LE MOT « ART » VIENT DU LATIN ARS, traduction du grec technè, technè poiètikè qu’on traduit généralement par savoir-faire : prise en compte d’une certaine image ou idée (dont on a un savoir), en vue de sa production (faire) dans une certaine matérialité sensible.
Toute œuvre d’art est le fruit d’une telle pro-duction, au sens de la conduite (ducere) à (pro) la présence manifeste.
La question est évidemment de savoir quelles images ou idées l’artiste prend en compte lors de sa production. Or celles-ci peuvent être de deux ordres : sensible ou non sensible.
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Art – savoir faire par Michysos
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1.
Soit, dans sa production, l’artiste prend en compte des images de la réalité sensible : un paysage, un corps, un chalet à la montagne, etc. Réalité sensible qu’il va reprendre et mettre en évidence (mimèsis), le plus souvent pour en faire ressortir la beauté.
Ce qui donne un art qui peut certes être très joli, très agréable, mais à vrai dire superficiel et donc sans grand intérêt.
2.
Deuxième possibilité : l’artiste prend en compte des images ou idées imaginées dans son esprit. Images ou idées qui peuvent elles aussi être de deux ordres : provenir seulement d’en haut (la tête), ou aussi d’en bas (le corps).
2. a)
Si elles proviennent uniquement d’en haut, de la seule pensée (rationnelle-morale, idéaliste), l’artiste, loin de prendre en compte une réalité sensible, met en évidence ses seules idées, abstraites du sensible – et donc séparées de la réalité.
C’est là peut-être un artiste très intéressant, mais en même temps dangereux. Dangereux parce que, au lieu de valoriser ce qui se joue (se montre, se cache, apparaît, disparaît…) dans la vie ici et maintenant, cet artiste ne fait que mettre en scène ses seules idées, qui ont de grandes chances de mettre en péril le bon équilibre de la vie.
2. b)
Mais il est aussi possible que l’imagination de l’artiste ne provienne pas seulement d’en-haut, mais également d’en bas ; qu’elle intègre tous les sens, et pas seulement la vue et l’intelligence rationnelle. Cet artiste-là reprend et met en évidence – autrement dit accompagne productivement – non seulement la réalité sensible (1.), ou ses seules idées (2. a)), mais le mouvement tout entier de la vie d’apparaître à partir des profondeurs cachées et de la mort, tel qu’il se joue dans sa personne.
Or c’est là à vrai dire le seul artiste valable : non pas un artiste d’hôpital, de divertissement, ou de simples fantasmes, mais un artiste de la vie tragique, capable, par ses œuvres, de guider les hommes dans leur existence, du fait qu’il est au service des surpuissantes énergies de vie qui le traversent de fond en comble…
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Allez qu’on se le dise : soyons nous aussi de véritables artistes de la vie – et non des seules idées !