Dans son petit livre Quand la maison brûle, publié en italien en 2020 et récemment en français chez Payot & Rivages (traduction Léo Texier), le philosophe Giorgio Agamben se demande : que faire quand la civilisation s’effondre ? « Il faut continuer comme toujours, à tout faire avec précision et soin, peut-être de façon plus studieuse encore… » Continuer à faire jaillir les forces de vie, de partage, de vérité que portent la langue, la poésie, la philosophie, les visages. Premiers paragraphes du livre ci-dessous.
Giorgio Agamben est un des plus grands philosophes politiques de notre temps. Il est reconnu depuis plus d’un demi-siècle dans le monde entier pour ses travaux, notamment en biopolitique. Son œuvre principale consiste en une grande trilogie, Homo Sacer, cœur d’ouvrages divers, plus accessibles. Pour le qualifier d’une seule expression, Agamben est le penseur des « formes de vie » : de la « vie nue » (zoè), strictement pragmatique, quantitative, chiffrée, aujourd’hui protégée et contrôlée à tout prix, aux dépens du bios, la vie qualitative, sensible, intellectuelle, spirituelle, sociale, affective, politique. Il est aussi grand théoricien de l’Etat d’exception : de l’écrasement mécanique, historique et contemporain, de l’Etat de droit par le contrôle généralisé et sans limites de la vie nue.
Depuis le début de la crise, Agamben s’engage à la mettre en lumière en regard de la pensée et de l’histoire occidentale. Non sans pointer des similitudes entre l’instauration et la normalisation actuelle de l’Etat d’exception sanitaire avec l’Etat d’exception initié par Hitler à son arrivée au pouvoir en 1933 en Allemagne. En avril 2020, Agamben alertait qu’un seuil avait, par les mesures prises, été franchi dans nos démocraties libérales entre humanité et barbarie (commentaire pour la NZZ traduit de l’allemand par PHUSIS : « Un pays, une culture est en train d’imploser et personne ne semble s’en inquiéter »). La semaine dernière, choqué par l’intervention d’Agamben sur ce qui est en train de se tramer dans une vidéo postée début décembre, le journaliste Andreas Tobler a écarté d’un coup de balais le philosophe dans le Tages Anzeiger et tous les journaux suisses-allemands du groupe Tamedia. Il relève que « le philosophe italien Giorgio Agamben compte parmi les penseurs contemporains les plus importants », mais considère que par son analyse de la crise du Covid, « le voilà qui s’est rendu complètement impossible ». Inquiétant.
Le texte ci-dessous est le début du petit livre d’Agamben Quand la maison brûle, traduction Léo Texier, Payot & Rivages, 2021. Que faire quand la maison brûle ? « Il faut continuer comme toujours, à tout faire avec précision et soin, peut-être de façon plus studieuse encore… » Continuer à faire jaillir les forces de vie, de partage, de vérité que portent la langue, la poésie, la philosophie, les visages.
*
« Rien de ce que je fais n’a de sens, si la maison brûle. » Pourtant, alors que la maison brûle, il faut continuer comme toujours, à tout faire avec précision et soin, peut-être de façon encore plus studieuse encore – même si personne ne devait s’en rendre compte. Il peut arriver que la vie disparaisse sur Terre, que plus aucune mémoire ne demeure de ce qui a été fait, ni du bien, ni du mal. Mais toi, continue comme avant ; il est trop tard pour changer, il n’y a plus de temps.
« Ce qui se passe autour de toi / n’est plus ton affaire. » Comme la géographie d’un pays que tu dois quitter pour toujours. De quelle façon, cependant, te concerne-t-il encore ? Maintenant précisément que ce n’est plus ton affaire, que tout semble fini, chaque chose et chaque lieu montrent leurs plus vrais visages, ils te touchent, d’une certaine façon, de plus près – tels qu’ils sont : splendeur et misère.
La philosophie, langue morte. « La langue des poètes est toujours une langue morte […] c’est curieux à se dire : une langue morte qui sert à donner plus de vie à la pensée. » Peut-être non pas une langue morte, mais un dialecte. Que philosophie et poésie parlent dans une langue qui est plus et moins qu’une langue, cela donne la mesure de leur rang, de leur vitalité particulière. Peser, juger le monde à l’aune d’un dialecte, d’une langue morte et, néanmoins, jaillissante, où il n’y a pas même à changer une virgule. Continue à parler ce dialecte, maintenant que la maison brûle.
Quelle est cette maison qui brûle ? Le pays où tu vis ou bien l’Europe, ou encore le monde entier ? Peut-être les maisons et les villes ont-elles déjà brûlé, depuis on ne sait combien de temps, dans un unique et immense brasier que nous avons feint de ne pas voir. De certaines il ne reste que quelques bouts de cloisons, de murs peints à fresque, un pan de toiture, des noms, des noms innombrables, déjà attaqués par le feu. Nous les recouvrons néanmoins si minutieusement de plâtres blancs et de mots trompeurs qu’ils semblent intacts. Nous vivons dans des maisons, des villes consumées de fond en comble comme si elles tenaient encore debout. Les gens feignent d’y habiter et sortent dans la rue masqués parmi les ruines comme s’il s’agissait encore des quartiers familiers d’autrefois.
Aujourd’hui la flamme a changé de forme et de nature, elle s’est faite digitale, invisible et froide, mais par là aussi justement toujours plus proche ; elle rôde et nous encercle à chaque instant.
Qu’une civilisation – une barbarie – sombre pour ne pas se relever, cela est déjà survenu et les historiens sont habitués à marquer et dater les ruptures et les naufrages. Mais comment témoigner d’un monde qui va vers sa ruine les yeux bandés et le visage couvert, d’une république qui s’effondre sans lucidité ni fierté, dans l’abjection et la peur ? Leur aveuglement est d’autant plus désespéré que les naufragés prétendent gouverner leur propre naufrage, ils jurent que tout peut être tenu techniquement sous contrôle, qu’il n’y a besoin ni d’un nouveau dieu ni d’un nouveau ciel – mais seulement d’interdits, d’experts et de médecins. Panique et escroquerie.
C’est en 1956 que le philosophe juif Allemand Günther Anders écrivit cette réflexion prémonitoire :
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente.
Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées.
Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées…
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique le niveau & la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter.
Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste..… que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissant, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif.
On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s’interroger, penser, réfléchir.
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains.
Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.
Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur (qu’il faudra entretenir) sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions matérielles nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un produit, un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau.
Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité, son esprit critique est bon socialement, ce qui risquerait de l’éveiller doit être combattu, ridiculisé, étouffé…
Toute doctrine remettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels »
Günther Anders « L’obsolescence de l’homme » 1956. Ici en photo avec sa première femme Hannah Arendt.
LA LIBERTÉ DE PENSER ET LES MENSONGES DE NOTRE ÉPOQUE
De Rudolf Steiner ( 1916 )
Philosophie spirituelle.
Il ne faudra pas attendre longtemps après l’an 2000 pour que l’humanité ait à vivre des choses fort étranges qui se préparent déjà lentement.
La plus grande partie de l’humanité sera sous l’influence de l’ouest.
Les prémices idéalistes que nous percevons déjà sont bien sympathiques en comparaison de ce qui vient.
On verra apparaître, venant d’Amérique, une sorte d’interdiction de penser, non pas directe mais indirecte; une loi qui aura pour but de réprimer tout penser individuel.
LA CHUTE DES ESPRITS DES TÉNÈBRES
De Rudolf Steiner ( 1917)
Dans l’avenir, nous éliminerons
L’ÂME avec la médecine grâce à des vaccins
qui supprimeront la conscience spirituelle.
Sous le prétexte d’un point de vue de santë, il y aura un vaccin par lequel
le corps humain sera traité dès que possible
directement a la naissance, afin que l’ëtre
humain ne puisse pas développer la pensée
de l’existence de L’ÂME et de L’ESPRIT (et ainsi
les éloigner de la conscience de l’existence du
créateur)
– Rudolf Steiner (1861-1925) –
⁰
Cette situation est à mettre en parallèle avec
une autre prophétie bien connue, celle du
Maitre Peter Deunov, que vous pouvez lire ici:
prophe_tie_de_Peter_Deunov