A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme – à ne pas confondre avec la journée de la femme, ou des femmes -, PHUSIS vous invite à relire les passages ci-dessous du « Crépuscule de la déesse ? » de Romain Gary.
« C’est là un état de chose en vérité fort curieux : tandis que toutes les autres formes de création artistique – littérature, peinture, cinéma – fleurissent comme jamais auparavant, le plus grand médium créatif de toutes, la Femme, a été totalement exclu du champ de l’imagination et réduit à une sorte de sordide réalité. […]
Sans doute les femmes en sont-elles partiellement responsables, quand elles se sont lancées dans le plus autodestructeur des combats, la lutte pour les mêmes droits et la même place que les hommes. Un des plus étranges aspects de l’histoire sociale moderne est que ce ne sont pas les hommes qui, par la forme, ont traîtreusement imposé l’égalité aux femmes. Ce sont les femmes elles-mêmes, à commencer par les suffragettes, qui ont combattu des années durant pour abandonner leur position de déesse et sombrer au niveau de leurs anciens esclaves. Aucun homme civilisé n’a jamais considéré une femme comme son égal […].
Oui, c’est largement la faute des femmes. Avec trente ans de légendes et de poésies derrière elles, les voici qui s’abaissent soudain à devenir nos égales. […]
J’implore ici mes compères de voler à la rescousse de notre foi séculaire dans la supériorité des femmes. Maintenue à leur place, dis-je, elles ne savaient pas ce qui est bon pour elles. Elles tombent dans le plus affreux des pièges, le piège de la démocratie. Tout cela n’est que propagande. Disons-leur qu’elles sont encore ce qu’elles ont toujours été : des créatures poétiques, mi-réelles, mi-imaginaires, qui pourvoient aux désirs ardents de nos âmes, qui ne peuvent descendre sur terre que brièvement, faire la cuisine ou la lessive, assumer leur part du budget familial. On peut plaider que les femmes ne sauraient tenir cette position, et être tout à la fois nos déesses et nos soutiens de famille ; mais c’est l’un de ces morceaux typiques de logique masculine que l’autre sexe doit éviter car ce genre d’approche ne pourrait que les priver de leur supériorité […]. »
Romain Gary, « Crépuscule de la déesse ? », in : L’affaire homme, Paris, Galilmard.
Ainsi, cultiver le mystère, pour une femme? Et pour un homme, essayer de le percer? Ca serait ça, le jeu hommes-femmes?
Autre question: sur le plan social, on est d’accord que c’est normal que les femmes aient droit au même salaire que les hommes, etc. etc.?
Marguerite Yourcenar, sur la condition féminine et le féminisme :
– https://www.youtube.com/watch?v=F0N3EofaqkM (1/3)
– https://www.youtube.com/watch?v=EH70vjRo1OQ (2/3)
– https://www.youtube.com/watch?v=-jAOK0vdoUE (3/3)
La plus belle chose qu’hommes et femmes pourraient avoir à parts égales, c’est l’otium. Cette chose qui nous manque dans un monde où l’idée du travail (de la torture, pour traduire directement le terme du latin), de l’accomplissement professionnel le plus philistin, a corrompu très largement les esprits. Cela, plus l’idée de « loisir divertissant », qui a lui aussi corrompu les esprits parce que le « loisir cultivé » serait « prise de tête » et ne permettrait pas au cerveau de se reposer après une dure journée de labeur… J’en ai des frissons d’horreur rien que d’y penser. Que l’on soit homme ou femme, dans le négoce ou au foyer, cela au fond n’importe pas autant que le fait que l’on ne peut obtenir l’indépendance spirituelle que par l’otium, auquel notre société gavée d’obsessions toutes philistines nous interdit presque, pour ne pas dire quasiment, de goûter.
Une femme au foyer qui s’adonne à l’otium quand elle a le temps est éminemment plus respectable pour moi qu’une femme carriériste et philistine. Inversement : une femme au foyer qui se gave de télé-poubelle durant son temps libre est autrement moins respectable qu’une femme qui travaille à l’extérieur (parce que s’occuper de l’intérieur reste un travail) et qui s’adonne à l’otium quand elle le peut.
Il n’y a que dans l’otium que les esprits et les corps, masculins comme féminins, puissent atteindre l’androgynie. Et, aux femmes qui s’abêtissent en s’adonnant à la pseudo-littérature pour midinettes dont nous avons eu quelques pitoyables exemples ces dernières années – quelle que soit leur situation sociale -, je conseillerais bien plutôt de lire l’oeuvre de Mme Yourcenar. Enfin, s’abêtir est aussi un droit que je respecte… mais seulement quand il est conscient.