La phusis dans notre monde

ArbreINVITÉ EXCEPTIONNEL sur www.phusis.ch, qui va de temps en temps nous faire l’honneur d’intervenir dans nos chroniques. D’origine grecque, française, allemande et, depuis la deuxième guerre mondiale forcément aussi anglo-américaine – et de plus en plus chinoise –, il a pour avantage d’être à la fois sensible, intelligent et efficace.

Il s’agit du Dr. Ludovic Mietzsche. Pour cette première, il a tenu à clarifier deux-trois choses sur… la phusis elle-même dans notre monde…

Vous le savez : « phusis » est l’ancien mot grec pour « nature ». Il signifie l’éclosion productrice et spontanée de la vie à partir du retrait, de la destruction et de la mort. D’un côté, il y a l’apparaître, le visible, de l’autre le disparaître, l’invisible – qui est très important. Toute existence est ainsi rythmée par la perpétuelle tension entre l’un (visible) et l’autre (invisible) ; tension hostile et amoureuse à la fois qui fait naître, vivre et décliner, puis périr tous les phénomènes de la nature, ou phusis.

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La phusis dans le monde par Michysos
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Or dans notre tradition, on s’est toujours occupé seulement de ce qui se montre et on a par suite négligé ce qui se cache, oubliant que c’est justement ce qui se retire dans l’ombre qui rend possible ce qui se montre à la lumière.

Et ce n’est pas tout : à force de ne s’occuper que de ce qui est visible, de ne vouloir que la lumière, la stabilité, le calme, l’homme n’écarte pas seulement toute la dimension du mystère, du caché (qui est pourtant la ressource), mais en vient à s’aveugler et à faire abstraction du sensible pour se réfugier dans le suprasensible, accessible à la seule vue de l’esprit : un monde de toute lumière, de toute clarté, stabilité, vérité, bonté et beauté : monde idéal, méta-phusique, au sens où il se trouve par-delà et donc séparé du perpétuel revirement tragique de l’un dans l’autre propre à la phusis.

Or c’est ce monde idéal qui est devenu la jauge et mesure du monde ici et maintenant. Ce qui est évidemment très problématique. Car ce monde idéal n’est somme toute qu’une invention, une fiction, un fantasme de notre esprit. Fantasme très puissant qui nous pousse à tout faire pour réaliser nos idées, notre idéal, dans le sensible, sans même se rendre compte qu’on met par là en péril l’équilibre et la bonne harmonie de la phusis elle-même.

Et voilà que la ressource de la phusis, la dimension du retrait, de l’ombre, du chaos et finalement de la mort vient à se révolter pour rétablir l’équilibre perdu. En toute violence et perfidie s’il le faut. A force d’aspirer au monde idéal, au paradis terrestre, on engendre finalement l’enfer, le désert et la mort. Telle est bien souvent la situation.

Pour trouver l’équilibre et éviter la catastrophe, en nous et en dehors de nous, ne nous occupons pas seulement du visible et de nos idées, mais valorisons partout les mystères cachés de la vie ici et maintenant. Pour que vive la phusis !

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