Posts par categorie

Pensées athlétiques

Époque romantique, aussi en sport

À PROPOS DU DÉBAT SUR L’ATTRACTIVITÉ DU TOUR DE FRANCE La chaîne de Schleck qui coince, Contador qui en profite pour placer une attaque plus ou moins décisive, qui lui offre en tout cas le maillot jaune et un bel avantage psychologique. C’est à peu de choses près ce problème technique qui a été la grande star du Tour 2010. Suite à quelques premières journées turbulentes, le spectacle a ensuite manqué. Le niveau quasi identique de Schleck et de Contador avait beau être gage de suspens, il n’a pas engendré les flamboyants duels escomptés. Schleck s’est montré moins entreprenant en course que ce qu’il laissait entendre à l’interview. Au point que les critiques n’ont pas tardé à observer chez lui un manque de courage et d’esprit d’initiative. Non sans que reste un peu floue, chez ces mêmes gens à l’esprit tout pur, la double exigence d’un sport en même temps propre et attractif – l’attractivité ne devant pas forcément reposer sur la tricherie. Qu’on se souvienne de l’événement cycliste le plus spectaculaire de ces dernières années : l’échappée solitaire de Landis en 2006. Echappée belle et longue de plusieurs cols qui s’est terminée… par un contrôle positif. La manière dont on exige que le cyclisme soit divertissant est peut-être aussi une affaire de génération, comme le montre notamment la grande figure de la petite reine qu’est Fignon. Le double vainqueur du Tour dans les années huitante, désormais spécialiste TV, n’a pas arrêté avec les « c’est nul », de préférence en pointant les professionnels français. Amers, ceux-ci, se plaignent que Fignon les prend « depuis des années pour des cons » (citation de Chavanel). Tout porte à croire que la volonté de plus de spectacle soit une affaire d’époque. Le même débat était en effet aussi à l’ordre du jour un peu partout dans le monde pendant le Mondial de foot. Netzer, autre spécialiste TV, affirmait ne pas vouloir s’habituer à commenter du foot sobre, ajoutant qu’il voulait à tout prix « rester romantique ». Les joueurs, eux, ne cessaient de parler de la complexité de leur sport. Au point que le futur champion du monde Xavi disait vivre des CM tout différents que les journalistes. Il est bien possible que nous vivons dans une époque assoiffée de divertissement, une époque romantique.

Reprise d’un article de Benjamin Steffen dans la NZZ du 26 juillet 2010

*** Selon Hegel, le romantisme est une « fuite vers l’idéal » : refus du monde réel au profit d’un monde idéal. D’un monde qui correspond à l’idée qu’on se fait du monde parfait, à la manière dont on voudrait que soit le monde. Sans souffrance, sans ennui, tout de plaisir et de divertissement : un paradis terrestre. Un crime contre la phusis.
Read More

L’athlétisme, les diamants et nous

Diamond League-Guillaume Chronique de Guillaume Laurent Comme chaque année, en juillet, se déroule à Lausanne ATHLETISSIMA : le meeting de tous les superlatifs. Meeting désormais fièrement membre de la prestigieuse Diamond League. Comme chaque année, les gentils organisateurs sont obligés de mettre le paquet pour faire venir les meilleurs athlètes du monde sur le Stade olympique de la Pontaise. Comme chaque année, ça leur coûte très cher. Donc ils sont obligés de faire venir beaucoup de personnes très importantes et très riches, d’accord de mettre le paquet pour être elles aussi dans le Stade olympique de la Pontaise. Comme cette année, le meeting est désormais fièrement membre de la prestigieuse Diamond League, il faut qu’il y ait plus de personnes très importantes et très riches qui mettent un plus gros paquet encore que les autres années. Ce qui n’est pas sans conséquences. Pour que de plus en plus de personnes très importantes et très riches soient d’accord de mettre un plus gros paquet encore que ces dernières années, il faut que les gentils organisateurs fassent briller le stade comme un diamant et offrent aux personnes très importantes et très riches de brillantes prestations : une plateforme en diamant, des petits-fours servis sur des plateaux de diamant, des flûtes de champagne dans des verres en diamant, etc. Bref : tout le stade ne doit être plus qu’un immense diamant. Sinon les personnes très importantes et très riches ne viendraient tout simplement pas. Cette année, il y en a tellement, de personnes très importantes et très riches, qu’il n’y a quasi plus de places dans le stade pour les personnes pas du tout importantes et pas du tout riches qui simplement aiment l’athlétisme et veulent venir dans le stade pour mettre l'ambiance. Vivent les diamants !
Read More

Dopage | Landis vide son sac

LA NOUVELLE A FAIT GRAND BRUIT : dans une série de mails, le coureur cycliste professionnel Floyd Landis a avoué s’être dopé, non sans égratigner au passage pas mal de beau monde. La NZZ (Neue Zürcher Zeitung) en dit plus long que nos médias romands. Sur Landis, sur Rhis, sur Armstrong, sur l’UCI, sur St. Moritz. Nous vous proposons la traduction rapide de l’article du 21 mai 2010. Est-ce une volonté trop tardive de se faire pardonner ? Ou le désespoir face à l’absence de perspective dans son combat contre le dopage ? Quatre ans après avoir été convaincu de dopage à la testostérone suite à sa victoire dans le Tour de France, l’Américain de 34 ans Floyd Landis a avoué dans une série des mails à des représentants de fédérations ses longues années de pratique du dopage : EPO, transfusions sanguines et injection de testostérone, etc. Les mails sont datés du 30 avril au 6 mai 2010, le « Wall Street journal » en a proposé jeudi des extraits, repris le 21 mai par la NZZ. Un mystère Landis a menti quatre ans durant. Il a investi 2 millions de dollars dans son combat face aux juges. Il a tout perdu : sa famille, ses amis, et est ressorti brisé de la batille. En réapparaissant en 2008 dans le monde du sport après deux ans de suspension, il affirmait : « Il y en a qui voient le verre à moitié vide, d’autres à moitié plein. Moi, je ne vois même plus le verre. Toute la scène du vélo l’avait laissé tomber. Et le voilà qui vide son sac. Pourquoi seulement maintenant ? Doit-on d’abord tout perdre avant de pouvoir tout raconter ? Landis est un mystère. Fils de Mennonites très pratiquants, son histoire est remplie de désespoir et de tragédie. Elle en appelle quasi à la pitié. Les choses doivent désormais changer : Landis a choisi un nouveau chemin. Il s’est mis à envoyer des mails remplis d’amertume. Mails qui sont davantage que des aveux personnels puisqu’ils dévoilent nombre de sordides histoires de dopage sur d’autres cyclistes professionnels. Landis raconte comment il a été introduit dans les secrets du dopage auprès de Johan Bruyneel en 2002. Bruyneel : le directeur sportif le plus titré de l’histoire du Tour de France, avec neuf victoires à son actif. Landis raconte comment, avec le septuple vainqueur du Tour Armstrong, le chouchou de Bruyneel, il s’est envolé à St. Moritz et s’est procuré de l’EPO auprès du Preparatore Michele Ferrari. Il raconte comment il s’est laissé prendre du sang ensuite stocké dans le frigo d’Armstrong. Outre Armstrong, il accuse aussi d’autres compatriotes tels Levi Leipheimer, George Hincapie et David Zabriskie, et avoue avoir été soutenu depuis 2005 dans sa pratique de dopage par Allen Lim. Lim est concerné par les Etats-Unis parce qu’il a, ces trois dernières années, travaillé pour Garmin. Garmin, l’équipe qui se proclame haut et fort contre le dopage. Depuis 2010, Lim travaille pour Radioshack – et par là de nouveau pour Armstrong et Bruyneel. Pourquoi Landis déballe-t-il tout ? Il dit qu’il veut se défaire de son passé. « Il m’est clair que je n’ai quasi pas de preuves ». Un des mails envoyé est parvenu à la NZZ. Il y écrit qu’Armstrong lui aurait expliqué comment, lors de sa victoire au Tour de Suisse 2001, il a été testé positif à l’EPO. Comment alors, lui et Bruyneel, se sont envolés pour le siège central de l’Union Cycliste Internationale à Aigle et sont parvenus, contre de l’argent, à faire en sorte que le test disparaisse. Le Président de l’UCI était alors Hein Verbruggen. Dans le même mail, Landis accuse aussi l’entrepreneur Andreas Rhis de complicité. Rhis, le patron de l’équipe Phonak, pour laquelle Landis courait dès 2005. En 2006, il a été fêté comme vainqueur du Tour de France, avant de se faire pincer peu après. De manière compliquée et mal orthographiée, il raconte : « Je me suis assis avec Rihs (Landis écrit Riis) et lui ai expliqué ce que j’avais fait par le passé et quels risques je courais en continuant à le faire. Je lui ai demandé son autorisation. Autorisation qu’il m’a donnée, ainsi que de l’argent pour que je puisse continuer les pratiques que je lui avais décrites. » John Lelangue, le manager, et Jim Ochowics (Landis écrit Ochowitz), le conseiller de Rhis auraient eux aussi été informés. Quand, en 2006, Rhis a annoncé son retrait du monde cycliste, il disait que les cas de dopage de Phonak avaient été « une affaire individuelle ». Lorsque, en 2008, la NZZ s’est à nouveau entretenue avec lui, il a répété qu’il ne savait toujours pas ce qui s’était passé en 2006. Il voulait savoir la vérité, « mais Landis ne la lui avait jamais racontée ». Dans un communiqué envoyé jeudi, Rhis a rejeté les reproches qui lui étaient faite et a annoncé qu’il ne prendrait pour l’heure pas position. Au téléphone avec la NZZ, Rhis était calme : « C’est absurde. Landis continue simplement à mentir. Qu’il se soit dopé a été prouvé. A nous, il a dit qu’il était propre, ce qu’il a d’ailleurs mis par écrit. C’est dommage qu’il fasse ce qu’il fait. Ça n’apporte rien à personne, et à lui le moins. » Ils ne peuvent rejeter ses affirmations Qui ment ? Ou plutôt : qui ment le plus dans le monde de dupes du cyclisme ? La NZZ a interrogé trois cyclistes professionnels qui concouraient pour Phonak en 2006. Gregory Rast raconte : « Avec Landis, rien ne m’étonne. S’il le dit comme il le dit, ça doit être vrai. » Martin Elmiger : « Il est possible qu’il n’y avait pas que les cyclistes qui étaient au courant des pratiques de dopage. J’ai par la suite entendu des histoires dont nous autres jeunes Suisses n’avions aucune idée. » Un cycliste qui ne veut pas être dévoilé raconte : « Je ne peux pas m’imaginer que Rhis ne savait rien. Les gens lui ont sans doute dit que rien n’était possible sans dopage. » Rhis est aujourd’hui patron de l’équipe BMC, le rêve de victoire au Tour de France ne l’a pas lâché. Landis roule actuellement dans une équipe de troisième catégorie, lui non plus ne peut pas quitter le monde de la petite reine. NZZ, le 21 mai 2010 Y a-t-il une raison que les choses aient changés ? Et que ce soit différent dans les autres sports ? Votre avis nous intéresse : laissez un commentaire !
Read More