
Tout (s’é)coule
LÀ OÙ ON PEUT MARCHER SUR L’EAU, sur des planches posées sur l’eau, là où des rampes et des passerelles enjambent le fleuve, celui qui
Also sprach Zarathustra, connu en français sous le titre Ainsi parla Zarathoustra, est le livre le plus fameux – et sans doute le plus difficile – de Nietzsche. « Un livre pour tous et pour personne », indique le sous-titre : il s’adresse à tout le monde, mais personne n’y est préparé, tant il révolutionne nos habitudes de pensée et d’action.
Il s’agit d’un grand poème philosophique, une étrange homélie morale, non-platonicienne, non-chrétienne, composée de 81 discours de Zarathoustra. Peut-être le livre le plus obscur et éblouissant de notre tradition, qui se trouve la tête mise en bas. Une mine de sagesse tragique, phusique, de libération d’esprit, de santé, de prospérité et… de joie.
PHUSIS a scrupuleusement retraduit le texte, en restant au plus près de l’original et en proposant le nouveau titre Parole de Zarathoustra, qui rend à notre sens mieux la formule also sprach Zarathustra qui termine chacun des discours.
Chacun de nos articles présente un chapitre – ou morceau de chapitre – du livre avec, en bas, notre retraduction littérale et, en haut, sa réalimentation à partir de nos clés de lecture. Un réinvestissement qui rend le texte plus fluide et plus accessible à nos têtes peu habituées à ce genre d’écrits. La mise en lumière phusique des passages hermétiques rend l’écrit non seulement plus facile d’accès, mais aussi plus stimulant, plus léger et… plus drôle. Le but est qu’il puisse se lire comme un roman, presque de plage…
Les articles peuvent être lus dans n’importe quel ordre. Tous les commentaires, questions et propositions d’amélioration sont les bienvenus.
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En perse, Zarathoustra signifie « à la lumière brillante », nom avestique de Zoroastre, prophète du zoroastrisme, ancienne religion perse du VIe siècle avant J.-C. Nietzsche présente Zarathoustra comme le premier à avoir vu « dans la lutte du bien et du mal la vraie roue motrice du cours des choses. La transposition en métaphysique de la morale conçue comme force, cause, fin en soi, telle est son œuvre. Mais cette question pourrait au fond être considérée déjà comme une réponse. Zarathoustra a créé cette fatale erreur qu’est la morale ; par conséquent il doit aussi être le premier à reconnaître son erreur. » (Ecce homo, Pourquoi je suis un destin, §3).
A l’instar de toutes les grandes figures mythiques, Zarathoustra enseigne la sagesse tragique du va-et-vient des phénomènes. Il affirme la vie ici et maintenant, la fidélité à la terre. D’abord à la foule, dont les oreilles ont tôt fait de s’avérer ne pas être faites pour sa bouche. Puis à quelques âmes solitaires qui, lassées de se baigner dans le fleuve de la tradition, tendent l’oreille vers une autre musique, une autre vérité et rapport à l’existence.
Le livre est un long poème, une œuvre de réflexion sur une promesse d’avenir pour l’homme. Mais c’est aussi une parodie. Dans une lettre à son éditeur (13 février 1883), Nietzsche présente le livre comme un « 5e évangile ». Nombreux sont les passages qui rappent la Bible. Les symboles religieux ou ésotériques sont aussi nombreux. Le texte consiste en quatre parties, qui comptent autour de 20 chapitres de quelques pages chacun. Nietzsche n’a cessé de souligner la rapidité avec laquelle il a composé son texte : quelque dix jours seulement pour chacune des trois premières parties, qui représentent le Zarathoustra proprement dit (février 1883 à Rapallo, juin 1883 à Sils-Maria, janvier 1884 à Nice). La dernière (supplémentaire) a été écrite entre l’automne 1884 et février 1885.
Pris d’ivresse, plongé dans une prodigieuse folie créatrice, Nietzsche dit avoir vu naître le Zarathoustra comme en une explosion : « On n’entend pas, on ne cherche pas ; on prend, on ne pose pas la question de savoir qui donne ; les pensées s’illuminent comme des éclairs, en toute nécessité, dans leur forme, sans hésitation, − je n’ai jamais eu le choix… Tout s’est déroulé de la manière la plus involontaire qui soit, mais comme dans une tempête de sentiment de liberté, d’absolu, de puissance, de divinité… »
Comme les Bacchantes d’Euripide (dont PHUSIS s’est occupé ici), Parole de Zarathoustra a mille et une chose à nous apprendre. Sur le monde, nous-mêmes, la vie qui nous traverse de fond en comble.
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