DES FOIS, ON A TELLEMENT DE CHOSES à faire, à organiser et à régler, on va tellement vite, on a tellement la tête dans le guidon qu’on fonctionne comme des automates, sans la moindre sensibilité ni ouverture pour le monde qu’on est et qui nous entoure.
Alors bien sûr, on est peut-être efficace, peut-être même bien vu, puissant, riche ou je ne sais quoi encore, mais on est à vrai dire à la remorque de nous-mêmes en nos possibilités d’existence : quelque chose de triste, de monotone : quelque chose comme une vis, centrée sur elle-même. Vis qui a certes un rôle dans la machinerie familiale, sociale, professionnelle, politique et économique, mais un rôle dangereux pour la vie en sa dimension artistique, productrice de nuances, de couleurs, de résonnances, de beauté et de joie ; dangereux pour la vie pleine de mystères, dont l’enjeu est qu’on se réalise en tant qu’œuvre d’art.
A vrai dire, c’est toujours la même histoire : la question est de savoir ce qu’on prend en compte et met en évidence dans notre rapport au monde.
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Soi-même comme oeuvre d’art par Michysos
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Est-ce qu’on se fie aux seules apparences et idées reçues – apparences et idées de vérité, de justice, de perfection, d’amour que l’information, le divertissement, la publicité ne cessent de nous enfoncer dans la tête ?
Est-ce qu’on se laisse devenir des maillons de l’énorme machine qui écrase toutes les différences ? Est-ce qu’on se laisse devenir des singes imitateurs, des automates centrés sur nous-mêmes, des… vis ?
Ou alors – deuxième possibilité, par-delà la première – on décide de résister à tout ça et de vivre la vie artistique qui nous traverse de fond en comble. Alors on se met à l’écoute de nous-mêmes en ce qui nous est le plus propre ; on se plonge dans notre fond le plus intime et mystérieux, on cultive notre innocence, on apprend à connaître et à maîtriser nos sensations, nos fantasmes, désirs et autres peurs les plus secrets…
Et hop, nous voilà déjà en train de faire honneur à la vie. De jouer au jeu de la vie. Nous voilà déjà en train de faire usage de nos pulsions comme un jardinier, en artiste. Nous voilà déjà en train d’embellir la vie.
Alors ? Et si on surmontait nos images et idées toutes faites, notre vision idéaliste du monde, nos ambitions mal placées, notre confort et jouissance stériles, nos jalousies ? Et si on mettait tout en œuvre pour trouver nos couleurs, notre pinceau, notre toile, pour devenir, d’abord le maître de notre atelier, et finalement – c’est le but – le maître de notre art de vivre !
J’ai trouvé cette chronique particulièrement intéressante, mais je n’ai pas très bien saisi la manière dont on pouvait échapper à « devenir des maillons de l’énorme machine qui écrase toutes les différences »? Concrètement, comment faire?
En se plongeant en soi-même et laissant jouer notre fond le plus intime, par-delà les structures et catégories pré-données.