De guerre lasse face aux algorithmes, nous avons, il y a plus d’un mois, interrompu nos séries Didier Raoult et Jon Ferguson.
Alors que l’étau se resserre de nouveau, que l’incompréhension est plus que jamais de mise, PHUSIS revient dans la bataille. D’abord avec l’ensemble des « Paroles de sagesse en marge du coronavirus » de Raoult. Dans le cadre de sa lutte contre la peur, pour plus d’ouverture, de compréhension, de santé et de joie, PHUSIS Philosophie a retenu toute une série de pensées qui permettent de s’élever au-dessus du radotage des imbéciles.
ON SE TROMPE SUR L’ÉLITE
Dans son entretien du 29 mai avec Raoult, le journaliste David Pujadas revient sur la position critique du Prof. et expert en virologie vis-à-vis des élites : « C’est quand même vrai que vous n’aimez pas les élites ! Vous pourfendez les élites… », dit-il. Et Raoult de rétorquer : « Je vais vous faire un aveu terrible : je ne pourfends pas du tout les élites. Le problème, c’est que nous n’appelons pas les élites la même chose… » Pujadas ne comprend pas : « Vous pourfendez les… élites parisiennes ». Et Raoult répond, en scientifique cultivé :
« Non, ce que je pense, c’est que le Paris actuel (qui n’est pas le Paris ancien, avec de très grandes gloires) ressemble au Versailles du 18e siècle. Ce que vous vivez (vous, les journalistes, ndlr), ça ressemble beaucoup à Saint-Simon : ces espèces de chuchotements, de babillages, d’excitations pour ce qui s’est passé – la marquise disait ceci, peut-être que le roi couchait avec un tel, etc. C’est un monde… (…) un microcosme déconnecté de la réalité. » Avant de poursuivre : « C’est comme ça que je le perçois. Et ça me gêne… »
Raoult est loin de Pujadas : « Vous, ce que vous appelez l’élite, c’est des gens qui disent : « Nous sommes l’élite ! », mais ce n’est pas l’élite pour moi. C’est autre chose… Je n’ai rien contre l’élite. Au contraire : je suis extraordinairement élitiste ! »
Le poste, la renommée journalistique ne fait pas la qualité d’un individu. C’est aujourd’hui même plutôt le contraire, tant il faut être complaisant, se montrer docile, mainstream et avide de courbettes pour obtenir un poste, une interview…
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LE VRAI PROBLÈME, C’EST CELUI DE LA CRÉDIBILITÉ
Comment distinguer les vrais experts, la vraie élite, des imposteurs, des « pieds nickelés », comme les appelle Raoult dans son entretien du 29 mai avec Pujadas ?
« Les mondes dans lesquels on vit (celui des journalistes et celui des spécialistes, ndlr) sont différents, explique Raoult. […] Chacun joue son rôle ou celui qu’il croit pouvoir jouer. C’est un problème de fond, qui se pose depuis longtemps dans le journalisme. Le vrai problème, c’est celui de la crédibilité. Qui est crédible ? C’est une des questions les plus violentes actuellement : est-ce qu’on est crédible parce qu’on est nommé ? Ou parce qu’on est crédible tout court ? »
L’habit ne fait pas le moine : le titre, le statut, le poste ne détermine pas la qualité, le niveau d’une personne. Quel que soit le domaine, les spécialistes ne sont le plus souvent pas nommés pour leurs qualités, leur compétence, mais pour leur adaptabilité au système.
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IL NE FAUT PAS DÉPASSER LES LIMITES DE SA CONNAISSANCE
Dans son entretien du 29 mai avec Pujadas, Raoult présente deux principes de son enseignement. Deux principes peu courants chez les chercheurs valorisés par médias, qui jouent le jeu des médias – et qui s’avèrent bien souvent être… des imposteurs.
Premier principe :
« Ce que j’enseigne à mes étudiants en thèse, c’est à dire « je ne sais pas ». Les seules fois où je me mets en colère contre mes étudiants, c’est quand ils répondent à des questions auxquelles ils ne savent pas répondre et auxquelles ils se croient obligés de répondre. Il ne faut pas le faire. Tel est le principe même de la séparation des gens qui ont une connaissance de ceux qui ne connaissent pas : d’être capable de connaître les limites de sa connaissance. »
Deuxième principe, qui corrobore le premier :
« Je suis tout le temps enclin – et je mets au défi mes étudiants toutes les semaines – à ce qu’on me démontre que ce que je dis n’est pas vrai ; et s’ils le démontrent, je dis publiquement : « C’est toi qui as raison : je me suis trompé » ».
L’enjeu est de toujours chercher à avoir raison. Non pas en tordant la réalité, serait-ce pour résonner avec l’opinion commune, mais en progressant sur l’échelle du savoir, en restant toujours ouvert sur l’erreur, la possibilité de se tromper, qui guette partout. Pour exceller, il faut à tout prix éviter les erreurs, mais en sachant qu’on en fait toujours – et en apprenant de chacune d’entre elles, aussi minime soit-elle. De sorte à avoir de plus en plus raison, d’être de plus en plus juste, de plus en plus… vrai.
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LE PROBLÈME DES MÉDIAS, C’EST L’INCOMPÉTENCE DES JOURNALISTES
Dans son entretien du 29 mai avec Pujadas, Raoult bouillonne face à l’incompétence et incompréhension de son interviewer sur la question de l’expertise, des vrais experts. La sommité mondiale en virologie et infectiologie s’avance plus loin qu’il le fait d’ordinaire et laisse tomber ceci, non sans sourire, mais en étant en même temps très sérieux :
« Je pense que moi, je suis l’élite. Je m’excuse de vous dire ça. (…) Je pense que vous avez un problème profond, un très grand problème : vous n’avez pas le degré de performance dans l’analyse scientifique que vous avez probablement dans l’analyse politique. Dans l’analyse politique, je pense qu’il y a de très bons journalistes, c’est mon impression, impression un peu lointaine. Dans l’analyse scientifique, je vois que vous n’avez pas l’usage des outils qui vous permettraient de savoir qui joue en première division, qui est international et qui ne l’est pas. […] Il y a, c’est humain, une échelle logarithmique dans les qualités, dans les niveaux des gens ; simplement, vous ne la connaissez pas. C’est un problème. […] Vous êtes plus compétents pour évaluer les footballeurs que les scientifiques. »
Le problème des médias provient de l’incompétence des journalistes.
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« LE PROBLÈME DES MÉDIAS, C’EST UNE ESPÈCE DE SIMPLIFICATION EXTRÊME »
Dans son entretien du 29 mai, Raoult répond en ces termes à Pujadas qui cherche à lui faire avouer qu’il est trop sûr de lui – et qu’il s’est plusieurs fois grandement trompé durant cette crise :
« Le problème des médias, c’est une espèce de simplification extrême. […] Je commence la plupart du temps à répondre « je ne sais pas », ensuite je vous dis l’hypothèse principale. Ça n’a rien à voir avec de l’affirmation – il faut bien avoir une hypothèse pour répondre à une question. »
Les journalistes ignorent comment fonctionne la recherche : ils ne savent pas qu’en science, on commence par poser une hypothèse, avant de faire des expériences, des analyses et des synthèses, en vue de vérifier critiquement l’hypothèse de départ ; puis on pose de nouvelles hypothèses, qu’on vérifie, rectifie à nouveau, et ainsi de suite, pour aller toujours plus loin dans un domaine. Poser des hypothèses, les valider ou invalider, corriger, reformuler : telle est la base théorique, pratique et critique des sciences. N’en déplaise aux journalistes : les idées doivent toujours être remises en question, on n’en a jamais le cœur net, on n’en a jamais terminé avec ses recherches…
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« L’EXCÈS DE COMMUNICATION NUIT À LA COMMUNICATION »
Dans son Audition devant la commission d’enquête parlementaire, Raoult critique de pair les médias et les politiques. Tous deux pêchent par excès de réactivité idéologique – et donc par manque de réflexion et d’analyse : « Les politiques et les médias vivent dans le même écosystème. Cela amène une vitesse de réactivité qui est problématique ». La pression du temps est dangereuse : elle précipite le débat et empêche toute profondeur d’analyse. A force de flashs, de news feed et autres journaux quotidiens, actualisés chaque heure, chaque minute, du jour et de la nuit, le partage des bonnes informations est impossible : « L’excès de communication nuit à la communication », affirme Raoult en défenseur du temps long de la recherche rigoureuse et sérieuse.
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L’OPINION N’EST PAS LA VÉRITÉ
« Vous, comme beaucoup de gens qui sont malheureusement à la prise de décisions, dit le chercheur Raoult le 29 mai au journaliste Pujadas, vous vous trouvez dans une situation où vous êtes confrontés à des opinions ou des travaux sans savoir les distinguer. »
Le problème du journaliste est le même que celui des décideurs : ils n’ont pas de compétence sur les sujets qu’ils traitent. A la merci des spécialistes, de certains spécialistes, ils sont à la remorque de la distinction entre les « opinions » et « la vérité » fondée il y a deux millénaires par Platon ; tout comme entre les hoi polloi et hoi aristoi, la plupart et les meilleurs qui, respectivement, profèrent les unes et l’autre. Incapables de se rendre à l’évidence que les meilleurs ne sont pas les polytechniciens modélisateurs qui, à force d’abstraction, se trompent tout le temps, mais les hommes de terrains, qui observent les phénomènes, ils se sont fourvoyés – et continuent à se fourvoyer – aux dépens de l’ensemble de la population et civilisation occidentale.
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ACCEPTER LA POLÉMIQUE ET CHERCHER LA NOTORIÉTÉ SONT DEUX CHOSES DIFFÉRENTES
Généralistes, les journalistes sont incapables de faire la part des choses. Ils ne sont pas assez spécialistes pour discerner ce qui vaut de ce qui ne vaut pas, les travaux valables des théories fumeuses, les gens bien des complaisants, les experts des imposteurs. Par facilité – habitude et manque de profondeur –, ils se focalisent sur les seconds, aux dépens des premiers, qui sont à vrai dire les seuls à s’engager dans la bataille pour la connaissance et la vérité. Dépassé par les propos de Raoult, Pujadas abandonne le 29 mai dernier la question de l’expertise et passe à celle, plus dans ses cordes, du look, des cheveux, de la barbe, de la bague de l’infectiologue ; autant de phénomènes qui participent selon lui à la création de son personnage en quête de notoriété. Sidéré, Raoult répond :
« Vous confondez deux choses, parce que vous êtes dans votre métier : vous confondez le désir ou l’acceptation de la polémique et la recherche de la notoriété. Je ne cherche absolument pas la notoriété. Je vous assure, c’est même pesant. La polémique, au contraire, je n’ai jamais dit que je n’en voulais pas. »
Propos qui n’entre pas dans la grille de lecture journalistique : comment peut-on affirmer aimer la polémique, unanimement considérée (par le monde journalistique) comme un mal ? Raoult lui rappelle :
« Il n’y a pas de science sans conflit intellectuel. Voilà qui va vous surprendre (…) : il n’y a pas de progrès scientifique sans polémique. Si vous n’êtes pas dans une polémique scientifique, vous ne faites pas de science ! »
Les imposteurs sont ceux qui ont une position tranchée, qu’ils ne mettent pas en doute, qu’ils ne mettent pas en perspective. Les vrais scientifiques sont ceux qui ne cessent de se battre, avec et contre eux-mêmes, avec et contre leurs confrères, vers une meilleure connaissance, plus de compréhension, plus de vérité. La science est en ce sens athlétique : elle a trait (-ique) à ce que les anciens Grecs ont appelé l’athlon, la lutte, le jeu, le concours vers l’excellence – qui n’a rien à voir avec l’apparence, le faux-semblant, la complaisance.
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« LA SEULE CHOSE QUI COMPTE, C’EST L’ESTIME DE SOI-MÊME »
Dans son entretien du 29 mai avec Pujadas, le Prof Raoult se présente comme stoïcien, redevable de l’école philosophique fondée au 3e siècle avant J.-C. par Zénon de Kition à Athènes : « La seule chose qui compte, c’est l’estime de moi-même. Que vous me trouviez bien ou pas, je m’en fiche. En tant que chercheur, mon but n’est pas de vous plaire, mais de pouvoir garder l’estime de moi-même dans dix ans. Ce que les gens pensent aujourd’hui, je m’en fiche. On n’est pas, vous et moi, dans le même rapport au temps ni à l’estime. »
Contrairement au journaliste, qui est plongé dans le présent de l’actualité, marqué par la notoriété actuelle, le chercheur travaille dans un temps beaucoup plus long. Avec les années, les imposteurs, les complaisants, les médiocres, les frotteurs disparaissent, seuls les meilleurs demeurent, serait-ce à titre posthume. Raoult donne cet exemple : au lieu de chercher la reconnaissance via les médias, il faut, dans dix ans, pouvoir être fier de soi en se retournant sur son travail…
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QUESTIONS SUR NOTRE MODÈLE TECHNOLOGIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES MÉDICAMENTS
Dans son entretien du 29 mai avec Pujadas, Raoult interroge notre modèle technologique de développement des médicaments en comparant la mortalité des pays riches à celle des pays pauvres : « La mortalité due à la Covid a été supérieure dans les pays riches à ce qu’elle a été dans les pays pauvres. Si ça ne vous bouleverse pas, ça… Si les gens qui vivent sans le moindre des médicaments que nous avons inventés ces 20 dernières années arrivent à la même espérance de vie que nous, on peut se poser des questions sur le modèle technologique que nous avons de développement des médicaments. »
Raoult en appelle à un « changement de paradigme ». Au lieu de toujours vouloir inventer de nouvelles choses, forcément lucratives, nous devons nous rendre à l’évidence que « nous avons un capital de molécules que nous devons utiliser au mieux », n’en déplaise à big pharma et à ses actionnaires.
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« DES PHÉNOMÈNES CONSIDÉRABLES SE SONT JOUÉS RÉCEMMENT »
Dans son entretien du 29 mai avec Pujadas, Raoult pointe deux phénomènes constitutifs de la crise que nous vivons en Occident : « Le centre de l’innovation est parti en Extrême Orient (comme lors de la Renaissance avec l’Europe). Alors que depuis un siècle et demi, notre civilisation avance avec l’idée du progrès lié à une fantastique augmentation de l’espérance de vie, cette époque est désormais révolue. »
1) Selon Raoult, l’IHU est le seul institut européen à se donner les moyens de rivaliser avec ce qui se fait en Orient, en Chine, en Corée du Sud, à Taïwan. Partout ailleurs, on est très en retard en matière de science, de technologie et de médecine.
2) Si notre espérance de vie a tendance à stagner, voire à baisser, c’est que nos organisations politiques et industrielles ne prennent pas en compte, dans leurs décisions, les principaux facteurs de mortalités que sont la pollution, la sédentarité, la malnutrition, le stress, etc.
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NE PAS COMMENTER CE QUE DISENT LES GENS POUR NE PAS ÊTRE DÉSAGRÉABLE
Dans son entretien du 29 mai, Raoult explique à Pujadas, qui vient de lui demander de se prononcer sur certains propos du ministre de la santé : « Je ne commente jamais ce que disent les gens, parce que je ne veux pas être désagréable. J’ai beaucoup d’indulgence… » Chacun joue son rôle, fait son travail le mieux qu’il peut, selon ses possibilités, ce qu’il a appris, son entourage, ce qu’il considère comme sa fonction, son devoir, etc.
Pour ne pas dire n’importe quoi, commenter les choses à tort et à travers, il faut connaître parfaitement chacun des éléments qui entre en ligne de compte. Or ce n’est possible que sur des sujets qu’on travaille au quotidien.
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« JE NE VEUX PAS PARLER DE CE QUI EST MÉDIÉ »
Après avoir indiqué à Pujadas ne jamais commenter ce que disent les gens, Raoult explique à ce dernier : « Je ne veux pas parler de ce qui est médié ».
Pour ne pas risquer de se fourvoyer, il s’agit de ne se prononcer que sur ce qu’on connaît de source sûre, directe, immédiate. Coup de massue terrible aux médias. Toutes les informations qui nous en proviennent s’avèrent problématiques. Qu’importe le « fait » médiatisé, il l’est toujours via une grille de lecture et d’interprétation. Qu’importe que ce soient des journalistes ou des techniciens, ces derniers mettent en forme et valorisent à leur guise. Alors que tout « fait » brut est déjà incroyablement difficile à exprimer – tant tout est multifactoriel –, le « fait » médiatique s’avère par suite être une pure et simple construction de vérité : une fiction, une interprétation marquée par quantité d’idées et de préjugés.
Si tout le monde prenait à son compte le principe de Raoult, les choses et notre monde seraient bien différents…
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« A QUI SOUFFRE L’EXTRÊME, L’EXTRÊME CONVIENT »
Le 16 septembre, sur le plateau de Darius Rochebin sur LCI, Raoult répond à ce que le journaliste présente comme l’esprit Raoult :
« Le monde est bataille, les idées sont batailles. C’est très frappant depuis le début de cette crise, vous aimez ça. Et même plus : c’est votre conception du monde : tout est sans cesse polémique, controverse, y compris la recherche de la vérité. »
Réponse de Raoult : « Oui, bien sûr. Je n’arrive pas à trouver d’exemple inverse. Il y a une phrase que j’adore de Hölderlin : « A qui souffre l’extrême, l’extrême convient ». La vie vous teste et voit jusqu’où vous êtes capables d’aller. Et bien entendu, si vous êtes capables d’aller jusqu’à un certain point, la vie vous teste pour savoir si vous êtes capables d’aller plus loin. Si vous ne l’êtes pas – c’est ce que les gens de ma génération appelaient le principe de Peter –, c’est-à-dire si vous arrivez à un point où vous ne savez plus aller plus loin, c’est que vous n’êtes plus bon pour ce que vous faites. »
La vraie science est comme la vraie vie : sélective, cruelle.
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DOUBLE DISTORSION DE LA RÉALITÉ DANS LES MÉDIAS TRADITIONNELS PAR RAPPORT AUX MÉDIAS SOCIAUX
Sur le plateau de Darius Rochebin sur LCI, Raoult valorise les réseaux sociaux face aux médias traditionnels quant au sensationnalisme morbide.
Reprenant l’évaluation comparative du site www.ourworldindata.org, il relève « le grand brassage d’idées » des réseaux sociaux, « qui amènent un mieux » vis-à-vis des médias de tradition.
Raoult l’illustre à l’exemple du traitement des trois causes de mortalité que sont le suicide, le terrorisme et l’homicide, qui représentent en gros 3% de la mortalité générale. Dans The Guardian et le The New York Times, ils constituent 70% de l’information, alors qu’ils ne constituent que 30% de l’information sur les réseaux.
« Donc la distorsion de la réalité – la différence entre la réalité rapportée et la réalité observée – est beaucoup plus grande dans les médias traditionnels, qui sont soumis à l’audimat, à des forces de pressions multiples. »
Rochebin de demander : « Pour vous, il y a une forme de vérité, de démocratie des réseaux sociaux qui est saine ? »
Raoult de répondre : « Il y a – pour le dire comme on s’exprime nous, avec des courbes de Gauss –, il y a, sur la courbe de Gauss de l’information traditionnelle, des bords beaucoup plus étroits. Et donc il manque ce qu’il y a de plus intelligent et ce qu’il y a de plus bête. Il manque les extrêmes. Et les extrêmes sont extraordinairement importants. »
Le journalisme traditionnel ne véhicule que la moyenne de l’opinion des gens : pas toutes les opinions, mais qu’une partie de l’opinion ; les opinions fortes sont écartées. Or, bien que minoritaires, ces dernières sont capitales : elles seules permettent de mettre les choses en perspective.
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IL NE FAUT PAS MANGER AVEC LE DIABLE
Dans sa discussion avec Laurence Ferrari le 7 décembre 2020, Raoult indique :
« Il ne faut pas manger avec le diable, même avec une très longue cuillère. Il ne faut pas le faire. Parce que, sinon, le diable a quelque chose à vous demander. C’est comme ça. »
Avant de poursuivre : « Je ne veux pas diaboliser le capitalisme de l’industrie pharmaceutique, mais je sais qu’il ne faut pas manger avec, qu’il faut garder une distance, qu’il faut éviter de confondre les bonnes relations que l’on a avec les conseils qu’on est susceptibles de donner. Ou bien alors il faut clairement abandonner l’idée de servir des conseils ou de rapporter des opinions sur des sujets qui sont directement en contact avec ça. »
Son constat est cruel : il est tout bonnement impossible d’être neutre.
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#OsonsPenser
#ApprenonsDesMeilleurs
#ViveLIntelligenceCollective
Pour donner un peu de contexte, voilà sa page Wikipédia du 9 décembre 2019 :
Est-ce qu’une épidémie mondiale est un risque « qui pourrait arriver » ou un risque « qui arrive », selon sa définition ?
Merci pour la question, que je ne comprends pas vraiment, d’autant plus suite au mini-texte ci-dessus, intitulé : « Je ne veux pas parler de ce qui est médié ».
L’enjeu, dans cette crise comme dans tout, est de comprendre ce qui se passe et trouver les moyens de s’élever au-dessus des idéologies, des radotages et autres automatismes liés à la peur. En scientifique cultivé, Raoult donne un nombre de clés considérables pour ne pas se (laisser) fourvoyer.
Je comprends bien son/ton point de vue : le seul « fait » qu’on parle d’une épidémie mondiale ou de changement climatique n’en implique pas forcément l’existence. Le contre-exemple serait : je n’ai vu ni Raoult ni un changement climatique, mais je pense bien que les deux existent, car j’ai d’autres éléments qui échappent à leur simple médiatisation.
Si on remonte un peu dans le temps, on peut regarder ce témoignage de Christian Althaus en février 2020 :
Epidemiologe Christian Althaus über die Gefahr des Corona-Virus (SRF, 16 minutes)
Il y a évidemment la mise en scène sur fond de carte du monde avec les chiffres pour faire peur (le cercle de 20 000 infections est aussi gros que toute la Chine). Christian Althaus reste posé et remarque que ce coronavirus est « relativement contagieux », « comparable à une grippe saisonnière ou avec SARS », mais avec « plus d’événements superspreaders ». À la question de savoir ce qui rend le coronavirus plus dangereux, il répond d’abord : « la grippe saisonnière n’est pas inoffensive », puis « La dangerosité, c’est-à-dire la mortalité du coronavirus pourrait être un petit peu plus élevée, par exemple 1%, ce qui pourrait faire 8 millions de morts ». « 8 millions ? C’est énorme ! » s’étonne le journaliste. Toujours sur le même ton monotone, il répond que « la grippe saisonnière fait environ 0.5 millions de mort par année, il se pourrait bien qu’on ait ici un facteur 10 fois plus élevé ». Il conclut donc directement : « des mesures strictes sont nécessaires ».
À la question de savoir ce qui se produirait aujourd’hui si une épidemie comme celle de 1918 surgissait, il remarque qu’ « il y aurait probablement moins de morts, le risque par infection serait plus faible car l’hygiène et les hôpitaux sont devenus bien meilleurs ». Contrairement aux journalistes, il s’étonne de la « communication rapide et transparente de la Chine, malgré les premières erreurs ». « Faut-il paniquer ? – Il ne faut pas paniquer, on a déjà eu des épidémies et des pandémies par le passé et on essaie maintenant aussi de réagir au mieux à ce danger […] En tant qu’individu dans un pays comme la Suisse, nous n’avons certainement pas à nous inquiéter […] C’est naturellement difficile de comparer le risque global et les morts possibles, avec le risque individuel qui est proportionnellement très faible. Cette contradiction est difficile à communiquer et, pour les individus, difficile à percevoir. »
« Va-t-il y avoir de plus en plus d’épidémies ? – Cette décénie nous avons déjà eu SARS, MERS, Ebola, Zika, Etcetera. (sic 😜) […] On doit se faire quelques réflexions pour diminuer ce risque. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Didier_Raoult