Covid-19 | Ça ne fait aucun doute : l’immense tremblement de terre que nous vivons est le résultat de mouvements très profonds. L’enjeu est de les comprendre pour avoir une chance de nous en sortir. Qu’est-ce qui grève notre monde occidental apparemment si radieux ? En fait, c’est la pensée binaire.
L’affirmation peut paraître choquante, réductrice, mais elle vaut la peine d’être méditée : la crise que nous vivons provient de notre structure de pensée binaire telle qu’elle est apparue au 4e siècle avant J.-C. chez Platon et telle qu’elle a été cultivée et développée tout au long de l’histoire occidentale, jusqu’à l’excès dans la science et la technique actuelles.
En quête de stabilité dans le va-et-vient des phénomènes, Platon, le fondateur de notre tradition s’est mis, il y a près de 2500 ans, à distinguer les choses pour en découvrir la vérité. C’est ainsi qu’il amorce dans son dialogue Le Cratyle (390 c10-11) la fameuse méthode de la dialectique. Pour définir l’homme, il demande : s’il est un être vivant ou une simple chose ; s’il est un mammifère ou non ; s’il vit sur terre ou dans la mer ; finalement s’il est doué de raison ou pas. Par cette détermination progressive – basée sur des oppositions binaires –, il en vient à définir l’homme comme « être vivant doué de raison ». Définition générale, abstraite, qui fait fi de la complexité de la nature et de l’existence humaine.
Platoniciens sans le savoir
Depuis, le monde occidental est marqué par cette structure de pensée. Dès son plus jeune âge, l’enfant est amené à distinguer l’ici du là-bas, le présent de l’absent, l’un de l’autre, le sujet de l’objet, le plaisir de la souffrance, la santé de la maladie, le bien du mal, etc. Les plus doués ramènent les meilleures notes à la maison et ont le plus de chance de faire carrière et fortune. Non sans être en même temps de plus en plus incapables de considérer les phénomènes en leur nature vivante, multiple et complexe. Toute la vie durant, chacun d’entre nous ne cesse de trier et séparer les choses, les distinguer de ce qu’elles ne sont pas, les opposer à leur contraire, oubliant que ces derniers sont au fond différents degrés du même : de la même vie comme mystérieux ensemble.
Triomphe de la binarité dans la technoscience
Au bénéfice de résultats prodigieux dans les domaines de la science, de la technique, de l’informatique – redoublés de puissance par les algorithmes, le big data, les systèmes experts, l’intelligence artificielle, etc. –, la structure binaire abstraite fondée par Platon domine aujourd’hui de manière systématique, structurelle, toutes les sphères de notre monde. Tellement que, suite aux incessants progrès de la technoscience, chacun est aujourd’hui inconsciemment sûr de bientôt pouvoir réaliser dans l’ici et maintenant le monde idéal, sans souffrance ni mort, dont il rêve.
Un mystérieux virus fait capoter tout le système
Tout ça jusqu’à ce qu’un mystérieux virus – aussi incernable qu’inclassable – vienne faire capoter le système : faire dérailler les cerveaux, bloquer la moitié de l’humanité et… mettre le monde entier en pagaille. Mais que s’est-il passé, au juste ? Au fond, c’est beaucoup plus simple que ce qu’on croit : les gouvernements occidentaux ont été effrayés par les calculs et modélisations catastrophistes – basés sur la binarité traditionnelle – des épidémiologistes et autres polytechniciens membres de leur conseil scientifique. Craignant de voir se réaliser les prévisions les plus extrêmes (et absurdes pour les spécialistes de terrain), ils ont, et à leur suite les médias, été pris de panique et en ont oublié leur sensibilité, leur intelligence et bon sens pratique lorsqu’ils ont décidé des stratégies à adopter.
L’enjeu est aujourd’hui de sortir la tête du guidon – et des nuages
Alors que notre structure de pensée nous fait depuis Platon séparer les choses et écraser les nuances de la vie, que la technoscience le fait de manière de plus en plus massive, aveugle et abstraite de la réalité, l’heure est venue de corriger le tir. Au lieu de prolonger tête baissée la tendance, de serrer l’étau, d’établir des concepts de protection, de profiler le spectre d’une deuxième vague, de placer ses espoirs dans les masques et la surveillance digitale généralisée, l’enjeu est de sortir la tête du guidon – et des nuages – et de redonner, par-delà la dialectique et les oppositions, une place à l’intelligence humaine sensible, nuancée et collective. L’heure est venue d’ouvrir un débat vivant et productif, riche de possibilités et de perspectives… tout sauf binaires.
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Je suis d’accord sur une seule chose, c’est que le système binaire, qui est le mode de »pensée » des ordinateurs, n’est efficace que pour faire marcher les machines, mais parfaitement inadapté pour régler les affaires humaines. Mais je ne crois pas du tout que la crise que nous vivons soit le résultat, en occident, d’un mode de pensée binaire dont nous aurions hérité des Grecs. Heureusement pour nous, en 24 siècles, l’intelligence humaine s’est déployée dans beaucoup de directions, en particulier aux XV° et XVI° siècle, en Europe, sans parler des civilisation Arabes et Orientales, dont nous avons également hérité, dans les domaines scientifiques et artistiques. Toute cette richesse de pensée, venue de tous les continents, constitue un patrimoine que nous n’aurions pas pu obtenir avec un mode de pensée simplement binaire.
@gemasson
Que voulez-vous dire? Est-ce-que vous êtes pour ou contre les mesures de lockdown complet de notre vie sociétale et économique dans notre pays, avec der épidémiologues encore fièrs de leur « crime » (!) d´avoir compter toutes les personnes décédées pendant les mois de mars et avril – ce qui leur à permi de créer la panique dans la population belge et de forcer le gouvernement à imposer ces mesures?! La conséquence: Des milliers de personnes mortes par la peur, par l´isolement, par le non-traitement d´affections graves tels infarctus cardiaque, insuffisance pulmonaire chronique grave, cancers etc par suite d´une concentration sanitaire uniquement sur un virus soit-disant super-mortel …! Mais le crime des politiciens consiste à n´avoir écouté aucune autre voix d´expert!
L’enjeu est justement de montrer qu’il ne s’agit pas, à l’heure de la réflexion, d’être simplement pour ou contre, mais de comprendre comment ce qui s’est passé a pu arriver à nos pays occidentaux !
Or notre lecture de la crise est celle du dévoilement sans précédent de nos incohérences occidentales, qui proviennent en dernière instance de notre structure de pensée binaire (qui découle de la dialectique métaphysique) héritée des Grecs. Notre intelligence a certes évolués, depuis, s’est certes enrichie, déployée de maintes manière durant les siècles, mais demeure, au fond, structurellement binaire : soit on est pour, soit on est contre, alors que les choses sont toujours beaucoup plus complexes que ça. La méthodologie administrative, juridique et technoscientifique, informatique qui imprègne notre monde aujourd’hui est elle aussi fondamentalement basée sur ce modèle binaire, qui a exclut à chaque calcul, à chaque décision davantage la pensée sensible, vivante…
Pourquoi les incohérences que vous dénoncez seraient-elles « occidentales »? La crise que nous vivons est mondiale, et elle dépasse largement le cadre de cette pandémie, forcément passagère, mais qui est largement surjouée et exploitée à des fins, à mon avis, très suspectes. L’année dernière, cela ne vous aura pas échappé, nous avons vécu une vague mondiale de révolte des peuples contre le pouvoir établi de la finance internationale qui en plus de brider nos liberté et nos aspirations naturelles au bonheur, est en train de détruire l’essentiel de la vie sur la planète. Certains disent que le virus a été fabriqué, à Wuhan, mais sans preuves…Mais, ce qu’on peut dire c’est qu’il arrive à point nommé pour calmer les révoltes. Non, le mode de pensée naturel des hommes et des femmes n’est pas binaire, en occident, comme ailleurs, mais il pourrait le devenir à force de formatage et d’intoxication massive par les médias dominants. Quand à la crise économique, elle est annoncée depuis longtemps, et elle serait arrivée avec ou sans virus.
On peut étendre la réflexion à la modélisation de la pensée . Les algorithmes permettent d’élaborer des scénarios et d’en faire des simulations très réalistes pour prédire l’avenir. Mais ces modèles ne sont valables que si le futur est dans la continuité du présent , ils sont complètement impuissants face aux situations nouvelles et imprévues.
Oui!
Michel, ta dernière réponse est un peu brève,….
On aurait pu dire que certains, n’ont même pas la pensée binaire, il ont un dogme et n’envisage pas que l’on mette en question ce qu’ils disent. D’autres sont sûrs qu’il faut chercher la vérité et s’efforce de trier entre le vrai et le faux. Ces derniers siècles, la pensée a progressé dans le monde, nous somme nombreux à penser maintenant que certaines réponses peuvent apparaitre comme bonnes d’un certain point de vue, mais non pertinente selon une autre approche. On trouve des philosophe qui proposent d’adopter des positions idoines. C’est-à-dire de chercher la réponse qui convient en fonction des objectifs que l’on vise. Sur le plan méthodologique, cette attitude me parait bien plus prometteuse.
Effectivement, la première position à adopter est de viser des objectifs adaptés aux situations vécues et à partir de ces objectifs de déduire les réponses les plus adaptées. Le drame est de ne se fixer que par rapport à un certain point de vue (éventuellement une idéologie, une collection de dogmes) et, à partir de là, de proposer des réponses trop souvent… détachées du vécu. Il me semble que c’est un peu ce que nous avons vécu ces dernières années… d’où un sentiment de mal-être, une violence qui n’arrive pas à trouver son point d’attache…
Merci mon cher Jacques pour ton complément, tout à fait pertinent !
La conception de la vérité – tout comme de la morale et de la sagesse d’ailleurs – a en effet évolué au fil des siècles : la vérité s’avère aujourd’hui à la fois non dogmatique et multiple, dépendant des angles de vue, des perspectives et… d’une cohérence sans faille. Ce qui est évidemment un gain précieux.
Là où le bât blesse, c’est quand l’efficacité prend le dessus sur la vérité, la morale et la sagesse. Or c’est ce qui arrive quand on s’appuie trop exclusivement sur l’intelligence artificielle et les modélisations mathématiques à l’heure d’affronter les problèmes liés à la complexité de la vie – et de la mort…
Bonjour, je suis tombé sur ce blog par pur hasard, il me semble pertinent de chercher à comprendre ce que nous vivons actuellement et vous en remercie d’avoir lancé le débat. En se qui me concerne, je constate que nous traversons une période sombre annonçant par cette pandémie un déclin de l’humanité au profit de l’intelligence artificielle. L’homme se retrouve contraint à s’isoler, à communiquer seulement au travers de réseaux « sociaux » où l’on ne peut réellement s’exprimer, voir parfois même être censuré. Nos téléphones sont suivis de près, géolocalisés on ne peut pas dire ce que l’on pense à autrui!
Cette situation est dangereuse pour notre évolution si elle se perpétue » la politique de la pensée unique et les GAFAM s’occupent de tout ».
Je pense sérieusement qu’il n’est plus question de binarité mais bien de reprendre ce pouvoir d’échanger, de dialoguer, d’argumenter qui nous à fait tant progresser dans nos consciences par le passé.
« Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau. »
Albert EINSTEIN
Effectivement, nos problèmes sont essentiellement des problèmes de logiques (au pluriel)
Mais pour ne pas être binaire il me semble que ce texte et vrai et faux à la fois.
Vrai est la nécessité de passer vers la pensée ternaire qui pourra même à son tour être dépassé par la pensée quaternaire (mais c’est une autre histoire tout aussi importante).
Vrai, le fait de vouloir dépasser et non rejeter la binarité, sinon, ce serait retomber dans la binarité.
Faux de voir Platon comme le premier responsable de nos errements, il me semble que c’est plutôt Aristote son élève qui a imposé les trois principes de non-contradiction, d’identité et de tiers exclu, c’est-à-dire les fondements des sciences déterministes !
Dans le principe évolutif de l’humanité, cela était nécessaire.
Platon dans le Théétète aurait plutôt hérité du tétralemme (en grec « quatre » + « propositons ») de l’Inde antique (Catuskoti en sanskrit), qui propose plutôt une voie logique progressive. Le voici : « Il en est ainsi. Il n’en est pas ainsi. Ainsi et pas ainsi. Non pas même ainsi », qui « en raison de son indétermination » serait peut-être le meilleur.
Nous pourrions le traduire dans notre langage par :
1) Être, I
2) Ne-pas-être, I – Binaire dans ces 2 premières propositions avec le tiers exclu Aristotélicien
3) Être et ne-pas-être – Ternaire, le tiers est inclus pour lier ces 2 premières propositions
4) Ni être, ni ne-pas-être – Au-delà de toutes logiques, de toutes raisons.
La troisième proposition du tétralemme implique de réintégrer le tiers qui avait été exclu par Aristote. Aujourd’hui, grâce à Lupasco, nous parlons de « tiers inclus ». Merci la physique quantique !
Ce tiers inclus crée une faille logique dans la pensée humaine et nous ouvre à plus de modestie face à la complexité de l’univers et de la vie en particulier.
Cependant la difficulté est grande de sauter ce pas. Ce « tiers inclus » est souvent caché et impose l’inconfort de sortir des ornières de la pensée commune en sortant des clivages, des paradoxes et des conflits. Cela demande beaucoup de ressources.
Nous ne sommes pas fini, nous sommes encore à l’âge de l’adolescence et il nous faudra, faute de conscience, encore beaucoup de douleur pour comprendre.
Comme le dit Einstein, c’est LE grand chalenge de l’humanité pour le siècle à venir !
Il faut y croire, nous n’avons pas le choix.