SOMBRE NOUVELLE | Le poète et traducteur vaudois Philippe Jaccottet, né le 30 juin 1925 à Moudon, est mort le 24 février 2021 dans la Drôme.
Entre 1946 et 1953, il se fraie un chemin à Paris, rencontre les plus grands, mais ces derniers le troublent, tant ils disent « un jour une chose, le lendemain le contraire ». Il se retire alors à Grignan, dans la Drôme, où il se plonge, pendant les près de 70 ans qu’il lui reste à vivre, dans sa profonde ignorance et discrétion, pour creuser et partager toujours plus modestement, plus imperceptiblement, sa quête de sens au plus près de l’immédiateté de la vie.
A la réception de son premier prix, le Prix Rambert, en 1941, à 16 ans, à Lausanne, le jeune poète plein de doutes se demande : « Comment ne pas être hésitant quand on a conscience avec acuité de l’incertitude extrême et de la ridicule fragilité des seules choses que l’on ait à dire ? »
A l’autre bout de son chemin, alors qu’il est devenu le plus grand poète vivant de langue française du XXe siècle, il conclut, lors de la réception d’un prix en Allemagne, loin de la prolifération et de l’arasement orgueilleux des livres, des images, des paroles, des faits et des gestes : « Il n’y a pas de quoi pavoiser ».
Tout s’éloigne et à quelle distance
ou serait-ce moi qui vous quitte
sans avoir l’air de faire un pas ?
Seuls sont proches les ennemis,
toujours plus proches à mesure
que les choses perdent leur poids.
(Eléments d’un songe, 22, Gallimard 1961)
Philippe Jaccottet est mort, mais son œuvre plus vivante que jamais.