue, ça ! Peut-être bien que tu as raison. Donc, si j’ai bien compris, pour ne pas être triste, il faut faire comme la cascade, comme la fourmi et comme toutes les choses : simplement faire ce qu’on a à faire !
– Exactement ! T’as tout compris ! C’est fou, non ?
– Euh, oui, c’est fou, mais… qu’est-ce qu’on a à faire, nous ?
– Ben t’es bête ou quoi ? Notre maximum !
– Euh ouais d’accord, mais notre maximum pour quoi ?
– Mais pour vivre les choses ! Pour les sentir, les accompagner, les prolonger, les transmettre, les partager, les faire danser, les faire rigoler !
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