IL EXISTE UNE VIEILLE FOLIE qui s’appelle Bien et Mal. Qu’on le veuille ou non, tout le monde en est imprégné ; tout le monde a le regard rivé sur les valeurs traditionnelles et se demande sans arrêt ce que vaut telle ou telle chose, si elle est bonne ou mauvaise. Jusqu’à aujourd’hui, la roue de cette folie a tourné autour des devins et des astrologues : ce sont eux, qui prédisent l’avenir et lisent dans les étoiles, qui ont à ce jour été les maîtres du Bien et du Mal.
Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, on croyait jadis aux devins et aux astrologues. Raison pour laquelle on croyait que « Tout est destin : tout ce que tu fais, tu le fais parce que tu dois le faire, parce que c’est écrit dans les étoiles, parce que tu n’as pas le choix ! » Jadis, aucune de nos actions n’était la réponse de nos petites idées ou envies personnelles ; chacun de nos actes se faisait en toute conformité avec ce qui était écrit, avec le destin dévoilé par les devins et les astrologues, en toute obéissance aux forces supérieures qui nous dépassent.
Puis on a commencé à se méfier des devins et des astrologues. Et on s’est mis à croire que « Tout est liberté : tout ce que tu fais, tu peux le faire parce que tu en as envie, parce que tu veux le faire ! » Le vouloir, la petite volonté de sa personne a pris la place du devoir, de la grande volonté des forces qui nous dépassent et qui guident toute chose.
Oh, mes frères, en matière d’étoiles et d’avenir, on s’est jusqu’ici contenté de croire sans savoir ! Et c’est pourquoi on n’a jusqu’ici aussi fait que croire au Bien et au Mal sans savoir ce qu’il est vraiment ! Il faut que ça change ! Notre tâche est de dévoiler à nouveau frais le Bien et le Mal, en toute connaissance de cause : le Bien et le Mal comme utilité ou inutilité pour la vie…
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Traduction littérale
Il existe une vieille folie qui s’appelle Bien et Mal. La roue de cette folie a jusqu’ici tourné autour de devins et d’astrologues.
On a cru jadis aux devins et aux astrologues : et c’est pourquoi on a cru que « Tout est destin : tu dois car tu es obligé ! »
On s’est ensuite de nouveau méfié de tous les devins et astrologues : et c’est pourquoi on a cru que « Tout est liberté : tu peux parce que tu veux ! »
Oh, mes frères, sur les étoiles et l’avenir, on n’a jusqu’ici fait que croire et non savoir : et c’est pourquoi on n’a jusqu’ici fait que croire et non savoir sur le Bien et le Mal !
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Il s’agit ci-dessus de la partie 9 (sur 30) du douzième chapitre (« De vieilles et de nouvelles tables ») de la « Troisième partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement réinvesti (en haut) et traduction littérale (en bas). Les précédents chapitres se trouvent ici.