Si jamais jâai Ă©tĂ© inspirĂ© par les forces de vie⊠Si jamais un souffle mâest venu du grand souffle crĂ©ateur de toute chose⊠Si jamais jâai Ă©tĂ© portĂ© par cette nĂ©cessitĂ© cĂ©leste qui force tout ce qui est Ă ĂȘtre ce quâil est, cette puissance qui façonne le monde, qui force les hasards eux-mĂȘmes Ă danser des rondes dâĂ©toiles, câest-Ă -dire Ă sâinscrire dans la cohĂ©rence musicale et cyclique du tout tragi-comique du mondeâŠ
Si jamais jâai Ă©clatĂ© de rire pour rĂ©tablir lâĂ©quilibre dans le monde⊠Si jamais, prĂȘt Ă se dĂ©charger, le sombre nuage que je suis a ri en foudroyants Ă©clairs de rires crĂ©ateurs pour Ă©clairer les hommes de la lumiĂšre de lâavenir⊠Si jâai par lĂ , Ă grands coups de rayons lumineux libĂ©rateurs, affirmateurs et prophĂ©tiques, dĂ©clenchĂ© un long et grondant tonnerre dâaction⊠Si jâai par lĂ mis en branle et fait obĂ©ir la productivitĂ© de la vie elle-mĂȘmeâŠ
Si jamais jâai jouĂ© aux dĂ©s avec des dieux⊠Si jamais, assis Ă leur table de jeu quâest la terre et, jâai jouĂ© avec eux au jeu de la vie et de la mort⊠Si jamais jâai, avec eux, fait trembler la terre au point quâelle se brise et fasse Ă©cumer des fleuves de feu Ă partir des profondeurs cachĂ©esâŠ
â Car la terre nâest rien dâautre que ça : une table de jeu des dieux ; une table oĂč les dieux jouent aux dĂ©s ; une table qui frissonne, qui tremble face aux nouveaux mots crĂ©ateurs et coups de dĂ©s des dieux â
Si jâai Ă©tĂ© inspirĂ© et portĂ© comme ça, si jâai Ă©clatĂ© et jouĂ© de la sorte, avec toutes les consĂ©quences que ça implique, ĂŽ comment pourrais-je ne pas ĂȘtre dĂ©sireux dâĂ©ternitĂ©, sensuellement, sexuellement attirĂ© par le nuptial anneau des anneaux, lâanneau de lâĂ©ternel retour du mĂȘme ?
Jâai beau avoir cherchĂ©, jamais je nâai trouvĂ© la femme avec qui je voulais faire des enfants ; jamais je nâai aimĂ© de femme au point de vouloir, avec elle, perpĂ©tuer mon genre et faire des enfants ; ne serait-ceâŠ, ne serait-ce avec cette seule femme que jâaime de fond en comble : lâĂ©ternitĂ©. Il nây a quâavec elle, quâavec lâĂ©ternitĂ© et pour lâĂ©ternitĂ© que je veux faire des enfants, que je veux perpĂ©tuer mon genre et donner naissance Ă de beaux enfants, de beaux enfants remplis de force, de maĂźtrise et de joie. Car je tâaime, ĂŽ Ă©ternité ! Et avec toi et pour toi je veux tout faire ; avec toi et pour toi je veux produire le meilleur, avec toi et pour toi je veux avancer en direction du surhomme, je veux contribuer Ă la naissance du surhomme !
Car je tâaime, ĂŽ Ă©ternité !
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Traduction littérale
3.
Si jamais un souffle est venu Ă moi du souffle crĂ©ateur et de cette nĂ©cessitĂ© cĂ©leste qui force encore les hasards Ă danser des rondes dâĂ©toiles :
si jamais jâai ri avec le rire de lâĂ©clair crĂ©ateur que suit en grondant mais en obĂ©issant le long tonnerre de lâaction :
si jamais jâai jouĂ© aux dĂ©s avec des dieux Ă la table des dieux de la terre, de sorte que la terre tremble et se brise et Ă©cume des fleuves de feu des profondeurs : â
â car la terre est une table des dieux, et tremblante de nouveaux mots crĂ©ateurs et de coups de dĂ©s de dieux : â
ĂŽ comment ne devrais-je pas ĂȘtre dĂ©sireux dâĂ©ternitĂ© et du nuptial anneau des anneaux, â lâanneau du retour ?
Jamais encore je nâai trouvĂ© la femme dont je voudrais des enfants, ne serait-ce cette femme que jâaime : car je tâaime, ĂŽ Ă©ternité !
Car je tâaime, ĂŽ Ă©ternité !
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Il sâagit ci-dessus de la troisiĂšme partie « Des sept sceaux » (seiziĂšme chapitre) de la « TroisiĂšme partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement rĂ©investi (en haut) et traduction littĂ©rale (en bas). Les prĂ©cĂ©dents chapitres et parties se trouvent ici.