Covid-19 | La crise actuelle offre une heure de gloire à la science et à la médecine. Du jour au lendemain, elles se trouvent catapultées au centre de l’intérêt de tous les pays. En même temps, quantité d’esprits moins pragmatiques ont leur succès aussi, avec de mystérieuses théories, volontiers complotistes. Ils se discréditent les uns les autres.
C’est du jamais vu : les gens de toute la planète suivent quasi à la minute l’évolution du Covid-19 et des mesures prises pour le combattre. Impossible de faire autrement : le virus est dans tous les médias et toutes les têtes. On compte les contaminés, les morts, on y va de ses hypothèses et conclusions pour ces prochaines semaines. Comme dans un bon film, un bon livre, on accompagne ce qui se passe, on le décortique, pour mieux comprendre et voir venir le dénouement. Bien sûr, il y en a qui sont à l’hôpital et d’autres se contentent de s’envoyer des gags débiles sur les réseaux sociaux…
Scientifiques versus libres penseurs
D’un côté, on a les scientifiques, esprits pragmatiques et sérieux, bien vus et valorisés par les autorités et les médias. Forts de leur puissante raison logique, les virologues, infectiologues et autres chercheurs spécialisés travaillent d’arrache-pied pour trouver des thérapies ou mieux un vaccin contre le satané virus. Parmi eux, les épidémiologistes présentent à grand renforts de graphiques leurs pronostics concernant l’évolution de la pandémie. Tel Richard Neher, biophysicien et épidémiologiste à l’Université de Bâle, il y a quelques jours sur SRF avec trois scénarios : le premier « pessimiste » (97’109 morts), le deuxième « moyen » (22’693 morts), le troisième « optimiste » (997 morts) ; chiffres on ne peut plus précis pour une fourchette on ne peut plus large, entre l’immense catastrophe et la simple grippe saisonnière.
De l’autre côté, on a les êtres moins pragmatiques, plus mystérieux, volontiers taxés de « têtes emmêlées » et de complotistes par les spécialistes, les autorités et les médias, qui se gardent bien de partager leurs propos et connaissances, si ce n’est pour les critiquer. On leur reproche de ne pas miser sur la claire raison qui permet de comprendre les choses, mais de s’appuyer sur des forces et explications irrationnelles et incompréhensibles.
Très présents dans les médias traditionnels, les premiers taxent les seconds d’absurdes et dangereux. Largement diffusés sur les réseaux, les seconds ignorent les premiers, qu’ils considèrent comme acteurs d’une machination généralisée. Tous ont un grand succès, réciproquement détesté. Lutte de pouvoir.
Eleganti et von Dreien
Dans la NZZ du 30 mars, le journaliste Simon Hehli donne deux exemples du second côté, pour le balayer comme insensé et irresponsable. Premier exemple : l’Evêque auxiliaire du diocèse de Coire Marian Eleganti, qui s’est exprimé contre l’abandon en raison du coronavirus de l’eau bénite et des hosties sacrées. « Je ne peux simplement pas comprendre cette décision dans mon cœur », a expliqué l’homme d’église, moqué par le journaliste pragmatique Hehli : « L’idée que le Covid-19 puisse survivre et être transmis sur une hostie ou dans l’eau bénite n’a pas de place dans sa vision du monde enfantine-magique ».
Deuxième exemple avec la star ésotérique suisse Christina von Dreien. La jeune Toggenbourgeoise de 18 ans souhaite que tout le monde participe à la méditation mondiale prévue le 5 avril prochain à 4h45 du matin « pour l’annihilation définitive du coronavirus ». Des études scientifiques auraient montré les « effets positifs de la méditation de masse et autres activations sur la société humaine ». Le but est de créer « un pilier d’éclatante lumière blanche» capable de « convertir tous les coronavirus sur terre, désinfecter toutes les zones infectées, guérir tous les patients, dissiper toutes les peurs associées à l’épidémie et rétablir la stabilité dans le monde ».
Ce que von Dreien écrit sur son site internet à propos de la pandémie, Hehli le qualifie d’abscons : « on » nous présente le coronavirus comme dangereux, parce qu’« on » veut mettre les hommes en panique, pour pouvoir les manipuler, pointe-t-elle. « C’est ainsi que nous approuvons toutes les mesures qui limitent notre liberté parce que nous croyons qu’elles sont indispensables », écrit von Dreien.
Pour Hehli, c’est clair : Eleganti n’est qu’un chrétien crédule, von Dreien une imposteur complotiste. Ce n’est pas la première fois, conclut-il, que la jeune fille présente des théories du complot. Elle considère le virus comme créé par les hommes qui « ont le pouvoir sur terre, qui tirent les ficelles et souhaitent que rien ne change ».
La philosophie phusique au croisement des positions
Loin d’être pour ou contre l’un ou l’autre, la philosophie phusique se situe au croisement des innombrables expériences et interprétations du monde. Elle cherche à les comprendre critiquement, les mettre en perspective.