« – ET J’AI VU UNE GRANDE TRISTESSE S’ABATTRE SUR LES HOMMES. Les meilleurs d’entre eux, les créateurs eux-mêmes, étaient fatigués de leurs œuvres, épuisés par la vie.
Un enseignement se répandait un peu partout, accompagné de cette croyance : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! » disait-on tout azimut. Mélange de nihilisme et de nostalgie.
Et toutes les collines du monde renvoyaient le même écho mélancolique : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! »
Bien sûr que nos efforts ont été récompensés ; bien sûr que notre travail nous a permis de récolter beaucoup de choses : mais pourquoi donc tous nos fruits nous ont-ils pourri et bruni dans les mains ? Qu’est-ce qui, la nuit dernière, nous est tombé dessus de la méchante lune ?
Toutes nos œuvres se sont avérées vaines : notre vin s’est transformé en poison, le mauvais œil de la lune et du soleil a roussi nos champs et nos cœurs.
Nous sommes tous devenus secs ; et si le feu nous tombe encore dessus, si nous sommes pris d’enthousiasme, nous avons tôt fait de nous transformer en cendre ; comme elle, nous sommes incapables de produire autre chose que de la poussière. Oui, nous avons fini par épuiser jusqu’au feu de notre enthousiasme.
Toutes nos sources, toutes nos fontaines sont désormais taries ; la mer elle-même a reculé devant nos efforts de maîtrise. Et les sols ont beau vouloir se crevasser, s’ouvrir sur leurs entrailles, la profondeur ne veut plus rien engloutir ! Et voilà que tout reste confiné à la surface.
« Ah, mais où donc y a-t-il encore une mer dans laquelle on pourrait plonger, dans laquelle on pourrait se noyer ? » Voilà comment résonne notre plainte par-dessus les plats marécages asséchés.
En vérité, nous sommes tellement épuisés que nous n’avons même plus la force de mourir. Alors, nous nous traînons çà et là, nous veillons, nous continuons à vivre – serait-ce en morts-vivants, entourés de morts, dans des chambres mortuaires !
*
Voilà comment Zarathoustra a entendu parler un devin, un prophète. Et ses paroles ne l’ont pas laissé indifférent, mais lui sont allées droit au cœur. Ses observations et prédictions correspondaient tellement à ce qu’il a lui-même pu voir en s’envolant vers le lointain qu’elles ont eu pour conséquence de le transformer, de l’abattre. Triste, fatigué, épuisé, il s’est alors mis à errer çà et là, sans but, devenant justement semblable à ceux dont le devin avait parlé.
Voilà comment il a alors parlé à ses disciples : « Le devin n’a pas tort, il s’en faut de peu pour que vienne le long crépuscule dont il parle ; il est tout près, là, à notre porte. Ah, comment faire pour sauver ma lumière dans cette nuit qui s’annonce ! Comment faire pour que ma doctrine de l’affirmation de la vie survive par-delà le crépuscule et la nuit qui gronde !
Comment faire pour qu’elle n’étouffe pas dans cette tristesse, dans cette mélancolie sur le point de s’emparer de tout ce qui nous entoure –et de nous-mêmes y compris ! Si ma lumière, comme il semble, n’est pas faite pour aujourd’hui, elle doit pourtant l’être pour des mondes à venir, plus lointains, pour des nuits les plus éloignées ! »
Préoccupé de la sorte, Zarathoustra errait donc çà et là, l’âme en peine. Et trois jour durant, il n’a eu la force ni de boire ni de manger ; sans le moindre répit ni repos dans sa tête, il en est même venu à perdre la parole. Enfin, découragé, le quatrième jour, il a soudain sombré dans un profond sommeil. Ses disciples, eux, étaient là, assis autour de lui : faisant de longues veilles, ils attendaient, soucieux, de le voir se réveiller, de le voir revenir à lui et, guéri de son affliction, l’entendre recommencer à parler et dispenser ses enseignements.
Zarathoustra a certes fini par se réveiller, mais voici le discours qu’il a tenu alors, d’une voix venant comme de très loin aux oreilles de ses disciples :
« Ecoutez-moi ce dont j’ai rêvé, mes amis, et aidez-moi à en dévoiler le sens !
Le terrible rêve que je viens d’avoir m’est pour l’heure encore une énigme. Son sens demeure caché en lui : prisonnier de lui-même, il ne vole pas encore comme il devrait le faire, de ses ailes libres, au-dessus de lui-même.
J’ai rêvé que j’avais renoncé à toute vie. Loin de la lumière, de la joie, de la force créatrice, de l’affirmation de la vie, j’étais devenu le gardien de la nuit et des tombes, là-bas dans le château solitaire de la montagne de la mort.
Là-haut, mon rôle n’était pas celui de porte-parole de la vie, mais celui de gardien de cercueils : et sous les voûtes étouffées du château, les tombeaux, signes de victoires sur la vie, étaient innombrables. La vie surmontée, vaincue, me regardait de ses yeux de mort à travers des cercueils en verre ; la vie surmontée, bien sûr toujours au sens de son dépassement, mais cette fois non pas vers du plus grand, du plus fort, du plus riche, du plus intense, mais vers la mort.
Là-haut, esseulé dans mon château, je respirais l’odeur de la fin, de la mort, l’odeur d’éternités empoussiérées : mon âme gisait là, lourde et elle aussi empoussiérée. Qui donc, là-bas, dans ce climat d’étouffement et d’épuisement, aurait donc pu aérer son âme !
La clarté de minuit envahissait les alentours ; et la solitude était toujours là, accroupie à côté d’elle ; et il y avait encore un troisième compagnon, le pire de mes amis : le calme, un agonisant silence de mort.
J’avais sur moi de vieilles clés, les plus rouillées de toutes les clés du monde. Et je savais comment, avec ces clés, ouvrir la plus grinçante de toutes les portes, la porte du château, là-haut, sur la montagne.
Quand les battants de la porte s’ouvraient, le bruit de leur ouverture courait, pareil un ignoble croassement, à travers les longs couloirs : l’oiseau criait monstrueusement ; sans doute parce qu’il ne voulait pas être réveillé.
Mais aussi terrible qu’était le bruit, plus effroyable encore était le silence qui le suivait ; quand le calme revenait un peu partout, un affreux silence avait tôt fait de me serrer le cœur. Et voilà que je me retrouvais, assis là, moi, seul, au milieu de ce perfide silence.
Voilà comment passait et glissait le temps, pour autant que le temps existait encore : qu’en sais-je ! Mais enfin, dans cet état de terreur, quelque chose m’a soudain réveillé.
Par trois fois, des coups ont frappé à la porte, pareils à des coups de tonnerre, faisant résonner et hurler, par trois fois aussi, les voûtes, dans le même rythme, avec le même son, mais plus vibrant, moins net, et donc plus profond encore. Je suis alors allé vers la porte.
Oh là !, ai-je crié : qui est-ce qui porte ses cendres à la montagne ? Oh là ! Oh là ! Qui est-ce qui porte ses cendres à la montagne ?
J’ai alors tourné la clé dans la serrure et poussé aussi fort que j’ai pu contre la porte. Mais la lourde porte était à peine ouverte d’un doigt qu’un terrible vent mugissant a tout à coup violemment écarté ses volets : sifflant, strident, coupant, il m’a lancé un noir cercueil sur les pieds.
Mugissant, sifflant et strident, le tombeau a volé en éclats, crachant des milliers de rires.
Et il a mugi et ri et s’est moqué de moi de ses mille grimaces d’enfants, d’anges, de chouettes, de bouffons et autres papillons grands comme des enfants.
C’était terrible : j’en étais horriblement effrayé. Au point que ça m’a renversé sur le sol et m’a fait crier d’épouvante, comme jamais encore je n’avais crié.
Mais mon propre cri était tellement fort qu’il m’a réveillé – que j’ai été arraché de mon rêve et suis revenu à moi. »
Voilà comment Zarathoustra a raconté son rêve. Puis il s’est tu. Et s’il restait silencieux, c’est qu’il cherchait encore le sens, la signification de ce qui lui était arrivé. Le voyant dans cet état, le disciple qu’il aimait le plus s’est alors levé d’un bond, lui a pris la main et lui a dit :
« Oh Zarathoustra, ta vie elle-même nous donne à vrai dire la signification de ton rêve !
N’es-tu pas toi-même le vent au sifflement strident qui écarte violemment les portes des châteaux de la mort ?
N’es-tu pas toi-même le cercueil plein de méchancetés multicolores et de grimaces d’anges de la vie ?
Mais tu le sais bien : en vérité, c’est avec des milliers de rires d’enfants que Zarathoustra côtoie tous les endroits tristes, tous les gens mélancoliques ; c’est ainsi qu’il pénètre dans toutes les chambres mortuaires, se moquant des veilleurs de nuit et des gardiens de tombes, et de quiconque fait cliqueter de sombres clés.
Tous les esprits morbides, tu vas les effrayer et les renverser avec ton rire ; tu vas leur faire une syncope ; et leur réveil, leur retour à la conscience et à la vie va prouver ton pouvoir sur eux.
Même quand le long crépuscule arrive et que la fatigue mortelle s’empare de tout un chacun, tu ne vas pas te laisser abattre, tu ne vas pas décliner de notre ciel, toi le porte-parole de la vie !
Tu nous as ouvert les yeux sur le monde, sur la vie : tu nous as fait voir de nouvelles étoiles et de nouveaux délices nocturnes. En vérité, le rire lui-même, tu l’as tendu au-dessus de nous telle une tente colorée.
Depuis toi, des rires d’enfants vont de tout temps sourdre des cercueils ; depuis toi, un vent fort va toujours l’emporter sur toutes les fatigues mortelles, sur tous les épuisés : de tout cela, du rire d’enfants, du vent puissant, de la vie, tu en es toi-même le garant et le devin !
En vérité, dans ton rêve, tu as rêvé de tes ennemis eux-mêmes : voilà pourquoi ça été ton rêve le plus lourd !
Mais de même que tu t’es réveillé, que tu as retrouvé tes esprits, que tu es revenu à toi, de même ils doivent eux aussi se réveiller, se réveiller d’eux-mêmes – et venir à toi ! »
Voilà comment a parlé le disciple préféré de Zarathoustra. Et tous les autres disciples se poussaient maintenant autour de Zarathoustra, le prenaient par les mains et voulaient le convaincre de quitter son lit de tristesse et revenir vers eux. Mais Zarathoustra avait beau s’être redressé sur sa couche ; assis, son regard demeurait comme étranger. Pareil à quelqu’un qui revient chez lui après un long séjour à l’étranger, il regardait ses disciples et scrutait leurs visages ; sans les reconnaître encore. Mais quand ils l’ont levé et mis sur les pieds, voyez-donc, son œil s’est soudain transformé ; venant de digérer ce qui lui était arrivé, il s’est alors caressé la barbe et a dit d’une voix retrouvée, forte :
« Allons, Tout cela est passé ! Veillez donc, mes chers disciples, à ce que nous fassions au plus vite un bon repas ! Voilà comment j’ai l’intention de faire pénitence des mauvais rêves !
Et que le devin vienne manger et boire à mes côtés. Il a tort : tout n’est pas encore vide, tout n’est pas encore égal, tout n’est pas encore passé. Vraiment, je veux encore lui montrer une mer dans laquelle il peut plonger ; je veux encore lui montrer une vie dans laquelle on peut se noyer ! »
Parole de Zarathoustra. Suite à ses mots, Zarathoustra a longuement regardé, non sans sourire et secouer la tête, le visage du disciple qui lui avait donné la signification du rêve. Son épreuve lui a montré qu’il n’était plus tout à fait seul, que son enseignement était en train de prendre.
***
Traduction littérale
« – et j’ai vu une grande tristesse s’abattre sur les hommes. Les meilleurs se fatiguaient de leurs œuvres.
Un enseignement se répandait, une croyance marchait à côté d’elle : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! »
Et toutes les collines renvoyaient l’écho : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! »
Bien sûr que nous avons récolté : mais pourquoi est-ce que tous nos fruits nous ont-ils pourri et sont-ils devenus bruns ? Qu’est-ce qui, la dernière nuit, est tombé de la méchante lune ici-bas ?
Tout notre travail était vain, notre vin est devenu poison, le mauvais œil a roussi nos champs et nos cœurs.
Nous sommes tous devenus secs ; et si le feu tombe sur nous, pareille à la cendre, nous faisons de la poussière : – oui, nous avons même fatigué le feu.
Toutes les fontaines nous sont taries, même la mer s’est retirée. Tous les sols veulent se crevasser, mais la profondeur ne veut pas engloutir !
« Ah, où y a-t-il encore une mer, dans laquelle on pourrait se noyer » : voilà comment résonne notre plainte par-dessus des plats marécages.
En vérité, nous sommes déjà devenus trop fatigués pour mourir ; alors nous veillons encore et continuons à vivre – dans des chambres mortuaires !
*
Voilà comment Zarathoustra a entendu parler un devin ; et sa prédiction lui est allé droit au cœur et l’a transformé. Triste, il errait çà et là, et fatigué ; et il est devenu semblable à ceux dont le devin avait parlé.
En vérité, voilà comment il a parlé à ses disciples, il s’en faut de peu pour que vienne ce long crépuscule. Ah, comment dois-je sauver ma lumière au-delà !
Qu’elle ne m’étouffe pas dans cette tristesse ! Elle doit en effet être lumière pour des mondes plus lointains, et les nuits les plus éloignées !
Préoccupé de la sorte, Zarathoustra errait çà et là ; et trois jour durant, il n’a pris ni boisson ni repas, n’a pas eu de repos et a perdu la parole. Enfin, il est arrivé qu’il sombre dans un profond sommeil. Mais ses disciples étaient assis autour de lui pour de longues veilles et attendaient, soucieux, de voir s’il se réveille et parle de nouveau et est guéri de son affliction.
Mais tel est le discours qu’il a tenu quand il s’est réveillé ; mais sa voix venait à ses disciples comme de très loin :
Ecoutez-moi donc le rêve que j’ai rêvé, vous amis, et aidez-moi à deviner son sens !
Il m’est encore une énigme, ce rêve ; son sens est caché en lui et prisonnier et ne vole pas encore par-dessus lui les ailes libres.
J’avais renoncé à toute vie, voilà ce dont j’ai rêvé. J’étais devenu le gardien de la nuit et des tombes, là-bas sur le solitaire château-montagne de la mort.
Là-haut, je gardais ses cercueils : les voûtes étouffées étaient pleines de tels signes de victoires. De la vie surmontée me regardait hors de cercueils en verre.
Je respirais l’odeur d’éternités empoussiérées : mon âme gisait là, lourde et empoussiérée. Et qui donc aurait, là-bas, pu aérer son âme !
La clarté de minuit était toujours autour de moi, la solitude était accroupie à côté d’elle ; et, à trois, un agonisant silence de mort, le pire de mes amis.
J’amenais des clés, les plus rouillées de toutes les clés ; et je savais comment, avec elles, ouvrir la plus grinçante de toutes les portes.
Le son courait pareil un très méchant croassement à travers les longs couloirs quand les battants de la porte s’ouvraient : cet oiseau criait monstrueusement, il ne voulait pas être réveillé.
Mais c’était plus effroyable et serrait davantage encore le cœur quand ça se taisait et que le calme était tout alentour et que je me trouvais assis là, seul, dans ce perfide silence.
Voilà comment passait et glissait le temps, si le temps existait encore : qu’en sais-je ! Mais enfin est arrivé ce qui m’a réveillé.
Par trois fois, des coups ont frappé à la porte, pareils à des coups de tonnerre, les voûtes ont résonné et hurlé trois fois aussi : alors je suis allé vers la porte.
Oh là !, ai-je crié, qui porte ses cendres à la montagne ? Oh là ! Oh là ! Qui porte ses cendres à la montagne ?
Et j’ai appuyé sur la clé et ai poussé contre la porte et me suis donné de la peine. Mais la porte n’était pas encore ouverte d’un doigt :
Alors un vent mugissant a violemment écarté ses volets : sifflant, stridente, coupant, il m’a jeté un noir cercueil :
Et mugissant et sifflant et strident, le cercueil a volé en éclats et a craché des éclats de rires par milliers.
Et il a ri et ricané et mugi contre moi par mille gueules d’enfants, d’anges, de chouettes, de bouffons et de papillons grands comme des enfants.
J’en ai été horriblement effrayé : ça m’a renversé. Et j’ai crié d’épouvante, comme jamais je n’ai crié.
Mais mon propre cri m’a réveillé : – et je suis revenu à moi. –
Voici comment Zarathoustra a raconté son rêve avant de se taire : car il ne connaissait pas encore la signification de son rêve. Mais le disciple qu’il aimait le plus s’est rapidement levé, a pris la main de Zarathoustra et a dit :
« Ta vie elle-même nous donne la signification de ce rêve, oh Zarathoustra !
N’es-tu pas toi-même le vent au sifflement strident qui écarte violemment les portes des châteaux de la mort ?
N’es-tu pas toi-même le cercueil plein de méchancetés multicolores et de gueules d’anges de la vie ?
En vérité, pareil à des rires d’enfants par milliers, Zarathoustra vient dans toutes les chambres mortuaires, riant de ces veilleurs de nuit et de tombes, et de quiconque fait cliqueter de sombres clés.
Tu vas les effrayer et les renverser avec ton rire ; la syncope et le réveil va prouver ton pouvoir sur eux.
Et aussi quand le long crépuscule arrive et la fatigue mortelle, tu ne vas pas décliner de notre ciel, toi le porte-parole de la vie !
Tu nous as fait voir de nouvelles étoiles et de nouveaux délices nocturnes ; en vérité, tu as tendu au-dessus de nous le rire lui-même comme une tente colorée.
Maintenant des rires d’enfants vont toujours sourdre des cercueils ; maintenant un vent fort va toujours l’emporter sur toute fatigue mortelle : tu en es toi-même le garant et le devin !
En vérité, tu as rêvé d’eux-mêmes, de tes ennemis : cela a été ton rêve le plus lourd !
Mais de même que tu t’es réveillé et es revenu à toi, ils doivent eux-mêmes se réveiller d’eux-mêmes – et venir à toi ! » –
Ainsi a parlé le disciple ; et tous les autres se poussaient maintenant autour de Zarathoustra et l’ont pris par les mains et ont voulu le convaincre de quitter le lit et la tristesse et de revenir vers eux. Mais Zarathoustra était assis, redressé, sur sa couche, et le regard étranger. Pareil à quelqu’un qui revient chez lui après un long temps à l’étranger il regardait ses disciples et scrutait leurs visages ; et il ne les reconnaissait pas encore. Mais quand ils l’ont levé et mis sur les pieds, voyez, son œil s’est d’un coup transformé ; il a tout compris ce qui s’était passé, s’est caressé la barbe et a dit d’une voix forte :
« Allons ! Tout cela est passé ; mais veillez-moi, mes disciples, à ce que nous fassions un bon repas, et vite ! Voilà comment j’ai l’intention de faire pénitence des mauvais rêves !
Mais le devin doit manger et boire à côté de moi : et en vérité, je veux encore lui montrer une mer dans laquelle il peut se noyer ! »
Parole de Zarathoustra. Mais sur ce, il a longuement regardé le visage du disciple qui lui avait donné la signification du rêve, et ce en secouant la tête. –
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Il s’agit là de la suite de la retraduction commentée et littérale du Zarathoustra de Nietzsche. Dix-neuvième chapitre de la « Deuxième partie » des « Discours de Zarathoustra ». Les précédents se trouvent ici.