POUR DEVENIR QUELQUE CHOSE, il faut être dur. Dur vis-à-vis de soi-même – et dur vis-à-vis des autres. Sans dureté, on se fait chahuter : on court au plus pressé, au plus facile, au plus agréable, au minimum d’effort – pour un maximum de bêtise.
Au lieu de s’élever dans les hauteurs, au lieu de se surpasser, d’être au-dessus de ses états – et de l’état du monde –, on est guidé par les forces d’un système qui cherche à faire de nous des esclaves, de notre esprit et de nos sens.
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Ma dureté
Je dois m’élever de cent marches,
Je dois aller là-haut et je vous entends appeler :
« Tu es dur ; sommes-nous donc de pierre ? » –
Je dois m’élever de cent marches,
Et personne ne voudrait être marche.
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Meine Härte
Ich muss weg über hundert Stufen,
Ich muss empor und hör euch rufen:
« Hart bist du; Sind wir denn von Stein? »—
Ich muss weg über hundert Stufen,
Und Niemand möchte Stufe sein.
Nietzsche, Le gai savoir, « Plaisanterie, ruse et vengeance », 26.