To be, or not to be, that is the question : être ou ne pas être, telle est la question, la question que se pose Hamlet (personnage de Shakespeare) après avoir jeté son regard dans le tréfonds de l’existence, après avoir reconnu qu’il ne pouvait rien changer à la malhonnêteté des gens et à l’immoralité du monde. Voilà la question qu’il se pose après avoir pris conscience que tout est vain, que toute action est inutile, qu’il ne parviendrait pas réordonner un monde sorti de ses gonds.
La connaissance vraie des choses que possède Hamlet – après avoir entendu le fantôme de son père lui raconter comment il est mort – l’empêche d’agir. La reconnaissance de la sagesse de Silène tue en lui toute volonté d’action, toute propension à l’engagement qui le caractérisait auparavant.
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To be or not to be par Michysos
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Pourquoi ? Parce que toute action exige qu’on croie à quelque chose, exige qu’on se voile dans l’illusion, voilà la terrible leçon que nous donne Hamlet après avoir reconnu que l’existence est, au fond, tellement marquée par la souffrance et finalement par la mort qu’il serait préférable de ne pas même être né, de ne pas être – et de mourir sous peu.
To be or not to be ? Etre ou ne pas être ? Telle est la question à laquelle est confronté celui qui se met à penser sa vie sans se voiler la face, celui qui se met à interroger les choses de la vie sans se dissimuler leur fond tragique, c’est-à-dire l’inexorable et insupportable douleur et mort qui gronde toujours et partout.
Et pourtant, malgré son constat tragique, Hamlet choisit l’être plutôt que le non-être. Hamlet choisit de vivre quand même. Pourquoi ? La réponse est simple : parce qu’il n’a pas le courage de mourir, parce qu’il a peur de la mort. Ce qui le retient de quitter l’existence est l’angoisse, l’angoisse de se retrouver ballotté, chahuté une fois la mort dans des malheurs et des souffrances pires encore que celles inhérentes à la vie, de sombrer dans un monde de rêves et de tourments infinis, et donc plus terribles encore.
Or c’est là, à ce stade, suite à la prise de décision de rester en vie, qu’entre en jeu chez Hamlet la dimension artistique, esthétique oubliée de à l’existence ; dimension écrasée, noyée dans le sérieux de la pensée de la vie. C’est là qu’entre en jeu l’art qui, tel un magicien, sauve et guérit.
Seul l’art en effet, par les belles apparences, les fictions qu’il génère, les agréables illusions, les mille et une idées fleuries – de calme, de stabilité, de bonheur, d’amour, etc. – qu’il produit, permet de surmonter l’épineuse réalité tragique ; et de rendre la vie possible et digne d’être vécue.
Et voilà que Hamlet se met à simuler la folie, se met à jouer au fou. Et voilà que Hamlet s’ouvre à son ultime possibilité d’action et de création. En jouant celui qui a perdu la raison, en se faisant passer pour aliéné, il parvient à surmonter la sagesse de Silène, et par maints côtés à amorcer la réordonnance du monde sorti de ses gonds.
To be, or not to be, that is the question : être ou ne pas être, telle est la question. Et voici la réponse : oui, il s’agit d’être, de vivre ; d’être, de vivre toute la dimension artistique, créatrice qui nous est propre.
Vous trouverez le texte de la fameuse tirade d’Hamlet (Kenneth Branagh) et quelques commentaires ici.
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Un jeudi sur deux, le Dr. Ludovic MietZsche (GRE/CHN/FRA/GER/GBR/USA) vous rappelle quelques fondamentaux de la philosophie traditionnelle. Non sans dévoiler en même temps, dans les plis et replis négligés par notre vision idéaliste, quantité de perspectives cachées.